Elle sait l’Evangile par Coeur

Elle sait l’Evangile par coeur… (Dessin de Marie-Jacinta, d’après la Pieta de Michel-Ange

 




Apparition du 13 mai 1917 : une Dame plus brillante que le soleil

Extrait du livre Mon Coeur Immaculé triomphera, Fatima, révélation des derniers temps, Marie-Michel, Editions du Jubilé 2017

Après la Messe du Dimanche avec les familles, les trois petits bergers prirent leur sac avec le repas et conduisirent les brebis sur les verts pâturages de printemps. Lucie choisit un terrain de ses parents à la Cova da Iria. Ensuite, les enfants commencèrent à construire un petit muret de pierres autour d’un groupe d’arbuste. François est l’architecte et le maçon pendant que les deux filles apportent des pierres. Chose étonnante et prophétique, c’est le lieu exact où, plus tard, s’élèvera la basilique dédiée à Notre Dame du Rosaire !

Soudain, au milieu du ciel d’azur, une vive lumière traverse le ciel que les enfants interpréteront comme « un éclair » ! Il est 12h. Lucie prend alors une décision : « Il vaut mieux retourner à la maison, car voici des éclairs et il pourrait venir l’orage ! – Bien sûr ! disent les deux autres ». Et les voilà qui descendent rapidement avec leurs brebis. Arrivés à la moitié de la pente, un autre éclair encore plus éblouissant les surprend : ils voient alors « sur un petit chêne vert, une Dame, toute vêtue de blanc, plus brillante que le soleil, irradiant une lumière plus claire et plus intense qu’un verre de cristal rempli d’eau cristalline, traversée par les rayons du soleil le plus ardent. Nous nous arrêtâmes, surpris par cette Apparition. Nous étions si près que nous nous trouvions dans la lumière qui l’entourait, ou plutôt qui émanait d’Elle, peut-être à un mètre et demi de distance[1]… »

Alors, « avec un geste de maternelle bonté, l’Apparition les rassure : « N’ayez pas peur ; je ne vous ferai aucun mal ». Et ils restèrent là, extasiés, à la contempler !  Car la Dame est de toute beauté. Elle semble avoir de quinze à dix huit ans. La robe d’une blancheur de neige, serrée au cou par un cordon d’or, lui descend jusqu’aux pieds, qui se voient à peine, effleurant les branches du chêne-vert. Un voile blanc avec un fin liseré d’or lui couvre la tête et les épaules et lui tombe jusqu’aux pieds comme la robe. Les mains sont jointes à la hauteur de la poitrine, dans l’attitude de la prière. Un chapelet de perles brillantes, avec une croix d’argent, pend à la main droite. Le visage d’une beauté inexprimable brille dans une auréole de soleil, mais semble voilé d’une légère tristesse[2] ».

Les trois enfants sont plongés dans un silence émerveillé. Après quelques minutes commence alors un dialogue à la fois si simple et d’une telle portée dans l’histoire du salut. Lucie ose demander : « D’où êtes-vous, Madame ? »

– Je suis du Ciel, répond la Dame.

– Du Ciel ! Et que voulez-vous de moi ?

– Je viens vous demander de venir ici six mois de suite, le 13 de chaque mois, à la même heure. Au mois d’octobre, je vous dirai qui je suis et ce que je veux. Plus tard, je reviendrai encore ici une septième fois.

– Pouvez-vous me dire si la guerre va bientôt finir ?

– Je ne peux pas te le dire, répond la Dame, tant que je ne t’ai pas dit ce que je désire.

Mise en confiance par la Vierge, Lucie pose des questions étonnantes :

– Vous venez du Ciel !  Et moi, est-ce que j’irai au Ciel ?

– Oui, tu iras au Ciel[3].

– Et Jacinthe ?

– Jacinthe aussi.

– Et François ?

La Vierge se tourna vers le petit garçon et le regarda avec une expression mêlée de bonté et de maternel reproche :

– Oui, il ira ; mais il devra dire beaucoup de chapelets [4] !

De fait, dès le début de l’Apparition, François ne voyait, ni n’entendait rien et il commence en s’en plaindre… Lucie, étonnée, dit alors à la Dame :

– Comment se fait-il que François ne vous voit pas ?

– Dis-lui de réciter le chapelet, répond la Dame, et il me verra aussi.

Lucie fait la commission et François commence à réciter son chapelet. Après quelques Ave Maria, il voit tout à coup la Dame dont l’éclat l’éblouit… mais il ne l’entend pas parler. Entre temps, Lucie continue à la questionner au sujet de deux jeunes filles mortes depuis peu et qui étaient ses amies. La première avait 16 ans et l’autre entre 18 et 20 ans :

– Est-ce que Maria das Neves est déjà au Ciel ?

– Oui, elle y est.

– Et Amélia ?

– Elle sera au purgatoire jusqu’à la fin du monde.

A cette parole, des larmes inondent les yeux de Lucie et c’est alors que la Vierge affligée vient comme frapper à la porte de leurs cœurs :

– Voulez-vous vous offrir à Dieu pour supporter toutes les souffrances qu’il voudra vous envoyer, en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs ?

Au nom de tous, Lucie répond avec force :

– Oui, nous le voulons.

– Vous aurez beaucoup à souffrir, mais la grâce de Dieu sera votre réconfort !

En prononçant ces dernières paroles, La Vierge ouvrit les mains pour la première fois, et projeta sur eux un faisceau de lumière mystérieuse, à la fois si intense et si profonde que, pénétrant dans leur poitrine jusqu’au plus intime de l’âme, elle les fit se voir eux-mêmes en Dieu qui était cette lumière, plus clairement que dans le miroir le plus clair… Alors, continue Lucie, saisis par un élan irrésistible, nous sommes tombés à genoux, répétant du fond du cœur : « O Très Sainte Trinité, je vous adore. Mon Dieu, mon Dieu, je vous aime dans le Très Saint Sacrement !… »

Les enfants demeurèrent ainsi, quelques instants, dans cet océan de lumière où la Dame les avait plongés… et puis, Elle ajouta :

– « Récitez le chapelet tous les jours, afin d’obtenir la paix pour le monde et la fin de la guerre. »

Ensuite, Elle commença à s’élever doucement dans la direction du Levant, jusqu’à disparaître dans l’immensité du ciel. La lumière qui l’environnait, semblait lui ouvrir un chemin à travers les astres, ce qui nous fit dire quelquefois, que nous avions vu s’ouvrir le ciel[5] ».

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[1] Carmel de Coimbra, Un chemin sous le regard de Marie, op. cit., p.58.

[2] J.C. Castelbranco, Le prodige inouï de Fatima, op. cit., p.10.

[3] Remarquons que si à Lourdes, Marie disait « vous » à Bernadette ; à Fatima, elle dit « tu » à Lucie.

[4] « D’après ce que nous a dit Mr. Marto… il semble que c’est François qui avait imaginé la manière expéditive de se débarrasser du chapelet »,  Père De Marchi, Témoignages sur les Apparitions de Fatima, op. cit.,p.56.

[5] Carmel de Coimbra, Un chemin sous le regard de Marie, op. cit., p.59.




Les visites de l’Ange : des desseins de Miséricorde

Extrait du livre Mon Coeur Immaculé triomphera, Fatima, révélation des derniers temps, Marie-Michel, Editions du Jubilé 2017.

Les Anges dans la Bible préparent les chemins du Seigneur. Le plus bel épisode est celui de l’Annonciation où l’Ange Gabriel vient préparer Marie (Lc 1,26-38) à la venue du Verbe fait chair. A Fatima, il se présente avec un double titre lié à l’histoire du pays et à la première guerre mondiale d’alors : « L’Ange de la paix » et « l’Ange gardien du Portugal ».

Les deux premières Apparitions : « priez, priez beaucoup ! »

       C’est au printemps 1916 que l’Ange se manifesta aux enfants pour la première fois : ils sont sur la hauteur d’une colline rocheuse appelée « Le Cabeço » qui domine Fatima et ils font paître les brebis. Vers le milieu de la journée, ils prennent leur repas frugal et récitent un chapelet raccourci à l’extrême en disant seulement : « Ave Maria » et « Padre Nosso » pour passer vite à leurs jeux d’enfants !… Tout à coup, à 12h, heure de l’Angélus, un fort vent secoua les arbres et ils virent, au-dessus des oliviers, une forme lumineuse approcher vers eux : « Elle avait l’apparence d’un jeune homme de 14 ou 15 ans, plus blanc que la neige, que le soleil rendait transparent comme s’il était en cristal, et d’une grande beauté. En arrivant près de nous, il nous dit : « N’ayez pas peur !  Je suis l’Ange de la paix. Priez avec moi ! »  Alors, en les faisant se prosterner, il commença à leur apprendre cette prière qui a fait le tour du monde et demeure, un siècle plus tard, d’une telle actualité face à la décadence de notre société :

« Mon Dieu je crois, j’adore, j’espère et je vous aime. Je vous demande pardon pour tous ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas et ne vous aiment pas ».

Après leur avoir fait répéter trois fois cette prière si puissante, « il se releva et nous dit : « Priez ainsi. Les Cœurs de Jésus et de Marie sont attentifs à la voix de vos supplications ».

Cette première venue de l’Ange va marquer les trois enfants : « Ses paroles se gravèrent de telle manière dans notre esprit que jamais nous ne les avons oubliées. Et depuis lors, nous restions longtemps prosternés, répétant ces prières parfois jusqu’à tomber de fatigue. Je recommandai aussitôt à mes cousins de bien garder le secret[1]… »

Ces paroles de l’Ange nous enseignent aussi pour aujourd’hui car le premier appel de Fatima est cette invitation à la prière fervente dont le fruit est paix, et donc puissance de l’amour de Dieu qui peut arrêter et éviter les guerres ! En effet, le 9 mars 1916 l’Allemagne déclara la guerre au Portugal. De fait, ce pays restera protégé par son Ange gardien dont la Fête sera restaurée le 28 juin 1952 à la demande des Evêques portugais au Pape Pie XII qui répondit très favorablement.

La seconde Apparition eut lieu un jour de l’été 1916 à l’ «Arneiro », le puits des parents de Lucie, qui était au fond de leur jardin. Les trois enfants jouaient de plus belle quand l’Ange

leur apparut pour les reprendre : « Que faites-vous ? Priez, priez beaucoup !  Les Saints Cœurs de Jésus et de Marie ont sur vous des desseins de miséricorde. Offrez constamment au Très-Haut des prières et des sacrifices. »

Une fois de plus, ces paroles de l’Ange doivent nous interpeller au plus profond de nos cœurs. En effet, ces « desseins de miséricorde » prennent un relief tout particulier après ce Jubilé de la miséricorde 2016 !  Jésus et sa Mère veulent nous entraîner dans leurs Cœurs sur les voies d’une tendresse « engagée » qui vient délivrer le monde de l’égoïsme et de la guerre !  Et le premier choix à faire pour sauver notre civilisation du chaos où l’entraîne l’Ennemi, c’est la puissance du salut indiquée par l’Ange : offrir quotidiennement au Père, par Jésus et Marie, des prières et des sacrifices. Mais les objections de la normalité paralysent souvent nos cœurs et nous pouvons dire comme les enfants :

– « Comment ferons-nous des sacrifices ? » La réponse simple et concrète de l’Ange doit nous inspirer et nous engager :

–  « De tout ce vous pourrez, offrez à Dieu un sacrifice, en acte de réparation pour les péchés par lesquels il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs. Attirez ainsi la paix sur votre Patrie. Je suis son Ange Gardien, l’Ange du Portugal. Surtout, acceptez et supportez avec soumission les souffrances que le Seigneur vous enverra[2] ».

L’Ange renvoie d’abord à la vie quotidienne sans faire du sacrifice une démarche exceptionnelle mais une offrande : « Offrez à Dieu un sacrifice ! »  Comment ne pas penser ici à Petite Thérèse : « Je n’ai d’autre moyen de te prouver mon amour que de jeter des fleurs, c’est-à-dire de ne laisser échapper aucun petit sacrifice, aucun regard, aucune parole, de profiter de toutes les petites choses et de les faire par amour[3] ». N’est-ce pas là la marque mystérieuse de la sainteté des enfants de Dieu : « Ce sont des enfants comme les autres… et pourtant, auprès d’eux, on sent un je ne sais quoi différent des autres[4] ».

Troisième Apparition : « Consolez votre Dieu ! »

       Pour mieux saisir l’importance de cette dernière Apparition, il faut d’abord ici écouter Lucie sur la seconde venue de l’Ange : « Ces paroles, nous dit-elle, étaient comme une lumière qui nous faisait comprendre ce qu’est Dieu, combien il nous aime et veut être aimé de nous… combien le sacrifice est agréable à Dieu, et comment Dieu, en considération du sacrifice, convertit les pécheurs[5]… »

La troisième Apparition de l’Ange survint à l’automne 1916 au « Cabeço », le même lieu élevé que la première. Et cette fois, l’Ange trouve les trois enfants prosternés et en train de redire avec ferveur la prière apprise de lui : « Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère…etc. » Et c’est alors, dit Lucie, que « nous vîmes briller au-dessus de nous une lumière inconnue. » Ils se redressèrent et découvrirent l’Ange qui tenait « dans sa main gauche un calice, sur lequel était suspendue une Hostie de laquelle tombaient quelques gouttes de sang dans le calice. »

Alors, l’Ange laissa suspendu en l’air le calice et l’Hostie. Il s’agenouilla près des enfants en leur faisant répéter trois fois : « Très Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, je vous adore profondément, et je vous offre le Très Précieux Corps, Sang, Ame et Divinité de Jésus-Christ présent dans tous les Tabernacles du monde, en réparation des outrages, sacrilèges et indifférences par lesquels il est Lui-même offensé. Et par les mérites infinis de son Très Saint Cœur et du Cœur Immaculé de Marie, je vous demande la conversion des pauvres pécheurs ». Cette prière nous transporte véritablement au pied de la Croix où l’Agneau immolé sauve le monde et elle actualise dans le temps le mystère du salut … Ensuite, l’Ange se leva et donna l’Hostie à Lucie et partagea le Sang du calice entre Jacinthe et François. Il disait en même temps : « Prenez et buvez le Corps et le Sang de Jésus-Christ horriblement outragé par les hommes ingrats. Réparez leurs crimes et consolez votre Dieu ».

Cette troisième Apparition est la plus intense et plonge les enfants dans un état « spécial » qui durera trois jours. Elle leur fait toucher la splendeur de la Majesté de Dieu et fait naître aussi en eux un désir fort de réparation et de sacrifice pour sauver les pécheurs.

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NOTES

[1] Mémoires de Sœur Lucie, op. cit., p.64. A noter que François, comme plus tard aux Apparitions de la Vierge, voit mais n’entend pas les paroles de l’Ange. Il ne peut que répéter les prières en écoutant Lucie et Jacinthe.

[2] Mémoires de Sœur Lucie, op. cit., p.64.

[3] Sainte Thérèse de Lisieux, Œuvres complètes – Manuscrit B, Cerf-DDB, 1992, p.228.

[4] Joaquim Maria Alonso, Fatima – Message et consécration, op. cit., p.7.

[5] Père De Marchi, Témoignages sur les Apparitions de Fatima, op. cit., p.79.




Trois enfants choisis par Marie

Extrait du livre Mon Coeur Immaculé triomphera, Fatima, révélation des derniers temps, Marie-Michel, Editions du Jubilé 2017.

                                                « Si je pouvais mettre dans le cœur de tout le monde

                                                         le feu que j’ai là, dans la poitrine, et qui me brûle

                                                et me fait tant aimer le Cœur de Jésus et le Cœur de Marie ! »

                                                                                       Bienheureuse Jacinthe

         L’histoire des enfants de Fatima est simple et joyeuse, douloureuse et glorieuse : elle est un reflet très pur des Evangiles. Il faut y deviner, à travers leurs personnalités bien distinctes et leur communion étonnante, l’œuvre de l’Esprit qui se déploie jour après jour dans le cœur des enfants de Marie qui écrivent des pages étonnantes dans l’histoire de l’Eglise contemporaine.

A l’origine, il faut situer aussi le sens mystérieux que porte le nom de Fatima car il y a « une histoire – ou légende – selon laquelle, au XII° siècle, des chevaliers chrétiens ayant triomphé d’un groupe de cavaliers musulmans, le roi de Portugal donna en mariage au vainqueur la fille du vaincu, Fatima, qui se convertit peu après… Ces faits, même idéalisés, reposent cependant sur un fond de vérité providentiel, quand on sait qu’à l’origine, Fatima est la fille du Prophète, Mahomet. Marie est sans doute venue à la rencontre de l’Islam, des croyants au Dieu unique, et, à travers eux, à la recherche de toutes les religions du monde, pour les amener, dans l’unité, à confesser le seul vrai Dieu. Ce caractère universel de la préoccupation de la Mère du genre humain, à Fatima, est fondamental : Marie est en quête de toutes les brebis égarées : chrétiens, athées, hétérodoxes, pécheurs[1]… »  Ainsi, ce caractère urgent et prophétique du message de Marie à Fatima nous fait entrer dans une accélération impressionnante de la fin des temps. Là, des pages de l’Apocalypse s’actualisent comme jamais dans ce grand combat qui a commencé et s’intensifie entre « la Femme revêtue du soleil » (Ap 12,1) et « un énorme Dragon rouge feu » (Ap 12,3).

Lucie : la messagère infatigable !

Tout d’abord Lucie Dos Santos qui a dix ans au moment des événements surnaturels. Lucie est véritablement l’aînée des trois et va porter le poids des épreuves et des contradictions juste après la première Apparition. C’est elle qui dialogue uniquement avec la Vierge et reçoit ses demandes. C’est aussi elle qui, sur indication de Marie, restera sur terre non sans douleur, pour être le témoin universel du message de Notre Dame de Fatima.

Après un temps de formation et un autre temps de vie religieuse chez les Sœurs Dorothées où elle fera profession, Lucie sentira l’appel du Carmel qu’elle portait à l’origine. Elle pourra devenir, grâce à un recours à Pie XII, carmélite cloîtrée au Carmel de Coimbra en plein centre du Portugal. Elle vivra 57 ans dans ce couvent et sur la porte de sa cellule était inscrite la parole que la Vierge lui adressa : « Mon Cœur Immaculé sera ton refuge ! »  A travers sa prière et plusieurs écrits connus mondialement, elle a témoigné des Apparitions de Fatima et de leurs conséquences : fidélité au chapelet quotidien et sacrifices pour sauver la paix du monde. Selon la mission que lui donna la Vierge, Sœur Lucie a été sa messagère infatigable : « Elle avait une manière spéciale pour raconter l’histoire de Fatima, sans parler d’elle, et les enfants étaient captivés par ses paroles… Elle portait en elle un feu qui la brûlait[2] ! »  Et quand elle est partie au Ciel, voici le témoignage officiel de sa Prieure carmélite sœur Maria-Celina :

« Quand l’Evêque entra, je lui ai dit que notre chère sœur était sur le point de nous quitter… et Mgr Albino improvisa quelques invocations :

– Que Jésus-Christ t’accueille, lui à qui tu as donné ta vie !

– Que Notre Dame t’accueille, elle qui est plus brillante que le soleil et qui t’est apparue !

– Que l’Ange du Portugal t’accueille, lui qui t’est apparu !

– Que les Bienheureux François et Jacinthe t’accueillent eux qui ont vu avec toi la Vierge !

Il est impossible de décrire l’atmosphère de paix qui régnait à ce moment là. Son regard, qui en cette vie s’éteignait, s’apprêtait à voir la Lumière éternelle de Dieu. Soudain ses yeux, qui tant de fois avaient contemplé l’Invisible, s’ouvrirent. Elle regarda chacune de ses sœurs. Puis elle tourna les yeux vers la droite et fixa les miens. Je ne parviens pas à décrire la profondeur de son regard. Il était impressionnant… « dans ses yeux brillaient une    lumière intense que je porte en mon âme[3] ». Puis elle ferma les yeux. Ce fut là son adieu. Sœur Marie-Lucie venait de quitter sa dépouille mortelle pour « suivre – avec la légèreté de l’éternelle jeunesse – l’Agneau là où il va, en chantant le cantique nouveau ». Les trois pastoureaux se retrouvaient au Ciel. C’était le 13 février 2005, à 17h25. Je voudrais rester là, en prière, dans cette cellule… qui fut témoin d’une vie de don de soi, de sacrifice et  d’oblation pour le monde… et qui fut le petit sanctuaire de son intimité avec sa Mère, avec son divin Epoux divin… Combien de fois Notre Dame est-elle venue ici[4] ? »

Lors de ma dernière visite à sœur Maria-Celina au Carmel de Coimbra, je n’oublierai jamais le partage bouleversant qu’elle me fit de ces derniers instants lumineux de Sœur Lucie qui la marquèrent à jamais, et moi avec !

Avant de nous arrêter quelque peu sur les visages de François et Jacinthe, il faut se souvenir ici d’un fait surnaturel pour comprendre la mission différente des trois enfants. La Vierge le leur révéla dès l’Apparition du 13 juin : « Jacinthe et François, je les emmènerai bientôt. Mais toi, tu resteras ici quelque temps. Jésus veut se servir de toi pour me faire connaître et aimer. Il veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé[5] ». A la fin de cette seconde Apparition, la Vierge ouvrit les mains et montra son Cœur entouré d’épines qui paraissaient s’y enfoncer… et le faisceau lumineux enveloppa les enfants de telle sorte que François et Jacinthe paraissaient être dans la partie qui s’élevait vers le Ciel et Lucie dans celle qui se répandait sur la terre. Cela s’est réalisé très précisément puisque François est parti au Ciel le 4 avril 1919 et Jacinthe le 20 février 1920. Lucie, elle, s’envolait 85 ans plus tard !

Bienheureux François : l’humble contemplatif…

     Le petit François est un enfant très attachant dont la conduite humble et pacifique traverse toute sa vie. Il a 9 ans. Dès la première Apparition et, après les visites de l’Ange, il va vivre une épreuve : car à chaque Apparition, Lucie va voir et dialoguer avec la Vierge, Jacinthe, elle, voit et entend mais garde le silence ; François, lui, voit mais n’entendra jamais les paroles de Marie que lui rapporteront les deux fillettes après chaque Apparition. Mais le 13 mai 1917, François ne voit ni n’entend la Dame et il en est troublé.

Alors, Lucie s’en étonne : « Comment se fait-il que François ne vous voit pas ? » Et la réponse de la Dame est claire : « Dis-lui de réciter le chapelet et il me verra aussi ! » Lucie fait la commission et François accueille de suite l’invitation de la Vierge… et au bout de quelques Ave, il voit aussi la Dame ! Cet épisode très réaliste fonde dans la vérité évangélique les Apparitions de Fatima où la Vierge situe d’abord sa venue dans la conversion à la prière. François, dans sa si belle âme, en tirera toutes les conclusions au quotidien et on le verra désormais dire seul de nombreux chapelets.

François était tolérant, pacifique et bienveillant. Il avait compris très tôt que les discussions où l’on finit par s’opposer coupe de la paix intérieure et que « la plus grande victoire n’est pas le fait de vaincre les autres, mais de nous vaincre nous-mêmes… et parmi les trois bergers, François semble être celui qui a le plus profondément saisi le surnaturel de Fatima. La vie de François contemplatif est un appel aux âmes contemplatives, ces âmes qui se laissent pénétrer par Dieu et qui plongent profondément dans son mystère ; des âmes qui font du silence l’espace vital de leur relation à Dieu. Par elles, Dieu devient présent au milieu des hommes. Bien nécessaires sont ces âmes, afin que le désert de Dieu devienne oasis. François les appelle. Il était charmant de le voir assis sur les hauts rochers, jouer de la flûte et chanter :

« J’aime Dieu dans le Ciel.

Je l’aime aussi sur la terre,

j’aime les fleurs et la campagne,

j’aime les brebis de la montagne[6]. »

Le petit François est un authentique contemplatif qui savait voir dans la beauté de la création les traces de Dieu. Il avait un amour spécial pour les oiseaux qu’il protégeait et nourrissait en émiettant pour eux son pain. Un autre trait de sa personnalité est cette dimension de vérité et d’absolu que les Apparitions de Notre Dame sont venues ouvrir en Lui. Cela transpire nettement dans un dialogue où un jour deux dames s’entretenaient avec lui sur son avenir :

– Tu veux être charpentier ? lui dit l’une d’elles.

– Non, Madame.

– Tu veux être militaire ? lui dit l’autre.

– Non, Madame.

– Tu ne voudrais pas être médecin ?

– Non plus.

– Moi je sais bien ce que tu voudrais… Être prêtre !

Dire la Messe, confesser… prêcher ?

– Non, Madame, je ne veux pas être prêtre.

– Alors qu’est-ce que tu veux être ?

– Je ne veux être rien !… Je veux mourir et aller au Ciel[7] ! »

Ce sens de l’absolu qui fait du passage sur terre une préparation pour le Ciel nous fait un bien immense. Dans une civilisation matérialiste qui veut nous voler notre finalité, nous avons besoin d’être libérés de nos chaînes multiples et éveillés fortement à notre devenir glorieux dans le Christ. Dès la première Apparition, quand Lucie demande à la Vierge : « D’où êtes-vous ? » Elle répond : « Je suis du Ciel ! »

En écoutant François sur les différentes Apparitions, on discerne en son témoignage un sens théologique très sûr et un élan mystique admirable fondé sur la vérité de l’Evangile : « J’ai beaucoup aimé voir l’Ange… mais j’ai aimé encore plus Notre Dame. Ce que j’ai aimé le plus a été de voir Notre Seigneur dans cette lumière que Notre Dame nous a mise dans la poitrine. J’aime tellement Dieu !… Nous étions là à brûler dans cette lumière qui est Dieu, et nous ne nous consumions pas. Comment est Dieu ! On ne peut pas le dire ! Oui, vraiment, personne ne pourra jamais le dire[8] ! »

Bienheureuse Jacinthe : l’écho ardent du Cœur Immaculé !

Jacinta à 8 ans. Dessin de Marie-Jacinta

   

La petite Jacinthe a sept ans lors de la première venue de la Vierge le 13 mai 1917. Susceptible, boudeuse et très directive, elle n’avait pas un relationnel facile avec les autres. Et en plus d’être boudeuse, elle tenait à ce qu’elle avait ! Lucie avoue d’ailleurs qu’elle lui était parfois « assez antipathique » !  Mais elle ajoute très vite que Jacinthe « avait déjà bon cœur et que le Bon Dieu l’avait douée d’un caractère doux et tendre, qui la rendait en même temps aimable et attirante… » Et Lucie ajoute cette précision qui prépare mystérieusement le trio aux Apparitions : « Je ne sais pourquoi Jacinthe, avec son petit frère François, avait pour moi une prédilection spéciale et me recherchait presque toujours pour jouer[9]… »

Jacinthe est véritablement le témoin aimant et passionné du Cœur Immaculé de Marie. Après les promesses de la Vierge Marie à Lucie qui devra rester plus longtemps sur terre, elle en tire des conclusions qui révèlent l’ardeur mariale de son cœur : « Cette Dame a dit que son Cœur Immaculé serait ton refuge et le chemin qui te conduirait jusqu’à Dieu. N’aimes-tu pas cela beaucoup ?  Moi, j’aime tant son Cœur ! Il est si bon ! »  Et Jacinthe ajoutera : « J’aime tellement le Cœur Immaculé de Marie ! C’est le Cœur de notre petite Maman du Ciel ! N’aimes-tu pas répéter souvent : « Doux Cœur de Marie », « Cœur Immaculé de Marie ? »  Moi, j’aime ça tellement, tellement[10] ! »

Jacinthe sera aussi très ferme sur la réalité des Apparitions quand Lucie sera si éprouvée dans sa famille et face au curé. Décidée de ne plus revenir après la première Apparition, elle pense que c’est une tentation du démon qu’elle voit une nuit déployer ses griffes pour l’entraîner en enfer. Mais quand elle en parle de ses doutes à ses cousins, Jacinthe lui répond avec une forte conviction : « Non, ce n’est pas le démon, non ! On dit que le démon est très laid et qu’il est en dessous de la terre, en enfer. Cette Dame est si belle ! Et nous l’avons vue monter au Ciel[11] ! »

D’autre part, Jacinthe va devenir un témoin bouleversant de l’urgence du salut. Elle qui aimait tant jouer va maintenant « jouer » toute sa vie pour sauver les pécheurs. Après la terrible vision de l’enfer révélée par la Vierge aux trois enfants, « l’âme de Jacinthe est entrée dans une grande passion : « celle de souffrir pour la conversion des pécheurs, afin que ceux-ci ne tombent pas en enfer…

– Pourquoi ne veux-tu pas jouer ? lui demandait Lucie.

– Parce que je réfléchis. La Dame nous a dit de faire beaucoup de sacrifices pour la conversion des pécheurs… et Elle a dit aussi que beaucoup d’âmes allaient en enfer… nous devons prier et faire beaucoup de sacrifices pour les pécheurs, les pauvres[12] ! »

Vers la fin, elle confie en quelque sorte à Lucie sa découverte de la mission de Marie dans l’histoire du salut qui s’accélère : « Dis à tout le monde que Dieu nous accorde ses grâces par le moyen du Cœur Immaculé de Marie ; que c’est à elle qu’il faut les demander ; que le Cœur de Jésus veut qu’on vénère avec Lui le Cœur Immaculé de Marie ; que l’on demande la paix au Cœur Immaculé de Marie, car c’est à Elle que Dieu l’a confiée[13].»  Alors, suivons Jacinthe sur le chemin de la prière et de l’amour. La paix du monde est entre nos mains à travers le chapelet et les petits sacrifices quotidiens.

Dans les derniers sacrifices à l’hôpital, elle a cette parole si forte qui devrait bouleverser nos cœurs endormis : « Si les hommes savaient ce qu’est l’éternité, ils feraient tout pour changer de vie[14] ». Jacinthe ira jusqu’au bout de son sacrifice dans sa passion de sauver les pécheurs. Elle mourra « seule » sur son lit d’hôpital, et comme c’est magnifiquement décrit dans le film récent sur Fatima « le 13° jour », des larmes de sang couleront sur son visage… la dernière signature de son amour pour nous avant l’entrée au Ciel.

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NOTES

[1] Bernard Balayn, Fatima – Message extraordinaire pour notre temps, Téqui, 1987, p.26.

[2] Carmel de Coimbra, Un chemin sous le regard de Marie, Biographie de Sœur Lucie de Fatima, Parvis 2016, p.288.

[3] Interview dans Zenit.org, 25 septembre 2007.

[4] Mère Maria Célina de Jésus crucifié, Sœur Lucie – Souvenirs sur sa vie, Carmel de Coimbra, 2005, p.42-43.

[5] Joaqim Maria Alonso, Fatima – Message et consécration, Ed. Missoes Consolata, Fatima 1989, p.12.

[6] Mgr Alberto Cosme do Amaral, Evêque émérite de Leira-Fatima, Bienheureux François et Jacinthe, Parvis, 2000, p.13.

[7] Père De Marchi, Témoignages sur les Apparitions de Fatima, Ediçoes Missoes Consolata, 2000, p.213.

[8] 4° mémoire, Mémoires de Sœur Lucie, Père Luis Kondor, op. cit.

[9] Mémoires de Sœur Lucie, , Compilation Père Luis Kondor, Grafica de Coimbra, Août 1997, p.22.

[10] 3°mémoire, op. cit., p.112-113.

[11] Mémoires de Sœur Lucie,, Compilation Père Luis Kondor, op. cit., p.72.

[12] Alberto Cosme do Amaral, Evêque émérite de Leira-Fatima, Bienheureux François et Jacinthe, op. cit., p.23.

[13] 3°mémoire, p.117.

[14] Père De Marchi, Témoignages sur les Apparitions de Fatima, op. cit., p.251.