Extrait du livre Mon Coeur Immaculé triomphera, Fatima, révélation des derniers temps, Marie-Michel, Editions du Jubilé 2017
13 août : l’Apparition manquée et l’emprisonnement…
La Mère du Ciel savait bien l’emprisonnement des enfants, mais Elle est tout de même venue à ce rendez-vous du 13 août 1917, comme pour signifier la fidélité de sa tendresse pour les enfants et pour tous. Car ce jour là, Artur dos Santos, l’Administrateur de Vila Nova de Ourém, manipulé par « les autorités supérieures de la Franc-Maçonnerie[1] » inventa une ruse habile pour détourner les enfants du lieu de l’Apparition. Après une confrontation chez le Curé autour du Secret qui ne donna rien, car les trois enfants résistaient avec unité, l’Administrateur repartit avec eux dans la voiture à chevaux. Il mentit sur la direction malgré les protestations de Lucie.… et les enfants se retrouvèrent d’abord prisonniers dans son logis d’Ourem où sa femme fut pleine de délicatesse pour les accueillir et les nourrir. Mais ce n’était que le début de l’épreuve car après d’autres tentatives infructueuses pour savoir le Secret, l’Administrateur cria furieux : « Ils resteront prisonniers jusqu’à ce qu’ils disent le Secret. Et s’ils traînent trop, ils seront frits dans l’huile[2] ! » Cela peut nous paraître assez grotesque car nous savons l’issue. Mais pour des enfants de cet âge coupés de leur famille et séquestrés, l’épreuve est absolument horrible. Leur force vient vraiment d’ailleurs…
Pendant ce temps, le Curé de Fatima dut faire face à la colère de la foule qui le jugeait complice du rapt des enfants ! Il fera une lettre d’auto-défense claire dans le Mensageiro de Leira et deux autres journaux pour condamner « l’acte odieux et sacrilège » de l’enlèvement des trois enfants par l’Administrateur. Et il conclut par cette humble finale : « La Vierge n’a pas besoin de la présence du Curé pour montrer sa bonté… car la foi est un don de Dieu, et non des prêtres. Voilà le vrai motif de mon absence et de mon apparente indifférence à l’égard d’un événement si sublime et si merveilleux[3]… » Bien sûr, au début, l’Eglise locale paraît absente et dépassée, mais vu l’impact mondial des Apparitions, elle exercera peu à peu son discernement du Portugal à Rome, nous le verrons plus loin.
En même temps, ce lundi 13 août, il y avait à la Cova un peu avant midi quelque dix huit mille personnes qui se lamentaient de l’absence des trois enfants. C’était une foule très mélangée avec des incroyants, des curieux, mais la majorité étaient des fidèles qui se tenaient près du chêne-vert avec respect : ils récitaient le chapelet et chantaient des cantiques. Une pieuse famille avait élevé le fameux « arc rustique », avec deux lanternes allumées, près de l’arbre des Apparitions. Apprenant l’enlèvement des petits voyants, tout le monde fut indigné et une partie de la foule voulait aller à Ourem demander leur libération au sous-Préfet. Mais juste avant l’heure de midi, tout le monde fut calmé par les signes qui précédaient la venue de la Vierge : une forte détonation semblait partir de l’arbre des Apparitions… « On vit ensuite l’éclair qui annonçait habituellement aux trois enfants l’arrivée de la Dame. Le soleil commença à perdre son éclat et l’atmosphère prit une vraie magnificence de couleurs… » A chaque Apparition, il y eut ces modifications étonnantes de luminosité. C’est comme si un peu de la splendeur du Ciel descendait sur terre et réduisait la beauté de la création. Et, tout à coup, « une belle nuée blanche se forma autour de l’arbre des Apparitions, y resta une dizaine de minutes, et finalement s’éleva et disparut dans le ciel[4]. » La foule était à la fois ravie et bouleversée car les signes de la venue de la Dame étaient clairs : la Mère fidèle était venue au rendez-vous fixé par Elle. Cela confirmait plus que jamais l’authenticité des Apparitions de Fatima.
Le 14 août fut une journée d’une rare intensité douloureuse pour les enfants car ils furent éprouvés comme jamais : interrogatoires, menaces de mort, promesses de « riches dons » s’ils parlaient… et finalement mise en prison avec un groupe de détenus assez inquiétants. Lucie sera forte et dévouée pour réconforter ses petits cousins. Car Jacinthe pleure en disant : « Nous allons mourir sans revoir nos parents. Ils ne se soucient plus de nous !… Je voudrais revoir au moins ma mère ! » Mais François, déjà mûri par la souffrance, la consola et lui dit : « Ne pleure pas ! Nous allons offrir ce sacrifice pour la conversion des pécheurs. » Et tous les trois, joignant les mains, disent une fois de plus : « O mon Jésus, c’est pour votre amour et pour la conversion des pécheurs ! » Alors Jacinthe, reprenant courage, ne veut oublier aucune des intentions recommandés par la Sainte Vierge et ajoute : « C’est aussi pour le Saint-Père, et en réparation des offenses commises contre le Cœur Immaculé de Marie. » Ainsi, « comme dans les premiers temps du christianisme, les martyrs se donnaient du courage dans la lutte commune, de même ces trois enfants s’encourageaient à la fidélité jusqu’à la mort, si celle-ci était nécessaire[5]. »
Les autres prisonniers commencent à être « touchés » par l’innocence de ces petits enfants et ils ne supportent pas de les voir enfermés avec eux. Pour les distraire, ils se mettent alors à chanter sur les sons de l’harmonica de l’un d’eux ! Alors, il y a cette scène sublime et étonnante : la petite Jacinthe, essuyant ses larmes, se met à danser avec un des prisonniers qui la prend dans ses bras. Lucie et François sourient en la voyant tourner. N’est-ce pas là pour eux comme l’annonce prophétique de cette danse mystérieuse avec l’Epoux dans la gloire du Ciel ? Lui qui a dit sur terre : « Nous vous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé ! » (Lc 7,32). Mais dès la danse terminée, Jacinthe détacha une médaille de la Vierge de son cou et demanda au prisonnier de la suspendre au mur. Elle se mit à genoux avec Lucie et François, ainsi que les prisonniers, et ils récitèrent le chapelet…
Quelques temps après, un garde ouvre brutalement la porte de la prison et emmène les trois enfants pour la terrible épreuve finale imaginée par l’Administrateur: « Le garde donna des ordres pour qu’on fasse bouillir un grand chaudron plein d’huile pour les frire dedans, et il se retira en les laissant seuls dans leur cellule. Dans ces moments qui leur parurent une éternité, ils ne parlèrent pas mais priaient dans leur cœur. Quelques minutes encore et la porte s’ouvrit de nouveau. Jacinthe fut la première à choisir entre dire le Secret ou être brûlée dans l’huile bouillante. Elle ne vacilla pas, et sans qu’il soit besoin de la forcer, elle alla volontairement au martyre. Il en fut de même avec François[6]. Lucie restait seule entre l’angoisse de ce qui se passait pour ses cousins et ce qui lui était réservé, mais sans vaciller un seul instant, elle répondit négativement au garde qui lui ordonnait de révéler le Secret et elle le suivit pour le supplice… Oh surprise ! Au lieu de ce chaudron, elle retrouva ses cousins dans une autre pièce et ils s’embrassèrent avec effusion[7] ! » Enveloppés dans le Cœur Immaculé de Marie, ces enfants avaient vaincu le dessein pervers des ténèbres : c’était la victoire de l’enfance dans la puissance du Cœur de Dieu !
L’Apparition du 19 août aux Valinhos : « Priez, priez beaucoup pour les pécheurs ! »
Le 13 août passé, les trois enfants ne comptaient plus revoir la Dame avant le mois suivant. Mais voici que le Dimanche 19 août, Lucie fait paître les brebis aux Valinhos (vallons) avec François et son frère Jean. Soudain, vers 16 heures, Lucie s’aperçoit que l’atmosphère commence à prendre la même teinte qu’avant les Apparitions à la Cova. Elle demande à Jean d’aller vite chercher Jacinthe. Arrivé à la maison, la maman menace de ne pas laisser partir la petite s’il ne lui dit pas le motif. Alors il dit la vérité : « Lucie dit que Notre Dame va apparaître, parce qu’elle a vu les signes dans le ciel ! » Sa mère consentit et dès que Jean l’annonce à Jacinthe, elle se mit à courir vers les Valinhos comme si elle avait des ailes. Une fois les trois petits réunis, l’éclair traversa le ciel et quelques instants après la Dame lumineuse se montrait au-dessus d’un chêne vert un peu plus élevé que celui de la Cova.
Les enfants s’étaient agenouillés et le dialogue commença :
– « Que voulez-vous de moi ? dit Lucie.
– Je veux que vous continuiez à aller à la Cova da Iria le 13, et à dire le chapelet chaque jour ! »
De nouveau, Lucie demande à Notre Dame de faire un miracle pour que tout le monde croie.
– « Oui, répond la Vierge, en octobre, je ferai un miracle pour que tous croient à mes Apparitions. Si on ne vous avez pas enlevés à la ville, le miracle aurait été plus grandiose ! Saint Joseph viendra avec l’Enfant-Jésus pour donner la paix au monde. Notre Seigneur viendra aussi bénir le peuple. Vous verrez aussi Notre Dame des douleurs et Notre Dame du Mont Carmel. »
– Que voulez-vous que l’on fasse de l’argent que les gens laissent à la Cova da Iria ?
– Que l’on fasse deux brancards de procession. Tu porteras l’un avec Jacinthe et deux autres petites filles vêtues de blanc ; l’autre, que François le porte avec trois autres petits garçons vêtus aussi de blanc. Ce sera pour solenniser la fête de Notre Dame du Rosaire. Ce qui restera de l’argent servira pour construire une chapelle.
– Je voudrais vous demander la guérison de quelques malades.
– Oui, dit Notre Dame, j’en guérirai quelques uns dans l’année.
Et, tout à coup, son visage se voila de tristesse en disant :
– Priez, priez beaucoup et faites des sacrifices pour les pécheurs, car beaucoup d’âmes vont en enfer parce qu’elles n’ont personne qui se sacrifie et prie pour elles. »
Alors la Vierge s’éloigne de ses petits confidents et s’élève comme précédemment en direction du Levant pour disparaître dans le ciel. Elle avait laissé à nouveau dans l’âme des enfants un grand désir du Ciel, et une ferveur renouvelée pour sauver les pécheurs par de nouveaux sacrifices. De fait, les enfants entraient dans une compréhension nouvelle du « mystère ineffable du mystère de la Croix. La vision de l’Enfer, du 13 juillet, la vue des damnés semblables à des braises transparentes plongés dans un océan de feu, leurs cris, leurs gémissements de douleur et de désespoir, qui faisaient frémir et trembler de peur, n’avait pu s’effacer de l’imagination des trois enfants. Maintenant, la Vierge ajoutait qu’il y avait beaucoup d’âmes qui tombaient dans ce lieu de tourments[8]… » car « personne » ne priait et ne faisait des sacrifices pour les sauver de l’enfer !
Cette parole terrible de Marie ouvrait une nouvelle ferveur sacrificielle chez les trois enfants. Ils passaient des heures prosternés dans la grotte du « Cabeço » en récitant la prière apprise de l’Ange : « Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime ; et je vous demande pardon pour tous ceux qui ne croient pas, n’adorent pas, n’espèrent pas et ne vous aiment pas ». Et ils récitaient aussi le chapelet en disant après chaque dizaine la prière apprise par Notre Dame : « O mon Jésus, pardonnez-nous nos péchés ! Préservez-nous du feu de l’Enfer et attirez au Ciel toutes les âmes, spécialement celles qui en ont le plus besoin ! »
Il faut enfin noter que « leur nature d’enfants qui aiment jouer ne disparut pas. Même s’ils se rappelaient mutuellement la nécessité de renoncer aux jeux joyeux et innocents de leur vie de pastoureaux, ils ne cessèrent pas d’avoir la volonté d’en faire. Ainsi, la découverte du sacrifice de la corde eut lieu en jouant. Leur cœur continuait d’être un cœur d’enfant, libre, duquel jaillissait spontanément la joie, parce qu’il était en paix. Mais il y avait une constante dans la vie des trois, qui étaient un seul cœur et une seule âme : ils avaient vu et compris la tristesse de Dieu et de Notre Dame à cause des péchés du monde et ainsi, tout leur paraissait peu de chose pour consoler Dieu et sa Mère, et aider à convertir les pécheurs pour les délivrer des horreurs de l’Enfer que la Dame leur avait montré. S’oubliant eux-mêmes, ils pensaient seulement à ceux qu’ils aimaient… Lucie, dès lors, conserva enraciné dans son cœur un grand amour maternel pour la paix dans le monde[9]… »
[1] Père De Marchi, Témoignages sur les Apparitions de Fatima, op. cit., p.105.
[2] Carmel de Coimbra, Un chemin sous le regard de Marie, op. cit., p.85.
[3] Père De Marchi, Témoignages sur les Apparitions de Fatima, op. cit., p.110.
[4] J.C. Castelbranco, Le prodige inouï de Fatima, op. cit., p.31.
[5] Carmel de Coimbra, Un chemin sous le regard de Marie, op. cit., p.87.
[6] Dans le film récent sur Fatima « le 13° jour », il y a cette scène bouleversante où juste après la fausse exécution de Jacinthe, mais si réelle et affreuse pour les enfants, l’Administrateur accuse François d’avoir laissé mourir sa sœur… alors, avec force, il le regarde droit dans les yeux en priant un Ave Maria !
[7] Carmel de Coimbra, Un chemin sous le regard de Marie, op. cit., p.87-88.
[8] Père De Marchi, Témoignages sur les Apparitions de Fatima, op. cit., p.127.
[9] Carmel de Coimbra, Un chemin sous le regard de Marie, op. cit., p.97.