L’aveugle de Jéricho : le cri obstiné de la foi triomphante !

Rien n’est plus beau que l’Evangile ! Et rien n’est plus riche que de le méditer avec l’intelligence du cœur ! Bonheur d’avoir chaque jour rendez-vous avec la « lectio divina » : cette lecture divine de la Parole de Dieu où le cœur est suspendu aux lèvres et aux gestes de Jésus, Verbe éternel fait homme… car à travers son Visage, Dieu n’est là que pour nous, et sous son regard mes « cheveux mêmes sont tous comptés ! » (Lc 12,7).

Alors, dans cette approche du cœur, méditons cet Evangile bouleversant de l’aveugle de Jéricho qui est repris par les trois synoptiques[1], et dont Saint Marc seul nous révèle le nom : Bartimée ! On peut d’ailleurs avancer que l’épisode autour de cet homme nous donne des lumières décisives sur le chemin de la foi. En effet, le cadre évangélique nous le présente dans une situation qui relève de l’impossible : aveugle et mendiant, il est là, gisant dans la nuit au bord de la route… mais tout à coup, un événement peut faire basculer à jamais sa vie dans la lumière : « On lui annonça que c’était Jésus de Nazareth qui passait ! » (Lc 18,37). Il se met alors à vibrer de tout son être par la puissance de sa voix : « il s’écria : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » (Lc 18,38). Le cri de la foi qui attend tout d’un Autre est lancé…

Pour lui comme pour nous, c’est ici que commence « le combat de la foi » car les voix contraires ne manquent pas : « Beaucoup le rabrouaient pour lui imposer silence… » (Mc 10,48). Ces voix décourageantes viennent contredire le cri de la foi. Elles veulent « lui imposer silence » pour l’isoler et tuer sa confiance : tu n’intéresses personne et encore moins le Maître ! Alors, c’est là que tout bascule du côté de cette foi qui continue à crier son espérance : « Mais lui criait de plus belle : Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » (Mc 10,48). N’est-ce pas déjà là cette « invincibilité » de la foi qui fera les futurs martyrs chrétiens ? Assurément… Et comme au début, l’aveugle n’a plus que sa voix mais la persévérance de sa foi a déjà touché le Cœur de Jésus… N’a-t-il pas affirmé ailleurs cette parole qui traverse le temps : « Frappez et l’on vous ouvrira ! » (Mt 7,7).

Alors, saisi par une telle foi, « Jésus s’arrêta et ordonna qu’on le lui amène. » (Lc 18,40). Et voici que les voix contraires laissent place aux voix de l’encouragement : « Aie confiance ! Lève-toi, il t’appelle. Et lui, rejetant son manteau, bondit et vint à Jésus ! » (Mc 10,49-50) : « Venir à Jésus ! » Ne sommes-nous pas là au cœur de l’Evangile et au cœur des terribles enjeux de notre monde contemporain qui ne veut plus « venir à Jésus » ?

En effet, « c’est très justement l’humanité qui est représentée par cet aveugle, assis au bord du chemin et mendiant, car la Vérité dit d’elle-même : « Je suis le chemin » (Jn 14,6). Celui qui ne connaît pas l’éclat de la lumière éternelle est bien un aveugle, mais s’il commence à croire au Rédempteur, alors il est « assis au bord du chemin[2] »

Arrive alors cet instant solennel où « la lumière du monde » s’immobilise et où commence le dialogue du salut : « Quand il se fut approché, il lui demanda : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Lc 18,40-41). A travers un Regard et une question se révèle ici encore l’infinie miséricorde de Dieu : il accueille le cri du pauvre et c’est comme s’il n’y avait plus que Lui et cet homme au milieu de la foule… la suite en découle : « Seigneur, que je retrouve la vue ! » (Lc 18,41). La persévérance de la foi engendre la puissance de la Parole de Dieu : « Jésus lui dit : « Retrouve la vue ; ta foi t’a sauvé ! » Et à l’instant même, il retrouva la vue… » (Lc 18,42-43). Ainsi, cet Evangile met en lumière que tout arrive en cascade dans la dynamique de la foi : l’aveugle crie son désir jusqu’au bout de sa foi, il s’approche de Jésus, il supplie, il est guéri et ses yeux s’ouvrent pour la première fois sur la beauté du regard de Jésus… et il le suit en glorifiant Dieu !

« La foi ne l’a pas seulement guéri, elle l’engage et le fait disciple : car il ne pouvait voir qu’à la condition de suivre le Christ, de prêcher le Seigneur, de dépasser le siècle[3]… »

On a envie ici de redire cette si poignante prière de Saint Jean-Paul II au Cœur de Jésus :

« Seigneur Jésus, tu es notre Sauveur et notre Dieu ! Fais que notre regard ne se fixe jamais sur d’autre étoile que celle de l’amour et de la miséricorde qui brille sur ta poitrine…

Que ton Cœur soit donc, Ô notre Dieu, le Phare lumineux de la foi, l’Ancre de notre espérance, le Secours toujours offert dans notre faiblesse, l’Aurore merveilleuse d’une paix inébranlable, le Soleil qui éclaire nos horizons… »

Nous sommes donc invités à secouer nos inerties et à persévérer comme l’aveugle dans le cri de la foi ! Dans la parabole du juge et de la veuve importune, le Seigneur lui-même nous invite à « prier sans cesse et à ne pas se décourager ! » (Lc 18,1). Ainsi, le chemin de foi de Bartimée nous apprend l’attitude essentielle d’une foi qui ne se décourage pas sur le chemin : une foi qui va jusqu’au bout de son cri vers Jésus ! Car seuls ceux et celles qui croient follement et sans limites bouleversent le Cœur de Dieu comme le Centurion (Lc 7,1-10) ou la Syro phénicienne (Mt 15,21-28) … Nous voici donc avertis pour ces redoutables épreuves des derniers temps : rien n’est plus fort que la foi qui supplie et persévère jusqu’au bout en s’abandonnant à la volonté de Dieu qui n’est qu’Amour. Il nous conduit bien des fois par des chemins mystérieux et déroutants, mais « nous savons d’autre part que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein… » (Rm 8,28).

Laissons la dernière parole mariale à Sainte Bernadette de Lourdes :

« Oh ! qu’il fait bon se confier à cette bonne Mère… Jamais on ne l’invoquera en vain… L’âme qui implore Marie ne peut périr, celle qui se confie à elle conserve le calme au milieu de la tempête l… O Marie, soyez mon Refuge[4] ! »

                                                                                                           +M-Mickaël

 

[1] Mt 20,29-34 / Mc 10,46-32 / Lc 18,35-43.

[2] Saint Grégoire le Grand (540-604), Homélies sur l’Evangile de Luc, n°12.

[3] Saint Ambroise, Commentaire sur l’Evangile de Saint Luc.

[4] Prières, 1873.




Le temps des saints, ne soyons pas des chiens muets, nouveau livre de Mgr Marc Aillet

Nous vous partageons ici l’introduction du nouveau livre de Mgr Aillet, une remarquable analyse de la situation ecclésiale actuelle, doublée d’un enseignement profond sur le mystère de l’Eglise et de clefs de lecture pour les temps que nous vivons. Un ouvrage à lire et à conseiller !

« C’est peu dire que l’Église traverse aujourd’hui une période de turbulences_ À l’intérieur, elle est secouée par le scandale des abus sexuels qui défigurent son visage – lequel devrait refléter le visage du Christ, « lumière des nations» – et plongent de nombreuses victimes dans la nuit de l’angoisse et du mal-être. On a mis du temps, dans notre société contemporaine, à prendre conscience de l’impact destructeur du préjudice subi par les victimes, en particulier dans leur tendre enfance. Les évêques de France, qui se sont saisis de la question dès les années 2000, ont cherché à faire toute la lumière sur ces affaires, ils ont pris la résolution d’être davantage à l’écoute des victimes, pour les accompagner dans leur chemin de reconnaissance et de réparation, et même s’il s’agit de ne céder à aucun anachronisme, ils ont pris acte des graves négligences passées dans le traitement des coupables.

On peut ajouter à cela le climat de grande confusion doctrinale et morale qui règne à l’intérieur de l’Église, où d’aucuns prennent prétexte de la crise des abus pour remettre en cause les fondements mêmes de la foi catholique en matière d’ecclésiologie, de théologie du sacerdoce, d’anthropologie et de morale, et se croient autorisés à préconiser de folles réformes de l’institution ecclésiale. Que des fidèles de base se laissent influencer par « la dictature du relativisme » ambiant, en raison d’un manque cruel de formation, on peut le comprendre. Mais que des théologiens, des évêques, des pasteurs, des mouvements d’Église se laissent séduire par les sirènes du monde qui nous pressent d’adapter la foi bimillénaire de l’Église aux évolutions d’une culture de la déconstruction systématique, cela défie l’entendement. C’est pourtant, pour prendre un exemple significatif, la voie sur laquelle la démarche synodale allemande semble s’engager, jusqu’à inquiéter le Saint-Siège et provoquer l’ironie du pape François quand il déclare aux journalistes: « Il y a déjà en Allemagne une Église protestante, il n’y en a pas besoin d’une seconde »!

Avouons que la consultation du peuple de Dieu voulue par le Saint-Père, à l’occasion du synode sur la synodalité, n’a pas contribué à dissiper la confusion, si l’on en croit la collecte des synthèses diocésaines : un grand nombre de propositions rapportées, relayées par les médias, y compris catholiques, sont même en contradiction formelle avec le magistère de l’Église et ne sauraient donc en aucun cas refléter le « sensus fidei » du peuple de Dieu.

Je ne sous-estime pas pour autant les « soldats inconnus de la foi », qui vivent leur foi humblement dans l’ordinaire de leur vie chrétienne, et qui n’ont d’ailleurs pas ou très peu participé au synode. On apprend d’ailleurs que seuls 10 % des catholiques français se sont sentis concernés par la démarche synodale en cours. Loin de moi non plus l’idée d’ignorer les nombreux foyers de ferveur, d’élan caritatif et missionnaire, qui émergent ici ou là en France, en particulier parmi les jeunes, voire ces ilots de résistance spirituelle à la « culture de mort» qui domine aujourd’hui à travers ce qu’on désigne sous le nom de « wokisme ». Benoît XVI les appelait « ces minorités créatives qui font l’histoire », et j’ai la conviction qu’elles offriront tôt ou tard à nos contemporains, déçus par l’humanisme inhumain, c’est-à-dire sans Dieu, qui domine notre société devenue néopaïenne, des oasis de fraîcheur, comme autant de refuges sûrs dans les déserts spirituels
actuels ou de pôles de lumière qui rendront l’Église et le message de l’Évangile à nouveau attractifs.

Encore faut-il les soutenir, les encourager, les affermir, pour ne pas laisser la confusion gagner inexorablement du terrain et le courant emporter les plus faibles et les plus petits.

Les nombreux échanges que j’ai avec des fidèles, des prêtres, des consacrés, dans mon diocèse ou ailleurs, font naître en moi un sentiment de compassion pour ces membres du peuple de Dieu qui attendent une parole d’autorité pour garder le cap, tant ils se sentent perdus et désorientés, voire en manque de paternité. Et ils se tournent à juste titre vers les évêques qui ont reçu la mission de « garder fidèlement la foi catholique reçue des Apôtres» et d’affermir leurs frères dans la foi. Il ne s’agit pas pour moi de me démarquer, et je suis sûr que ce sentiment traverse le coeur de bien des évêques aujourd’hui. Mais j’ai l’intime conviction qu’il y a « un temps pour se taire et un temps pour parler» (Qo 3,7).

Je sais bien que l’Église apparaît aujourd’hui très affaiblie aux yeux du monde, en particulier en raison de la crise des abus, et que ses ennemis, tant de l’intérieur que de l’extérieur, en prennent prétexte pour la contraindre au silence, à tel point que d’aucuns pourraient être tentés de faire profil bas. Certes, nous devons rester modestes et proclamer la vérité avec humilité et non en surplomb. Toutefois l’humilité consiste pas à s’incliner devant le monde, mais précisément, à servir la Vérité et à s’effacer devant elle, avec la conviction que nous parlons au nom d’un autre qui seul a « les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,68) et qui nous a précisément envoyés dans le monde pour « rendre témoignage à la vérité» (Jn 18,37). Et j’ai bien conscience que la seule position de
surplomb dans laquelle nous avons le droit de parler, c’est celle de la croix, à laquelle nous ne saurions nous dérober : « Rappelez-vous la parole que je vous ai dite : un serviteur n’est pas plus grand que son maître. Si l’on m’a persécuté, on vous persécutera, vous aussi. Si l’on a gardé ma parole, on gardera aussi la vôtre» On 15,20). Nous ne pouvons plus avoir la naïveté de croire que le monde nous veut du bien : « Si vous apparteniez au monde, le monde aimerait ce qui est à lui. Mais vous n’appartenez pas au monde, puisque je vous ai choisis en vous prenant dans le monde ; voilà pourquoi le monde a de la haine contre vous» On 15,19) ; et encore: « Nous savons que nous sommes de Dieu, alors que le monde entier est au pouvoir du Mauvais» (Jn 5,19). Les multiples
exemples de persécution ouverte ou sournoise auxquels les chrétiens sont de plus en plus confrontés, viennent confirmer l’actualité de ces paroles prophétiques.

Le Christ Jésus parlait « comme un homme qui a autorité et non comme les scribes» (Mt 7,29) et il a confié précisément à ses apôtres le pouvoir d’enseigner avec la même autorité: « Qui vous écoute m’écoute ; qui vous rejette me rejette ; et qui me rejette rejette celui qui m’a envoyé » (Lc 10,16); et : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre : Allez! Enseignez toutes les nations… »(Mt 28,18-19). Or la véritable autorité, c’est de détenir le pouvoir, par nature ou par grâce, de faire grandir ceux qui nous sont confiés. Autorité » vient en effet du mot latin auctoritas, lui-même
issu du verbe augere qui signifie « augmenter »; dans le mot auctoritas, il y a aussi le mot auctor qui veut dire « auteur » ou « source ». Ainsi, une parole d’autorité, c’est une parole qui rejoint la source de la vie, dont Dieu est l’auteur en chaque personne, pour la faire grandir. Rien à voir avec ces incantations qui distribuent des ordres et imposent des restrictions abusives, ce qui ressemble davantage à un abus de pouvoir qu’à l’exercice de l’autorité, parce qu’elles ne s’adressent pas à l’intériorité de l’homme responsable. Rien à voir non plus avec ces déclarations parfois consensuelles de l’Église, qui n’ose pas hausser le ton autant qu’il le faudrait pour affirmer avec vigueur la vérité sur l’homme et sur le monde dont elle est dépositaire, comme si l’homme n’était pas naturellement incliné à la vérité !

J’avoue être hanté, à quarante ans de distance, par cette interpellation du cardinal Joseph Siri, alors archevêque de Gênes, qui m’a ordonné diacre et prêtre pour la Communauté Saint-Martin. Il nous posait cette question : «Qui gouverne l’Église, aujourd’hui? » Et il répondait: « Sa Majesté la Peur »! Il faisait ainsi écho à la fameuse parole du pape Jean-Paul II, prenant possession de sa charge de successeur de Pierre, le 22 octobre 1978: « N’ayez pas peur », et qui a donné du courage à plus d’une génération.

La règle pastorale de saint Grégoire le Grand, adressée aux évêques de son temps, et que j’ai relue récemment, n’a rien perdu de son actualité. Il y commente de manière appuyée le reproche du prophète Isaïe adressé aux mauvais bergers d’Israël qu’il traite de « chiens muets » : « Les guetteurs d’Israël sont tous des aveugles, ils ne connaissent rien ; ce sont tous des chiens muets, incapables d’aboyer ; à bout de souffle, allongés, ils aiment somnoler. Ce sont des chiens voraces, insatiables, des bergers incapables de comprendre ! Ils suivent tous leur propre chemin, tous, sans exception, ne pensant qu’à leur intérêt» (Is 56,10-11). Ces paroles résonnent en moi comme une invitation pressante à donner une parole d’autorité – certes ni définitive ni exhaustive – pour contribuer à dissiper la confusion actuelle, en rappelant quelques vérités fondamentales sur l’Église, le sacerdoce, la formation des laïcs et la mission prophétique de l’Église dans le monde. J’ai bien conscience que je ne serai pas « politiquement correct» et que je m’exposerai à bien des critiques. Je demande d’avance pardon pour mes maladresses, mais je veux tirer de ces paroles de saint Paul ma seule ligne de conduite : «Est-ce donc à des hommes que je cherche à plaire ? Si j’en étais encore à plaire à des hommes, je ne serais pas serviteur du Christ» (Ga 1,10). C’est à de pauvres êtres fragiles et pécheurs que Jésus a confié son message de salut, en déclarant même à ses disciples si démunis devant la charte du royaume des Cieux qu’il venait de promulguer dans le Sermon sur la montagne : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel s’affadit, comment le salera-t-on ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens  » (Mt 5,13).

Nommé évêque par le pape BenoIt XVI qui vient de nous quitter, je me sens redevable de sa paternité et je trouve en lui un encouragement: son seul souci aura été de transmettre la foi, dans une fidélité inflexible à la tradition bimillénaire de l’Église, sans« fuir, par peur, devant les loups» ni craindre de guider l’Église à contre-courant des idéologies à la mode, mais toujours avec une extrême courtoisie et humilité. Comme tous les prophètes, souvent incompris de leurs contemporains, on verra sans tarder qu’il était en avance sur son temps et qu’il aura marqué l’avenir de l’Église de manière décisive. La présence à ses obsèques à Rome, le 5 janvier 2023, de plus de 5 000 prêtres, jeunes en majorité, en est le signe éloquent.

En rappelant des vérités, parfois passées sous silence ou battues en brèche, je n’ai pas d’autre ambition que de suivre ce conseil de l’apôtre Paul à Timothée : « Devant Dieu et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire» (2Tm 4,1-2). Cela est d’autant plus urgent que ce que Paul annonçait est aujourd’hui d’une brûlante actualité : « Un temps viendra où les gens ne supporteront plus l’enseignement de la saine doctrine ; mais, au gré de leurs caprices, ils iront se chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d’entendre du nouveau. Ils
refuseront d’entendre la vérité pour se tourner vers des récits mythologiques» (2Tm 4,3-4). D’où cette ultime recommandation de Paul à Timothée, qu’il appelle son « enfant bien-aimé» (2Tm 1,2) : « Mais toi en coute chose garde la mesure, supporte la souffrance, fais ton travail d’évangélisateur, accomplis jusqu’au bout ton ministère » (2 Tm 4,5).

Saint Jean-Paul II dénonçait naguère, dans nos vieilles nations de chrétienté, une « apostasie silencieuse ». À moins que l’on ne connaisse déjà cette apostasie générale dont le Catéchisme de l’Église catholique rappelle, en citant l’apôtre Jean, qu’elle précédera la venue de l’Antichrist : « Avant l’avènement du Christ, l’Église doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants. La persécution qui accompagne son pèlerinage sur la terre dévoilera le « mystère d’iniquité » sous la forme d’une imposture religieuse apportant aux hommes une solution apparente à leurs problèmes au prix de l’apostasie de la vérité. L’imposture suprême est celle de l’Antichrist, c’est-à-dire d’un pseudo-messianisme où l’homme se glorifie lui-même à la place de Dieu et de son Messie venu dans la chair. »

Plus que jamais, aujourd’hui, il me semble que c’est le temps des saints. Il n’y a que les saints qui ne sont pas emportés par le courant et ce sont eux, les vrais réformateurs de l’Église. Puissent ces modestes réflexions encourager le lecteur dans la foi, lui permettre de prendre la vraie mesure des choses, « de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’Évangile ». Avec Benoit XVI, dans son Testament spirituel publié par le Vatican, le soir de sa mort, le 31 décembre 2022, je voudrais dire tout simplement : « Restez fermes dans la foi! Ne vous laissez pas troubler ! »




Présentation de la Vierge Marie au Temple

« Le temple très pur du Sauveur, la très précieuse chambre nuptiale, la Vierge, trésor sacré de la gloire divine est aujourd’hui conduite dans la maison du Seigneur et y apporte avec elle la grâce de l’Esprit divin ; les anges la chantent : elle est le tabernacle céleste » comme le proclame aujourd’hui la liturgie orientale.

La fête de la Présentation de Marie au Temple, qui repose sur une antique tradition, est historiquement liée à la dédicace d’une basilique en l’honneur de Sainte Marie, un édifice voulu par Mgr Élie, évêque de Jérusalem, et achevé aux frais de l’empereur Justinien (527-565) – à côté de la zone du temple de Jérusalem, là où la Vierge a pu passer son enfance consacrée au service divin. Cette église fut dédiée le 21 novembre 543, et fut dite Nouvelle Église, pour la distinguer de l’ancienne, dédiée à la nativité de Marie.

Dans le cours du VIIIe siècle, la fête s’est répandue dans toutes les Églises orientales, en rencontrant la faveur du peuple de Dieu : elle fera partie des douze grandes fêtes de l’année, aujourd’hui encore célébrée en Orient avec une veille/vigile ? préparatoire et quelques jours d’après fête, jusqu’au 25 novembre. (1)

La littérature rabbinique confirme le fait que de nombreuses jeunes filles demeuraient dans le Temple et qu’elles s’adonnaient à la confection du voile du Temple. Le Talmud de Jérusalem apporte des précisions intéressantes à ce sujet :

« Le rideau du Temple avait l’épaisseur d’une palme. Il était tressé avec soixante-douze points lisses composés chacun de vingt-quatre fils. La longueur était de quarante coudées et la largeur de vingt. Quatre-vingt-deux jeunes filles le tissaient. On en confectionnait deux par an. Et il fallait le concours de trois cents prêtres pour le porter au bain. » (Mishna Sheqalim 8,5).

Il rapporte aussi que lorsque le Temple fut incendié en 70 après Jésus-Christ, « les vierges qui tissaient le voile se jetèrent dans les flammes » plutôt que de tomber aux mains des ennemis (Pesiqta Rabbati 26,6), et qu’elles logeaient dans un immeuble de trois étages, dans l’enceinte du Temple. (2)

Sources :
(1) Kondakion et Ikos du 21 novembre; 4e stichère de la 6e ode du 2e canon des matines
(2) D’après le Talmud de Jérusalem

 

Sainte Élisabeth, religieuse bénédictine du monastère de Schoenau (Allemagne) reçu de la Vierge la révélation suivante, que rapporte saint Bonaventure :

« Lorsque mon père et ma mère m’eurent laissée au Temple, je formais dans mon cœur la résolution de prendre Dieu pour père, et je me demandais souvent ce que je pouvais faire pour lui être agréable. En outre, je fis vœu de garder la virginité, de ne rien posséder sur la terre, et je remis toute ma volonté entre les mains de Dieu. »

Elle ajouta : « De tous les préceptes divins, celui que j’avais sans cesse devant les yeux était celui de l’amour : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. J’allais au milieu de la nuit devant l’autel du Temple demander la grâce d’accomplir les préceptes de la Loi. Puis soupirant après la naissance de la Mère du Rédempteur, je suppliais Dieu de me conserver mes yeux pour la voir, ma langue pour la louer, mes mains et mes pieds pour la servir, mes genoux pour adorer dans son sein le fils unique de Dieu. »

Et comme Élisabeth lui disait alors : « Mais ma Souveraine, n’étiez-vous pas pleine de grâce et de vertu ? », la sainte Vierge lui répondit : « Sache que je me tenais pour la créature la plus vile et la plus indigne de la divine grâce, aussi je ne cessais pas de demander les vertus et la grâce ».

Extrait de Saint Alphonse de Liguori, docteur de l’Eglise

« Les gloires de Marie » – Editions Saint Paul 1997 – p. 254

 

Source  Association Marie de Nazareth, Une minute avec Marie 21 et 23 novembre 2023




Contempler le visage du Christ

« La création tout entière gémit, dans l’attente de la révélation des fils des Dieu. » (Rm 8)