Le vrai christianisme

Tout comme le visage de Notre-Seigneur a été défiguré dans sa Passion, le visage de l’Église est également défiguré en cette heure. Que représente-t-elle ? Quelle est sa mission ? Quel est son message ? Qu’est-ce que le vrai christianisme à quoi ça ressemble vraiment ?

Les vrais saints

Aujourd’hui, où trouve-t-on cet Évangile authentique, incarné dans des âmes dont la vie est une palpation vivante et respirante du cœur de Jésus ? ceux qui incarnent Celui qui est à la fois « vérité » et l’amour »? J’ose dire que même lorsque nous parcourons la littérature sur les saints, on nous présente souvent une version aseptisée et embellie de leur vie réelle.

Je pense à Thérèse de Lisieux et à la belle « Petite Voie » qu’elle a adoptée alors qu’elle dépassait ses années boudeuses et immatures. Mais même alors, rares sont ceux qui ont parlé de ses difficultés vers la fin de sa vie. Alors qu’elle luttait contre la tentation du désespoir, elle dit un jour à son infirmière de chevet :

Je suis surpris qu’il n’y ait pas plus de suicides parmi les athées. —Comme le rapporte sœur Marie de la Trinité; CatholicHousehold.com

À un moment donné, sainte Thérèse semblait présager des tentations que nous vivons aujourd’hui dans notre génération, celle d’un « nouvel athéisme » :

Si vous saviez quelles pensées effrayantes m’obsèdent. Priez beaucoup pour moi afin que je n’écoute pas le diable qui veut me persuader de tant de mensonges. C’est le raisonnement des pires matérialistes qui m’est imposé. Plus tard, faisant sans cesse de nouveaux progrès, la science expliquera tout naturellement. Nous aurons la raison absolue de tout ce qui existe et qui reste encore un problème, car il reste beaucoup de choses à découvrir, etc. etc. Sainte Thérèse de Lisieux: ses dernières conversations, Le P. John Clarke, cité à catholictothemax.com

Et puis il y a le jeune bienheureux Giorgio Frassati (1901 – 1925) dont l’amour de l’alpinisme a été capturé sur cette photo classique… qui a ensuite fait photoshoper sa pipe.

Je pourrais continuer avec des exemples. Il ne s’agit pas de nous réconforter en énumérant les faiblesses des saints, et encore moins d’excuser notre propre péché. Au contraire, en voyant leur humanité, en voyant leurs luttes, cela nous donne de l’espoir de savoir qu’ils sont tombés comme nous. Ils ont travaillé, se sont efforcés, ont été tentés et sont même tombés, mais ils se sont relevés pour persévérer malgré les tempêtes. C’est comme le soleil ; on ne peut vraiment apprécier sa grandeur et sa valeur que dans le contraste de la nuit.

En fait, nous rendons un très mauvais service à l’humanité en faisant semblant et en cachant nos faiblesses et nos luttes aux autres. C’est précisément en étant transparents, vulnérables et authentiques que les autres sont en quelque sorte guéris et amenés à la guérison.

Il a lui-même porté nos péchés dans son corps sur la croix, afin que, libres du péché, nous puissions vivre pour la justice. Par ses blessures tu as été guéri. (1 Peter 2: 24)

Nous sommes le « corps mystique du Christ », et par conséquent, ce sont les blessures guéries en nous, révélées aux autres, à travers lesquelles coule la grâce. Attention, j’ai dit blessures guéries. Car nos blessures non cicatrisées ne font que blesser les autres. Mais lorsque nous nous sommes repentis ou que nous sommes en train de permettre au Christ de nous guérir, c’est notre honnêteté devant les autres, ainsi que notre fidélité à Jésus, qui permet à sa puissance de couler à travers notre faiblesse (2 Cor 12 : 9). C’est en cela que d’autres rencontrent le Christ en nous, rencontrent réal Le christianisme

On dit souvent aujourd’hui que le siècle actuel a soif d’authenticité. Surtout chez les jeunes, on dit qu’ils ont horreur de l’artificiel ou du faux et qu’ils recherchent avant tout la vérité et l’honnêteté. Ces « signes des temps » doivent nous inciter à être vigilants. Que ce soit tacitement ou à voix haute – mais toujours avec force – on nous demande : croyez-vous vraiment à ce que vous proclamez ? Vivez-vous ce que vous croyez ? Prêchez-vous vraiment ce que vous vivez ? Le témoignage de vie est devenu plus que jamais une condition essentielle d’une réelle efficacité dans la prédication. C’est précisément pour cela que nous sommes, dans une certaine mesure, responsables du progrès de l’Évangile que nous annonçons. —PAPE ST. PAUL VI, Evangelii nuntiandi, n° 76

Les vraies croix

J’ai été frappé le mois dernier par un simple mot de Notre-Dame :

Chers enfants, le chemin vers le Ciel passe par la Croix. Ne te décourage pas. —20 février 204, à Pedro Régis

Or, ce n’est pas nouveau. Mais peu de chrétiens d’aujourd’hui comprennent pleinement cela – tiraillés entre un faux « évangile de prospérité » et maintenant un évangile « éveillé ». Le modernisme a tellement vidé le message de l’Évangile, le pouvoir de la mortification et de la souffrance, qu’il n’est pas étonnant que les gens choisissent de se suicider. au lieu du Chemin de Croix.

Après une longue journée passée à presser le foin…

Dans ma propre vie, face à des exigences incessantes, j’ai souvent cherché un « soulagement » en faisant quelque chose à la ferme. Mais très souvent, je me retrouvais au bout d’une machine cassée, d’une autre réparation, d’une autre demande. Et je devenais en colère et frustré.

Maintenant, il n’y a rien de mal à vouloir trouver du réconfort et du repos ; même Notre Seigneur l’a cherché dans les montagnes avant l’aube. Mais je cherchais la paix aux mauvais endroits, pour ainsi dire – je cherchais la perfection de ce côté-ci du Ciel. Et le Père a toujours veillé à ce que la Croix, au contraire, me rencontre.

Moi aussi, je ferais la moue et je me plaindrais, et comme une épée contre mon Dieu, j’emprunterais les paroles de Thérèse d’Avila : « Avec des amis comme toi, qui a besoin d’ennemis ?

Comme le dit Von Hugel : « Comme nous ajoutons beaucoup à nos croix en étant en colère contre eux ! Plus de la moitié de notre vie est consacrée à pleurer pour des choses autres que celles qui nous ont été envoyées. Pourtant, ce sont ces choses, telles qu’elles sont envoyées et lorsqu’elles sont voulues et enfin aimées comme envoyées, qui nous forment à la Maison, qui peuvent former pour nous une Maison spirituelle même ici et maintenant. Résister constamment, s’attaquer à tout va rendre la vie plus compliquée, plus difficile, plus dure. On peut voir tout cela comme la construction d’un passage, d’un chemin à parcourir, d’un appel à la conversion et au sacrifice, à une vie nouvelle. —Sœur Mary David Totah, OSB, La joie de Dieu : Recueil des écrits de sœur Mary David, 2019, Bloomsbury Publishing Plc.; Magnifique, Février 2014

Mais Dieu a été si patient avec moi. J’apprends plutôt à m’abandonner à Lui dans TOUTE des choses. Et c’est un combat quotidien, et qui se poursuivra jusqu’à mon dernier souffle.

La vraie sainteté

L’archevêque Serviteur de Dieu Luis Martínez décrit ce voyage que beaucoup entreprennent pour éviter la souffrance.

Chaque fois que nous subissons une calamité dans notre vie spirituelle, nous sommes alarmés et pensons que nous nous sommes égarés. Car nous nous sommes imaginé une route plate, un sentier, un chemin semé de fleurs. Ainsi, en nous trouvant dans un chemin difficile, plein d’épines, dépourvu de tout attrait, nous pensons avoir perdu le chemin, alors que c’est seulement que les voies de Dieu sont très différentes des nôtres.

Parfois, les biographies des saints tendent à entretenir cette illusion, lorsqu’elles ne révèlent pas pleinement l’histoire profonde de ces âmes ou lorsqu’elles ne la révèlent que de manière fragmentaire, en sélectionnant uniquement les traits attrayants et agréables. Ils attirent notre attention sur les heures que les saints passaient en prière, sur la générosité avec laquelle ils pratiquaient la vertu, sur les consolations qu’ils recevaient de Dieu. Nous ne voyons que ce qui brille et est beau, et nous perdons de vue les luttes, les ténèbres, les tentations et les chutes par lesquelles ils sont passés. Et nous pensons ainsi : Oh, si je pouvais vivre comme ces âmes ! Quelle paix, quelle lumière, quel amour ! Oui, c’est ce que nous voyons ; mais si nous regardions profondément dans le cœur des saints, nous comprendrions que les voies de Dieu ne sont pas nos voies. — Serviteur de Dieu, l’archevêque Luis Martínez, Secrets de la vie intérieure, Cluny Médias ; Magnificat Février, 2024

Porter la croix à travers Jérusalem avec mon ami Pietro

Je me souviens avoir marché dans les rues pavées de Rome avec le père franciscain. Stan Fortune. Il dansait et tournait dans les rues, respirant la joie et un mépris total pour ce que les autres pensaient de lui. En même temps, il disait souvent : « Vous pouvez soit souffrir avec Christ, soit souffrir sans Lui. Je choisis de souffrir avec Lui. C’est un message tellement important. Le christianisme n’est pas un ticket pour une vie indolore mais un chemin pour la supporter, avec l’aide de Dieu, jusqu’à atteindre cette porte éternelle. En fait, écrit Paul :

Il nous faut traverser de nombreuses épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu. (Actes 14: 22)

Les athées accusent donc les catholiques de religion sadomasochiste. Au contraire, le christianisme donne le sens même de la souffrance et la grâce non seulement d’endurer mais d’accepter la souffrance qui survient tout.

Les voies de Dieu pour atteindre la perfection sont des voies de lutte, de sécheresse, d’humiliations et même de chutes. Certes, il y a de la lumière, de la paix et de la douceur dans la vie spirituelle : et en effet une lumière splendide [et] une paix au-dessus de tout ce qu’on pourrait désirer, et une douceur qui surpasse toutes les consolations de la terre. Il y a tout cela, mais tout cela en son temps ; et dans chaque cas, c’est quelque chose de passager. Ce qui est habituel et le plus courant dans la vie spirituelle, ce sont les périodes pendant lesquelles nous sommes obligés de souffrir et qui nous déconcertent parce que nous nous attendions à quelque chose de différent. — Serviteur de Dieu, l’archevêque Luis Martínez, Secrets de la vie intérieure, Cluny Médias ; Magnificat Février, 2024

En d’autres termes, nous avons souvent massacré le sens de la sainteté, l’avons réduit à des apparences extérieures et à des démonstrations de piété. Notre témoignage est crucial, certes… mais il sera vide et dépourvu de la puissance du Saint-Esprit s’il n’est pas l’effusion d’une authentique vie intérieure portée par une vraie repentance, une obéissance, et donc un véritable exercice de vertu.

Mais comment détromper beaucoup d’âmes de l’idée qu’il faut quelque chose d’extraordinaire pour devenir saint ? Pour les convaincre, je voudrais effacer tout ce qui est extraordinaire dans la vie des saints, confiant qu’en agissant ainsi je ne leur enlèverais pas leur sainteté, puisque ce n’est pas l’extraordinaire qui les a sanctifiés, mais la pratique de la vertu que nous pouvons tous atteindre. avec l’aide et la grâce du Seigneur…. Cela est d’autant plus nécessaire aujourd’hui que la sainteté est mal comprise et que seul l’extraordinaire suscite l’intérêt. Mais celui qui recherche l’extraordinaire a très peu de chances de devenir un saint. Combien d’âmes n’atteignent jamais la sainteté parce qu’elles ne suivent pas le chemin sur lequel elles sont appelées par Dieu. —Vénérable Marie-Madeleine de Jésus dans l’Eucharistie, Vers les hauteurs de l’union avec Dieu, Jordan Aumann ; Magnificat Février, 2024

Ce chemin que la Servante de Dieu Catherine Doherty a appelé Le devoir du moment. Faire la vaisselle n’est pas aussi impressionnant que de léviter, de bilocaliser ou de lire dans les âmes… mais lorsque cela est fait avec amour et obéissance, je suis certain que cela aura une plus grande valeur dans l’éternité que les actes extraordinaires avec lesquels les saints, si nous sommes honnêtes, n’avaient pas grand-chose à faire. contrôle sur autre chose que d’accepter ces grâces avec docilité. C’est le quotidien »martyre» que beaucoup de chrétiens oublient en rêvant d’un martyre rouge…

Le vrai christianisme

Peinture de Michael D. O’Brien

Les Véroniques du monde sont prêtes à effacer à nouveau le visage du Christ, le visage de son Église alors qu’elle entre maintenant dans sa Passion. Qui était cette femme, sinon celle qui voulu croire, qui vraiment voulu voir le visage de Jésus, malgré la clameur des doutes et du bruit qui l’assaillait. Le monde a soif d’authenticité, disait saint Paul VI. La tradition nous dit que son vêtement portait une empreinte de la Sainte Face de Jésus.

Le vrai christianisme n’est pas la présentation d’un faux visage sans tache, dépourvu du sang, de la saleté, des crachats et de la souffrance de notre vie quotidienne. Il s’agit plutôt d’être suffisamment dociles pour accepter les épreuves qui les produisent et suffisamment humbles pour permettre au monde de les voir alors que nous imprimons nos visages, les visages de l’amour authentique, dans leur cœur.

L’homme moderne écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, et s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins…. Le monde appelle et attend de nous la simplicité de vie, l’esprit de prière, la charité envers tous, spécialement envers les humbles et les pauvres, l’obéissance et l’humilité, le détachement et le don de soi. Sans cette marque de sainteté, notre parole aura du mal à toucher le cœur de l’homme moderne. Cela risque d’être vain et stérile. —PAPE ST. PAUL VI, Evangelii nuntiandin° 76




Petite méditation de Carême sur l’infinie Miséricorde de Dieu…

« Celui qui désire le salut

trouve la mer inépuisable de la miséricorde du Seigneur »

Sainte Faustine

      La miséricorde est le mystère ultime du Cœur de Dieu : il s’est « ouvert » à l’infini pour nous tous sur la Croix. Cette blessure opérée par la lance du soldat romain (Jn 19,33-34) est la dernière et la plus bouleversante Parole du Père à travers le Cœur de son Fils crucifié. Il l’a voulue de toute éternité pour que pas un seul enfant de cette terre ne doute qu’il est aimé à l’infini…

Comment oublier ici la tendresse de Dieu à travers le regard et les larmes de Jésus face à la dureté de Jérusalem :

« Quand il fut proche, à la vue de la ville, il pleura sur elle, en disant : « Ah ! si en ce jour tu avais compris, toi aussi, le message de paix ! Mais non, il est demeuré caché à tes yeux… » (Lc 19,41-42)

Et Saint Matthieu précise ce véritable « cri maternel » du Cœur de Dieu :

« Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes… et vous n’avez pas voulu ! » (Mt 23,37).

Cet Evangile a tiré des larmes à la petite Thérèse… et quand on prie à Jérusalem dans la chapelle de « Dominus flevit » (« Le Seigneur pleura »), on voit comme Jésus la ville sainte à travers les vitraux. Là, culmine la beauté et le drame de la Révélation : « Dieu est Amour ! » (1 Jn 4,16). Et quand l’Amour n’est pas aimé jusqu’à le crucifier de tant de manières dans l’histoire des hommes, ce cruel rejet génère une blessure secrète dans le Cœur de Dieu :

Elle se laissera voir dans son côté à la fin de sa Passion où « en transperçant le Cœur de Jésus, la lance du soldat a ouvert un grand mystère… car elle est allée plus loin que le Cœur du Christ, elle a ouvert Dieu, elle est passée pour ainsi dire, au milieu même de la Trinité[1] ! »

Ainsi, comme l’enfant perdu de la parabole, nous sommes tous appelés à nous approcher d’une Vérité qui nous échappe … Dès ses premiers pas de retour, il se découvre si « follement » aimé par « le Père des miséricordes » (2 Co 1,3) : « Tandis qu’il était encore loin, son père le vit et fut ému aux entrailles : il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers ! » (Lc 15,20).

Cette révélation de la miséricorde de Dieu est une vérité absolue offerte sans cesse à tout homme… c’est pourquoi le Démon déchaîne ici sa plus « violente » tentation sur chaque âme car il sait, lui qui la refuse éternellement, que la miséricorde du Christ « n’exclut personne : ni les pauvres, ni les riches. Car Dieu ne se laisse pas conditionner par nos préjugés humains, mais il voit en chacun une âme à sauver et il est spécialement attiré par celles qui sont considérées comme perdues et qui se considèrent comme telles[2]… »

C’est pourquoi le merveilleux Berger de l’Evangile part toujours à la recherche de la brebis perdue… en laissant sur place les 99 autres. Et quand il l’a retrouvée, son indicible joie est le fruit de sa miséricorde : « C’est ainsi, je vous le dis, qu’il y aura plus de joie dans le Ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour 99 justes, qui n’ont pas besoin de conversion ! » (Lc 15,7).

Cela laisse entendre que la brebis perdue révèle l’indicible miséricorde du Cœur de Dieu que toutes les brebis doivent découvrir : en effet, éloignées ou apparemment plus près du Berger, toutes les brebis doivent être bouleversées par l’indicible miséricorde de Dieu ! Car en réalité, toutes les brebis sont « perdues » et sont sauvées par la miséricorde de Dieu crucifiée…

Tel est le mystère du salut universel par la foi en Jésus-Christ que Saint Paul proclame avec force : « Avant la venue de la foi, nous étions enfermés sous la garde la Loi, réservés à la foi qui devait de révéler… mais la foi venue, nous ne sommes plus sous un pédagogue. Car vous êtes tous fils de Dieu, par la foi, dans le Christ Jésus. Vous tous, en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ : il n’y a plus ni juif, ni grec ; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n’y a plus l’homme et la femme ; car tous, vous ne faites plus qu’un en Jésus Christ ! Et si vous appartenez au Christ, vous êtes donc de la descendance d’Abraham, héritiers selon la promesse… » (Ga 3,23-29).

Comment oublier ici la réaction violente du fils ainé dans la parabole de l’enfant-prodigue : il se met en colère contre son père et considère comme un scandale le festin d’un tel accueil pour son frère pécheur : n’a-t-il pas dissipé l’héritage « avec des prostituées » et son père fait « tuer pour lui le veau gras ! » (Lc 15,30). On notera au passage que sa relation au père très extérieure et que, de fait, il se situe plus au niveau de la loi (Lc 15,9) que de l’amour. La relation filiale au père lui échappe…

Comprenons bien ici que la miséricorde n’efface, ni ne contredit la justice mais qu’elle est le feu imprévisible d’un amour mystérieux qui « dit » Dieu : secret unique de son Cœur, la miséricorde jaillit des profondeurs de la Très Sainte Trinité ! En la contemplant sur la Croix, qui pourra dire jusqu’où va la folle tendresse du Cœur de Dieu transpercé ?

En même temps, il faut ici éviter toute ambiguïté en notant « que la miséricorde de Jésus ne s’exprime pas en mettant la loi morale entre parenthèses. Pour Jésus, le bien est le bien, le mal est le mal. La miséricorde ne change pas l’aspect du péché, mais le brûle d’un feu d’amour… En Jésus, Dieu vient nous donner l’amour et nous demander l’amour[3] ! »

En pardonnant à la femme adultère que les pharisiens voulaient lapider, le Seigneur conclut par une invitation à sortir du péché pour vivre une vie nouvelle dans la lumière : « va, désormais ne pèche plus ! » (Jn 8,11). C’est l’invitation à vivre d’un nouvel amour dans la Lumière du Christ…

La miséricorde est la réalité ultime de la foi et elle est notre dernier rempart face aux ténèbres de la désespérance… Saint Benoît a écrit dans sa célèbre Règle cette recommandation finale : « Ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu ! » Et Syméon le Nouveau Théologien lui fait écho dans un texte unique dont le cri poignant traverse le temps :

« Tu connais ma misère… Tu vois ma faiblesse et mon infirmité, Toi qui m’as façonné, mon Dieu… Tu connais tout ! Regarde mon cœur humilié, regarde mon cœur contrit, regarde-moi qui m’approche de Toi dans le désespoir mon Dieu !… Ne tarde donc pas, Miséricordieux, ne détourne pas les yeux…

Dans ton Cœur je m’abrite, derrière ta pitié je me réfugie, c’est ton amour pour les hommes que je t’adresse comme intercesseur ! Je n’ai pas travaillé, je n’ai pas accompli les œuvres de la justice, jamais je n’ai gardé un seul de tes commandements… mais j’ai passé ma vie toute entière dans la débauche : pourtant, tu n’as pas détourné les yeux, tu m’as cherché et trouvé dans mon errance, tu m’as ramené de la route d’égarement… et sur tes épaules immaculées, jusqu’à la lumière de ta grâce, tu m’as soulevé, Ô Christ, tu m’as chargé, Ô Miséricordieux !… Je proclame ta pitié, je célèbre ta miséricorde, je m’émerveille et je rends grâce à la richesse de ta bonté[4] ! »

A la suite de ce cri bouleversant, puissions-nous laisser résonner à jamais en nos cœurs le chant de la Vierge bénie : « Sa Miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent ! » (Lc 1,50).

+M-Mickaël

 

[1] Cardinal Robert Sarah, Dieu ou rien, entretien sur la foi avec Nicolas Diat, Fayard, 2015, p.32.

[2] Pape Benoît XVI, Angélus, 31 octobre 2010.

[3] Benoît XVI, Homélie à Assise, 17 juin 2007.

[4] Syméon le Nouveau Théologien, Hymnes XLI, Sources chrétiennes 196.




Mgr Strickland écrit une lettre ouverte appelant le pape François et tous les évêques à « revenir au Christ ».

Dans une lettre adressée au pape François et à tous les évêques,

Mgr Strickland a exhorté l’Église à « résister aux voix » qui nous appellent à « abandonner la vérité que Jésus-Christ a proclamée ».

(LifeSiteNews) — Le texte suivant est le suivant texte complet d’une lettre sacerdotale du 29 février écrite par l’évêque émérite de Tyler, Texas, Joseph Strickland.

jeu Fév 29, 2024 – 9:48 am EST

Mes chers frères évêques, 

Je me dois de m’adresser à tous mes frères évêques du monde entier, y compris au pape François, évêque de Rome. À bien des égards, je suis le plus petit d’entre vous, mais je partage avec vous l’onction de successeur des apôtres et l’appel à préserver le dépôt de la foi, et c’est dans cet esprit que je m’adresse à vous. 

Je vous en conjure, revenons au Christ et à sa voie, et soyons audacieux comme nos prédécesseurs des premier, deuxième et troisième siècles, dont beaucoup ont suivi le Seigneur jusqu’à la mort, portant de lourdes croix en son nom. Soyons solidaires de nos frères qui, dans les années 20, ont suivi le Seigneur jusqu’à la mort, portant de lourdes croix en son nom.th siècle, ont eu la force de s’élever contre les dirigeants despotiques, même s’ils n’étaient qu’une voix minoritaire à leur époque. En ce 21est Au cours de ce siècle, soyons vigoureux dans la connaissance et la proclamation de Jésus-Christ comme la Lumière du monde et le Seigneur de la Vérité. Proclamons avec une profonde conviction la plénitude du message de Jésus-Christ et résistons à toute tentation de ne partager que la partie de sa vérité que le monde accepte afin d’éviter l’ire d’un monde qui le hait encore.

Parlons avec force de l’inerrance des Saintes Écritures et proclamons qu’elles sont vraiment la parole de Dieu, qui nous a été révélée et transmise comme un trésor sacré, qui nous fait passer des ténèbres à la lumière. Partageons la glorieuse bonne nouvelle que Jésus-Christ est la Parole sacrée incarnée et que la révérence pour sa Parole est une révérence pour sa Présence réelle et sacrée parmi nous, comme il l’a promis. Appelons à un réveil eucharistique mondial qui proclame avec des nouvelles d’une grande joie que Jésus-Christ est réellement présent – Corps et Sang, Âme et Divinité – dans la Sainte Eucharistie à chaque messe, dans chaque tabernacle et sur chaque autel d’adoration eucharistique. Enseignons à nos troupeaux que tous les sacrements sont Jésus-Christ, présent et agissant parmi nous, nous appelant au repentir, à la guérison et à la paix, et nous fortifiant par la grâce sanctifiante afin que nous puissions tendre la main aux pauvres, aux marginalisés et aux méprisés pour partager sa Bonne Nouvelle. Adhérons hardiment à notre foi ancestrale selon laquelle Jésus-Christ est le seul Chemin, la Vérité et la Vie, envoyé par notre Père céleste. Appelons le monde à l’unique Seigneur, à l’unique foi et à l’unique baptême qui nous guide, par l’intermédiaire de son Église une, sainte, catholique et apostolique, vers la vie éternelle avec Dieu – le Père, le Fils et le Saint-Esprit. 

Frères, soyons forts et clairs concernant tous les enseignements de notre foi catholique qui parlent de la sainteté de la vie depuis la conception jusqu’à la mort naturelle. L’Épouse du Christ proclame la vérité que Dieu nous a créés homme et femme. L’Église, Corps mystique du Christ, proclame la vérité que le mariage est un lien sacré entre un homme et une femme, engagés pour la vie et ouverts aux enfants, et que ce modèle ordonné par Dieu guidera l’humanité jusqu’à la fin des temps.Engageons-nous à ne jamais laisser ceux qui sont pris dans un péché sexuel, quel qu’il soit, errer dans les ténèbres d’un mode de vie pécheur. Soyons l’Église qui accueille tout le monde, mais qui n’abandonne personne au péché et aux sombres voies du monde. Ouvrons grand les portes de l’Église du Christ et accueillons tout le monde sur le chemin sacré de la grâce et de la vie, en enseignant que l’amour sacrificiel que le Christ a modelé pour nous est le seul véritable amour. 

Mes frères, que notre vocation de berger et de paître le troupeau du Seigneur ne soit jamais la proie d’un compromis avec un monde qui tente de diminuer la force et la vigueur de l’Évangile, et de rendre notre foi inutile et vide. Le Christ nous a appelés à être dans le monde mais pas du monde. Résistons aux courants de notre époque qui cherchent à créer un monde à « notre » image et à éliminer Dieu de sa place au centre de la création. Résistons aux voix qui, trop souvent, proviennent de l’Église elle-même et nous appellent à abandonner la vérité que Jésus-Christ a proclamée, en cherchant plutôt à la tordre, à la modifier et à l’actualiser jusqu’à ce qu’elle soit méconnaissable et qu’elle ne soit plus enracinée dans la réalité. 

Nous devons reconnaître que nous nous trouvons au bord d’un précipice de dévastation, comme le monde n’en a jamais vu. Ouvrons les yeux sur les forces du mal qui apportent la division et les ténèbres, alors qu’elles prétendent offrir une nouvelle voie à l’humanité. Ayons l’audace de dire « non » à ces tendances qui cherchent à effacer Dieu et à anéantir le droit que Dieu nous a donné de choisir le bien du mal dans la liberté et l’autonomie personnelles. Disons simplement « non » aux voix qui murmurent le détrônement de Dieu et cherchent à installer un État mondial à sa place. 

Mes frères, tout est possible avec Dieu, et sa miséricorde est toujours concentrée sur l’octroi de nouvelles opportunités pour passer des ténèbres à la lumière. Il n’est pas trop tard, mais le temps nous est compté pour faire notre travail. Prenons ensemble le manteau que nous avons reçu lors de notre consécration épiscopale et proclamons à nouveau Jésus-Christ ! 

Soyons des bergers. 

L’évêque Joseph E. Strickland,

Émérite du diocèse de Tyler 




Retrouver notre dignité

 

La vie est toujours une bonne chose.
C’est une perception instinctive et un fait d’expérience,
et l’homme est appelé à comprendre la raison profonde pour laquelle il en est ainsi.
Pourquoi la vie est-elle une bonne chose ?
—Pape ST. JEAN PAUL II,
Evangelium Vitae, 34

Qu’arrive-t-il à l’esprit des gens lorsque leur culture – une culture de la mort – les informe que la vie humaine est non seulement jetable mais qu’elle constitue apparemment un mal existentiel pour la planète ? Qu’arrive-t-il au psychisme des enfants et des jeunes adultes à qui l’on répète sans cesse qu’ils ne sont qu’un sous-produit aléatoire de l’évolution, que leur existence « surpeuple » la terre, que leur « empreinte carbone » ruine la planète ? Qu’arrive-t-il aux personnes âgées ou aux malades lorsqu’on leur dit que leurs problèmes de santé coûtent trop cher au « système » ? Qu’arrive-t-il aux jeunes qui sont encouragés à rejeter leur sexe biologique ? Qu’arrive-t-il à l’image de soi lorsque sa valeur est définie non pas par sa dignité inhérente mais par sa productivité ?

Si ce que dit le pape saint Jean-Paul II est vrai, nous vivons le chapitre 12 de l’Apocalypse (voir Les douleurs du travail : dépeuplement ?) — alors je crois que saint Paul fournit
les réponses sur ce qui arrive aux personnes qui ont été si déshumanisées :

Comprenez ceci : il y aura des moments terrifiants dans les derniers jours. Les gens seront égocentriques et amoureux de l’argent, fiers, hautains, abusifs, désobéissants à leurs parents, ingrats, irréligieux, insensibles, implacables, calomnieux, licencieux, brutaux, haïssant ce qui est bon, traîtres, téméraires, vaniteux, amoureux du plaisir. plutôt que des amoureux de Dieu, car ils font semblant de religion mais nient sa puissance. (2 Tim 3, 1-5)

Les gens me semblent si tristes ces jours-ci. Rares sont ceux qui se comportent avec une « étincelle ». C’est comme si la lumière de Dieu s’était éteinte dans de nombreuses âmes. (voir La bougie fumante).

… Dans de vastes régions du monde, la foi risque de s’éteindre comme une flamme qui n’a plus de combustible. —Lettre de Sa Sainteté le pape Benoît XVI à tous les évêques du monde, 12 mars 2009

Et cela ne devrait pas surprendre, car à mesure que la culture de la mort répand son message dévalorisant jusqu’aux extrémités de la terre, le sens de la valeur et du but des gens diminue également.

…à cause de l’augmentation des méfaits, l’amour de beaucoup se refroidira. (Matt 24, 12)

Mais c’est précisément dans cette obscurité que nous, disciples de Jésus, sommes appelés à briller comme des étoiles…

Retrouver notre dignité

Après avoir disposé un image prophétique troublante De la trajectoire ultime de la « culture de la mort », le pape saint Jean-Paul II a également donné un antidote. Il commence par poser la question : Pourquoi la vie est-elle un bien ?

Cette question se retrouve partout dans la Bible, et dès les premières pages, elle reçoit une réponse puissante et étonnante. La vie que Dieu donne à l’homme est tout à fait différente de la vie de toutes les autres créatures vivantes, dans la mesure où l’homme, bien que formé de la poussière de la terre, (cf. Gen 2:7, 3:19; Job 34:15; Ps 103:14; 104:29), est une manifestation de Dieu dans le monde, un signe de sa présence, une trace de sa gloire (cf. Gn 1, 26-27 ; Ps 8, 6). C’est ce qu’a voulu souligner saint Irénée de Lyon dans sa célèbre définition : « L’homme, l’homme vivant, est la gloire de Dieu ». —Pape ST. JEAN PAUL II, Evangelium Vitae, n° 34

Laissez ces mots s’infiltrer au cœur de votre être. Vous n’êtes pas « égal » aux limaces et aux singes ; vous n’êtes pas un sous-produit de l’évolution ; vous n’êtes pas un fléau sur la face de la terre… vous êtes le plan directeur et le summum de la création de Dieu, «le sommet de l’activité créatrice de Dieu, comme sa couronne», a déclaré le défunt saint. Levez les yeux, chère âme, regardez dans le miroir et voyez la vérité selon laquelle ce que Dieu a créé est « très bon » (Genèse 1 : 31).

Il est certain que le péché nous a tous défigurés à un degré ou à un autre. La vieillesse, les rides et les cheveux gris ne sont que des rappels que « le dernier ennemi à détruire est la mort ». Mais notre valeur inhérente et notre dignité ne vieillissent jamais ! De plus, certains peuvent avoir hérité de gènes défectueux ou avoir été empoisonnés dans l’utérus par des forces extérieures, ou mutilés à la suite d’un accident. Même les « sept péchés capitaux » que nous avons commis (par exemple la luxure, la gourmandise, la paresse, etc.) ont défiguré notre corps.

Mais être créé à « l’image de Dieu » va bien au-delà de nos temples :

L’auteur biblique voit dans cette image non seulement la domination de l’homme sur le monde, mais aussi les facultés spirituelles qui sont typiquement humaines, telles que la raison, le discernement entre le bien et le mal et le libre arbitre : « Il les remplit de connaissance et de compréhension, et leur a montré le bien et le mal » (Monsieur 17 : 7). La capacité d’accéder à la vérité et à la liberté sont des prérogatives humaines dans la mesure où l’homme est créé à l’image de son Créateur, Dieu qui est vrai et juste. (cf. Dt 32, 4). Seul l’homme, parmi toutes les créatures visibles, est « capable de connaître et d’aimer son Créateur ».Evangelium Vitae, 34

 

Être à nouveau aimé

Si l’amour de beaucoup s’est refroidi dans le monde, c’est le rôle des chrétiens de restaurer cette chaleur dans nos communautés. Les confinements désastreux et immoraux du COVID-19 ont causé des dommages systémiques aux relations humaines. Beaucoup ne se sont pas encore rétablis et vivent dans la peur. Les divisions n’ont fait que se creuser grâce aux réseaux sociaux et aux échanges acerbes en ligne qui ont fait exploser des familles jusqu’à ce jour.

Frères et sœurs, Jésus se tourne vers vous et moi pour guérir ces brèches, pour être une flamme d’amour au milieu des charbons de notre culture. Reconnaissez la présence d’autrui, saluez-le avec un sourire, regardez-le dans les yeux, « écoutez l’âme d’autrui naître », comme l’a dit la Servante de Dieu Catherine Doherty. La toute première étape de la proclamation de l’Évangile est la même que celle que Jésus a faite : il a simplement été présent à ceux qui l’entouraient (pendant une trentaine d’années) avant de commencer la proclamation de l’Évangile.

Dans cette culture de la mort, qui a fait de nous des étrangers, voire des ennemis, nous pouvons être tentés de devenir nous-mêmes amers. Nous devons résister à cette tentation du cynisme et choisir la voie de l’amour et du pardon. Et ce n’est pas une « Voie » ordinaire. C’est une étincelle divine qui a le potentiel d’enflammer une autre âme.

Un étranger n’est plus un étranger pour celui qui doit devenir le prochain d’une personne dans le besoin, au point d’accepter la responsabilité de sa vie, comme le montre si bien la parabole du Bon Samaritain. (cf. Lc 10, 25-37). Même un ennemi cesse d’être un ennemi pour celui qui est obligé de l’aimer (cf. Mt 5, 38-48 ; Lc 6, 27-35), pour lui « faire du bien » (cf. Lc 6, 27, 33, 35) et de répondre à ses besoins immédiats dans les meilleurs délais et sans attente de remboursement (cf. Lc 6, 34-35). Le comble de cet amour est de prier pour son ennemi. Ce faisant, nous parvenons à l’harmonie avec l’amour providentiel de Dieu : « Mais moi, je vous le dis, aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous soyez enfants de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 44-45 ; cf. Lc 6, 28, 35). —Evangelium Vitae, n° 34

Nous devons nous efforcer de surmonter notre peur personnelle du rejet et de la persécution, peurs souvent nées de nos propres blessures (qui ont peut-être encore besoin d’être guéries – voir Retraite de guérison.)

Mais ce qui devrait nous donner du courage, c’est de reconnaître, qu’ils l’admettent ou non, que chaque personne aspire à rencontrer Dieu d’une manière personnelle… à sentir Son souffle sur elle comme Adam l’a ressenti pour la première fois dans le Jardin.

L’Éternel Dieu forma l’homme de la poussière du sol et souffla dans ses narines un souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. (Gn 2:7)

L’origine divine de cet esprit de vie explique l’insatisfaction perpétuelle que l’homme éprouve tout au long de ses jours sur terre. Parce qu’il est créé par Dieu et qu’il porte en lui une empreinte indélébile de Dieu, l’homme est naturellement attiré vers Dieu. Lorsqu’il est à l’écoute des aspirations les plus profondes du cœur, chacun doit faire siennes les paroles de vérité exprimées par saint Augustin : « Tu nous as créés pour toi, Seigneur, et nos cœurs sont agités jusqu’à ce qu’ils reposent en toi. »Evangelium Vitae, n° 35

Sois ce souffle, fils de Dieu. Soyez la chaleur d’un simple sourire, d’une étreinte, d’un acte de gentillesse et de générosité, y compris l’acte de Pardon. Regardons les autres dans les yeux aujourd’hui et permettons-leur de ressentir la dignité qui leur appartient du simple fait d’avoir été créés à l’image de Dieu. Cette réalité devrait révolutionner nos conversations, nos réactions, nos réponses à l’autre. C’est vraiment le contre-révolution que notre monde a désespérément besoin de le transformer à nouveau en un lieu de vérité, de beauté et de bonté – en une « culture de la vie ».

Forte de l’Esprit et s’appuyant sur la riche vision de la foi, une nouvelle génération de chrétiens est appelée à aider à construire un monde dans lequel le don de la vie de Dieu est accueilli, respecté et chéri… Une nouvelle ère dans laquelle l’espérance nous libère de la superficialité, l’apathie et l’auto-absorption qui endormissent nos âmes et empoisonnent nos relations. Chers jeunes amis, le Seigneur vous demande d’être prophètes de cette nouvelle ère… —Pape BENOÎT XVI, Homélie, Journée mondiale de la jeunesse, Sydney, Australie, 20 juillet 2008

Soyons ces prophètes !

 

 




Jésus marche sur les eaux… et Pierre avec lui : L’Eglise de la fin des temps prophétisée ! …

« Pierre, descendant de la barque,

se mit à marcher sur les eaux et vint vers Jésus… »

Matthieu 14,29

 

L’Evangile selon Saint Matthieu est le plus riche sur cette seconde tempête apaisée, et aussi le seul à rapporter l’épisode de Pierre marchant sur les eaux. Dès les premiers versets, ne peut-on d’ailleurs y deviner un dessein secret du Sauveur qui oblige les disciples à traverser le lac sans lui ? Cela se situe juste après la première multiplication des pains où Jésus assume lui-même le renvoi des foules et gravit la montagne pour une prière prolongée en solitude :

« Et aussitôt, il obligea les disciples à monter dans la barque et à le devancer sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules. Et quand il eut renvoyé les foules, il gravit la montagne, à l’écart, pour prier. Le soir venu, il était là, seul. » Mt 14,22-23

Ainsi, le décor est campé : Jésus seul priant sur la montagne et la barque des disciples, seuls, « harcelée par les vagues » (Mt 14,24). Et Jean précise : « Il faisait déjà nuit… » (Jn 6,17). Alors surgit tout à coup ce regard de la tendresse de Dieu et sa venue miraculeuse qui n’a pas échappé à Saint Marc[1] : « Les voyant s’épuiser à ramer, car le vent leur était contraire, il vient vers eux à la quatrième heure de la nuit[2] en marchant sur la mer… »  Et ici, comment ne pas remarquer ce trait évangélique : « Il allait les dépasser ! » (Mc 6,48). De fait, il faut saisir qu’il fait semblant de les dépasser… Cela nous renvoie à des épisodes majeurs de l’Ancien Testament où Moïse et Elie en témoignent magnifiquement : Yahvé est « un Dieu qui passe » ! (Ex 33 ou 1 R 19,9-13). Et comme avec les disciples d’Emmaüs, se manifeste à nouveau cette sorte de jeu divin où Jésus passe et semble s’éloigner pour provoquer une réaction, un appel… (Lc 24,28-29). De fait, en méditant cet Evangile, on se rend compte à nouveau combien il faut supplier l’Esprit-Saint d’avoir en permanence « l’intelligence de la foi » pour découvrir les « passages » de Dieu !

Les disciples en sont encore loin car « le voyant marcher sur les eaux, ils furent troublés : « C’est un fantôme ! » disaient-ils, et pris de peur ils se mirent à crier ! ». Devant ce trouble, Jésus tente l’apaisement : « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur ! » (Mt 14,26-27). Et dans ces moments délicats du ministère messianique, Pierre commence à exercer sa primauté[3] : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux ! – « Viens ! », dit Jésus. Et Pierre, descendant de la barque, se mit à marcher sur les eaux et vint vers Jésus… »

Cependant, si sa foi est réelle, elle est encore fragile : « Mais voyant le vent, il prit peur et, commençant à couler, il s’écria : « Seigneur, sauve-moi ! » Aussitôt, Jésus tendit la main et le saisit, en lui disant : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » (Mt 14,28-31). Cet épisode nous propulse au cœur de l’Evangile en nous questionnant : jusqu’où ira notre foi en Jésus ? Derrière les belles paroles et les attitudes, il y a tout un éventail de degrés dans la puissance de la foi qui nous unit au Christ : « Car ce qui s’impose proprement à la conscience du croyant, ce n’est ni une vérité, ni une valeur, mais une réalité. Laquelle ? Celle du Dieu saint, vivant et se révélant dans le Christ Jésus… Tout cela est réalité, mais d’un autre ordre que le monde, plus réelle que le monde. Avoir la foi, c’est saisir cette réalité, s’unir à elle, se poser sur elle… Ce qui est arrivé à Pierre se répète tous les jours dans la vie du chrétien[4] ! »

Les étapes, les éclats et les chutes de la foi de Pierre nous invitent autant à l’humilité qu’à l’espérance : on n’a pas la foi une fois pour toutes ! Et il faut donc rester dans une grande vigilance et persévérance. Certes, la foi en Jésus est le trésor de l’Evangile mais il y a une croissance de la graine… (Mt 13,31-32). Dans une société du « tout » tout de suite, la patience de la germination est insupportable ! Et pourtant, la vie de Pierre à la suite de Jésus en témoigne clairement : « De tous ceux qui sont dans la barque, seul Pierre ose répondre ; et il prie le Seigneur de lui ordonner de venir sur les eaux… Mais sa peur sur le lac annonçait aussi sa faiblesse dans la tentation future. Car il osa marcher sur l’eau, mais enfonça ; et la crainte de la mort le poussa à renier son Maître. Cependant, il crie quand il enfonce, et il implore du Seigneur le salut. Le fruit de cette clameur fut sa pénitence : car dès ces premières heures de la Passion, il revint à lui pour confesser sa faute, et il reçut le pardon de son reniement avant que le Christ ne souffrît pour la Rédemption universelle[5]… »

C’est ce moment bouleversant où, juste après son reniement, « le Seigneur, se retournant, fixa son regard sur Pierre » et là, « il pleura amèrement ! » (Lc 22,61-62). Seul, Jésus nous sauve des terribles tempêtes de la vie qui peuvent nous emporter vers le fond… Il faut donc toujours revenir à ce cri de la foi de Pierre quand il enfonce dans l’eau : « Seigneur, sauve-moi ! »

Dans la perspective de la fin des temps, on peut cependant se poser ici une question nouvelle : cet Evangile n’évoquerait-il-pas pour l’Eglise « un passage » de la barque visible à la barque invisible ? Cet épisode unique ne prophétiserait-il pas qu’une Eglise visible et identifiable attaquée de l’intérieur se transforme pour survivre… en « une Eglise cachée » dans le silence et la force de la foi ? Et devant la terrible adversité des derniers temps, le cri de Pierre ne serait-il pas en continu celui de l’Eglise universelle éprouvée : « Seigneur, sauve-nous ! » Car marcher sur l’eau durant les tempêtes est l’Eglise sans autre appui que la foi pure : son unique salut est de « regarder sans cesse Jésus » dans la prière et l’amour !

On pose ici ses pieds sur la barque invisible de l’Eglise où seul le saut dans la foi nous tient debout… Cela me fait penser à ce passage du Film « d’Indiana Jones 3 » avec Harrison Ford[6] : il lui est dit à un moment de traverser un précipice dont l’appui est « invisible » : « C’est le saut dans la foi : tu dois y croire ! » Et quand, face au vide, il fait le premier pas : le passage de pierre se matérialise et le sauve de l’abîme ! N’est-ce-pas là l’enjeu de la foi où le premier pas dans le vide apparent est décisif ? On peut faire référence ici à l’intuition majeure de Sainte Thérèse de Lisieux dans sa simplicité mystérieuse :

« C’est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l’Amour[7] ! »

N’est-ce-pas là le grand saut dans la foi ? Thérèse l’a tant saisi et expérimenté qu’elle ajoute dans la même lettre : « Restons bien loin de tout ce qui brille, aimons notre petitesse, aimons à ne rien sentir, alors nous serons pauvres d’esprit et Jésus viendra nous chercher, si loin que nous soyons il nous transformera en flammes d’amour… Oh ! que je voudrais pouvoir vous faire comprendre ce que je sens ! … »

Ainsi, à la fin des temps, il faut nous préparer à quitter un certain confort de la foi portée par la barque… et face aux terribles tempêtes eschatologiques, nous nous appuierons sur la barque invisible de la foi, le regard fixé sur Jésus ! Ces défis et ces cris de la foi nous orienterons vers « l’autre rivage » où Dieu nous conduit… car, à travers les épreuves, il veut parfaire cette confiance qui nous immergera dans l’Amour !

Un Saint Bernard nous partage magnifiquement son expérience en ce sens :

« Un jour, Jésus feignait de passer outre, non que ce fut son dessein, mais pour s’entendre dire : « Demeurez avec nous, Seigneur, car il se fait tard ! » (Lc 24,29). Une autre fois encore, marchant sur la mer, il fit semblant de passer outre, voulant éprouver la foi et provoquer la prière des Apôtres. Cette dissimulation, pleine de bonté, qu’a employée le Verbe corporellement visible, l’Esprit ne cesse d’en user à l’égard des âmes. S’il passe, il veut être retenu, et être rappelé s’il s’éloigne. Il va et vient, visitant l’âme le matin, et l’éprouvant ensuite. S’il s’éloigne, c’est de sa part un plan. S’il revient, c’est l’effet de sa seule volonté. Il agit avec sagesse et connaît seul la raison de sa conduite[8]… »

Et dans la mesure où l’Esprit-Saint n’agit jamais sans la Présence de son Epouse, comment ne pas conclure ici par un texte marial sur le Rosaire ? Il est la voie la plus simple et la plus profonde sur le chemin mystérieux de la foi :

N’ayons donc pas peur de la répétition que propose la prière du Rosaire. C’est une répétitivité contemplative qui nous met en harmonie avec le mouvement cyclique de la création… Comme le dit Sœur Lucie de Fatima : « La répétition des « Ave Maria » n’est pas une chose vieillie. Toutes les choses qui existent et ont été créés par Dieu se maintiennent par le moyen de la répétition continuelle des mêmes actes… Le soleil, la lune, les étoiles, les oiseaux, les plantes… et ils sont bien plus anciens que le Chapelet ! Saint Jean dit que les bienheureux dans le Ciel chantent un cantique nouveau, en répétant toujours : « Saint, saint, saint est le Seigneur ! » (Ap 4,8). Et le cantique est nouveau parce que, dans la lumière de Dieu, tout apparaît avec un reflet nouveau[9]! »

Ainsi, cette vigilance du cœur exprimée dans la répétition du chapelet est l’expression d’une foi où le pauvre demande, l’assoiffé cherche et où l’amoureux frappe inlassablement à la porte du Cœur de Dieu ! (Lc 11,9). Il s’agit de désensabler cette source mystérieuse cachée au fond de nous… Le Rosaire vient donc libérer en nous la « Source cachée » ! Chaque « Réjouis-toi » est éclosion de joie parce qu’il nous ouvre à l’éternelle nouveauté de l’Amour offerte à travers le Cœur silencieux de Marie…

+Marie-Mickaël

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Notes

[1] Saint Irénée de Lyon écrivait en 180 : « Marc, le disciple et l’interprète de Pierre, nous transmit lui aussi par écrit ce que prêchait Pierre. L’influence de Pierre se lit, paradoxalement, dans la grande humilité de son porte-parole… »

[2] Entre 3 et 6 heures du matin : on peut dire que Jésus se fait attendre… Cela laisse entrevoir la dimension eschatologique de son retour qui, dans les épreuves multiples des derniers temps, « semblera » longue et improbable : on comprend mieux ici pourquoi certains Saints ou Saintes demandaient pour leur foi « la grâce de la persévérance finale ! »

[3] Souvenons-nous ici de la Confession de Pierre après le discours de Jésus sur le Pain de Vie : « Seigneur, à qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle. Nous, nous le croyons et nous savons que tu es le Saint de Dieu ! » (Jean 6,67-69.)

[4] Romano Guardini, Le Seigneur, vol 1, Ed. Alsatia, 1946, p.224-226.

[5] Saint Hilaire, Sur l’Evangile selon Saint Matthieu, Patrologie Latine 9, 1002.

[6] « Indiana Jones et la dernière croisade », 1989, avec Sean Connery et Alison Doody.

[7] Thérèse de Lisieux, Œuvres complètes, Lettre 197, Cerf-DDB 1992, p.553

[8] Sermon 74, Sur le Cantique des cantiques, 3.

[9] Lettre à Maria Teresa de Cunha, 12 avril 1970.




La première tempête apaisée : la barque de l’Eglise menacée… et le peu de foi en Jésus !

Jésus leur dit « Passons sur l’autre rive ! »

 Et ils gagnèrent le large…

Luc 8,22

        Quelle étonnante actualité se dévoile dans cet Evangile de la tempête apaisée ! Car dans l’histoire de l’Eglise comme dans celle de nos vies, il y a toujours cet instant majeur de la foi où le Seigneur marche devant nous en nous adressant cette parole mystérieuse[1] : « Passons sur l’autre rive ! … » Cette invitation à la traversée résonne en nos vies comme un appel à prendre le large… et cet appel du « large » signifie en réalité que pour rester vivante, la foi doit garder le sens de l’aventure : le risque de la traversée n’est pas facultatif !

Croire et suivre Jésus sera d’abord et toujours « beaucoup prier » pour l’écouter et lui laisser « l’initiative de l’orientation » car rien n’est plus dépouillant et épanouissant que de « faire sa volonté » … N’est-il pas allé Lui-même jusqu’au bout de la volonté du Père ? (Mt 6,10).  Elle est sa nourriture de chaque instant ! (Jn 4,34). Mais chez nous, le train-train quotidien de la sécurité matérielle trop souvent nous aveugle ! Et pourtant, au fond de notre cœur résonne toujours le mystérieux appel de Dieu vers le large… car c’est loin du rivage et en eau profonde qu’Il opère des merveilles !

Dans ces tempêtes imprévues de la vie, nous nous sentons perdus comme les Apôtres. Nous pouvons être tentés par le même reproche dont témoigne Saint Marc : « Maître, tu ne te soucies pas de ce que nous périssons ! » (Mc 4,38). Nous allons périr et tu sembles ailleurs !…  A leur suite, notre prise de conscience majeure est de voir que Jésus est dans la barque : le réveiller par ce cri où résonne à la fois la crainte et la confiance est alors notre seul salut ! Pourtant, on se sent seul, car les éléments déchainés semblent dire le contraire : « Il se produisit un grand tourbillon de vent… et les vagues se jetaient dans la barque !… Or, Lui était à la poupe, dormant sur le coussin. » (Mc 4,37-38). C’est là qu’il faut plonger au fond de notre cœur où la foi dit qu’Il est toujours là ! Le sommeil du Maître nous enseigne profondément :

« C’est l’annonce, dans ce contexte, que Jésus traversera un jour les eaux de la mort et que l’Eglise doit, pleine de confiance, les traverser à sa suite, avec lui, comme les disciples le firent ce jour-là… Le sommeil du Maître signifie de façon exemplaire la confiance que l’homme doit avoir en Dieu : autant par son apostrophe véhémente, Jésus en dormant invite les disciples apeurés à découvrir, à travers son silence ou son absence apparente, la présence de Celui qui peut tout[2] ! »

Dans une situation désespérée, le réveil du Christ révèle tout à coup la puissance impressionnante du Fils de Dieu : « S’étant réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence ! Tais-toi ! » Le vent tomba et il se fit un grand calme… » (Mc 4,39). Ce miracle dévoile l’identité du Christ : il « s’est fait homme », mais il demeure « vrai Dieu, né du vrai Dieu » comme le proclame notre Credo[3]. Car maîtriser les vents et apaiser la mer est une œuvre divine. C’est d’autant plus remarquable ici où Jésus n’invoque pas Dieu comme Jonas, mais « agit par lui-même » !

Ensuite, l’interpellation du Seigneur ne se fait pas attendre… et à travers les Apôtres, elle s’adresse aussi à tous les chrétiens : « Pourquoi avez-vous peur ainsi ? N’avez-vous pas encore la foi ? » (Mc 4,40). Certes, on peut dire que dans leur peur extrême, ils se sont tout de même tournés vers lui : « Maître, Maître ! Nous périssons ! » (Lc 8,24). Cela signifie qu’il y a un début de foi chez les Apôtres, si fragile et trop humaine soit-elle. Cependant, nous ne sommes qu’au début de l’Evangile et cette foi va se fortifier… plus tard, viendra la célèbre profession de foi prononcée par Pierre au nom de tous les Apôtres : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous, nous croyons, et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu ! » (Jn 6,69).

Ainsi, après la peur de périr, la sidération des Apôtres est d’autant plus grande devant ce divin prodige : « Ils furent saisis alors d’une grande crainte. Et ils se disaient les uns aux autres : « Qui est donc celui-ci pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » (Mc 4,41). Ils sont encore dans le questionnement sur l’identité de Jésus, mais Ils se souvenaient sans doute du psaume qui rappelle une telle puissance : « C’est toi qui maîtrises l’orgueil de la mer ; quand ses flots se soulèvent, c’est toi qui les apaises ! » (Ps 88,10).                                                                                                                                        +Marie-Mickaël

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Notes

[1] Dans les trois synoptiques : Mt 8,18,23-27 / Mc 4,35-41 / Lc 8,22-25.

[2] Xavier Léon-Dufour, Etudes d’Evangile, p.180 et 163, Seuil 1965.

[3] Credo de Nicée (325) et de Constantinople (381).

Image : tableau de Delacroix




Le Diviseur est entré dans l’Eglise… mais la Mère de l’Eglise la protège !

« L’Eglise a ses racines dans le Ciel…

et ses feuilles dans la tempête !

Cardinal Journet

          Après les derniers rebondissements autour des « bénédictions » de couples divorcés-remariés ou homosexuels promus par Rome[1] et les « confessions » télévisées étonnantes du Pape François sur l’Enfer vide[2], toute l’Eglise se retrouve troublée et divisée…

Le « Diviseur » est entré au cœur de l’Eglise et notre épreuve ne fait que commencer ! Comme je l’ai avancé dans mon article récent[3] : les prophéties de la Vierge à Akita se déroulent sous nos yeux !

 

La dernière publication de Mark Mallett l’explicite remarquablement : « La récente correction fraternelle des Evêques n’est pas une déloyauté ou un rejet du Pape, mais un soutien à sa charge… vous n’avez donc pas à choisir votre camp : choisissez la Tradition sacrée puisque, en fin de compte, la papauté n’est pas un Pape ! Quelle grande tragédie pour le monde qui nous regarde lorsque les catholiques provoquent un scandale, soit en tombant dans le schisme, soit en promouvant un culte de la personnalité autour du Pape plutôt que de Jésus… Je sens que c’est l’Esprit qui appelle l’Eglise, de haut en bas, à se mettre à genoux et à se replonger dans la Parole de Dieu… Saint Paul nous dit : « Le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré pour elle pour la sanctifier, la purifiant par le bain d’eau avec la Parole… » (Ep 5,25-26).

Reprenons nos Bibles et laissons Jésus nous baigner dans sa Parole – la Bible dans une main et le Catéchisme dans l’autre – Quant à ceux flirtent avec le Schisme, n’oubliez pas : le seul son que vous entendrez si vous sautez de la Barque de Pierre est « splash ! » Et ce n’est pas un bain sanctifiant[4] ! »

Nous sommes entrés dans l’urgence de l’extrême fin des temps ; et si nous voulons être, sur les traces de petite Thérèse, « l’Amour au cœur de l’Eglise », nous sommes appelés à faire des choix décisifs dans la prière continuelle, l’humilité, l’espérance et la paix du cœur… convaincus que toute vie chrétienne authentique s’enracine dans la lumière et la force de la vie sacramentelle : de la Confession régulière des péchés dans le Sacrement de la réconciliation à la Sainte Messe du Dimanche… et cette charité fraternelle qui doit s’incarner sans cesse dans l’attention aux autres.

Dans le mystère de l’Eglise, le visage du lépreux est transfiguré par la tendresse du Christ qui le touche… et derrière chaque pauvre se cache un saint ou une sainte ! On peut donc affirmer que le chemin de « la foi est de rencontrer l’Eglise sous les haillons dont la recouvre la folie de ses enfants ; de toucher la paix des profondeurs sous l’agitation des tempêtes… L’Eglise n’est pas faite que de nos défauts et de nos défaillances, elle est faite de la grandeur de Dieu qui est en elle, et « nous portons le trésor de Dieu dans des vases fragiles » (2 Co 4,7). C’est vrai, nous le savons bien, mais c’est le trésor de Dieu[5] ! »

Aussi, si pauvre et si blessée soit-elle, l’Eglise n’est pas née pour se taire : elle est habitée par Celui la sauve et c’est pourquoi, dans un amour irrésistible, elle est envoyée à tous les hommes ! « Certes, nous devons rester modestes et proclamer la vérité avec humilité et non en surplomb. Toutefois, l’humilité ne consiste pas à s’incliner devant le monde, mais précisément à servir la Vérité et s’effacer devant elle, avec la conviction que nous parlons au nom d’un autre qui seul a « les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,68) et qui nous a précisément envoyés dans le monde pour « rendre témoignage à la vérité[6] » (Jn 18,37).

A la suite de Saint Jean-Paul II, on ne dira jamais assez que nous sommes entrés dans le temps de « la grande épreuve » et de « la grande espérance » car, après la terrible Epreuve de la Babylone infernale (Ap 17 et 18), la « Civilisation de l’Amour » jaillira ! (Ap 19 et 20). Et c’est pourquoi nous est donnée « la Femme » (Ap 12,1) pour traverser la grande Epreuve : cette Femme est à la fois l’Eglise et la Mère de l’Eglise, si bien que nous sommes invités à aimer l’Eglise de l’amour même du Cœur Immaculé de Marie, Mère de l’Eglise ! Oui, la Vierge est le Cœur caché de l’Eglise-Epouse qui brûle d’un amour fou pour le Christ-Epoux. Cela signifie que la beauté et l’invincibilité de l’Eglise est cachée dans sa pauvreté… Et des cendres jaillira le Feu !

Alors la prière suppliante et mariale d’un homme d’Eglise doit être la nôtre :

« Aujourd’hui, Vierge Sainte, nous tournons nos regards vers vous avec plus d’insistance. Vous savez que dans notre pays, comme dans le monde entier, se joue l’avenir de l’être humain, de la famille, de la civilisation et de la vie. Vous voyez que les forces de destruction de l’homme sont à l’œuvre comme jamais, séduisant les esprits et les cœurs…

Vous êtes la Femme de l’Apocalypse qui, avec l’aide des Anges, combattez le Démon. Prenez-nous en pitié. Ne nous abandonnez pas dans le combat. Ecoutez les humbles prières que nous faisons vers vous avec un cœur d’enfant… Faites de nous des hommes et des femmes courageux et fervents… préparant des générations futures qui continueront l’œuvre de l’amour dans notre pays et sur toute la terre[7] ! »

                                                                                                   + Marie-Mickaël

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Notes

[1] « Fiducia supplicans » (Confiance suppliante), Déclaration du Dicastère pour la Doctrine de la foi (DDF), publiée le 18 décembre 2023 et approuvée par le Pape François.

[2] « Ce que je vais dire n’est pas un dogme de foi mais quelque chose de personnel : j’aime penser que l’Enfer est vide, et j’espère que c’est la réalité ! » Cette déclaration sous forme de confidence sème à nouveau le doute et la division car elle va à l’encontre de la Parole de Dieu (Mt 25,41), du Catéchisme de l’Eglise Catholique (Voir 1033 à 1037) où des Apparitions de la Vierge à Fatima : le 13 juillet, Elle révèle l’Enfer aux trois enfants… et il n’est pas vide ! C’est une telle invitation de Marie à la prière, la supplication et la pénitence !

[3] Voir sur notre site : « Akita : une prophétie de la Vierge se déroule sous nos yeux ! » du 5 janvier 2024.

[4] Mark Mallett, Schisme, dites-vous ? The now word, reflections on our times, 19 janvier 2024.

[5] Cardinal Journet, Comme une flèche de feu, Le Centurion 1981, p.103 et Les dons du Saint-Esprit, Retraite 1972, p.22.

[6] Mgr Marc Aillet, Le temps des saints – Ne soyons pas des chiens muets, Artège 2023, p.9-10.

[7] Cardinal Paul Poupard, Président émérite du Conseil Pontifical pour la culture, Rome, I° janvier 2018.




Schisme, dites-vous ? Par Mark Mallett

Par Mark Mallett, 19 janvier 2024

Quelqu’un m’a demandé l’autre jour: «Vous ne quittez pas le Saint-Père ou le vrai magistère, n’est-ce pas?» J’ai été surpris par la question. « Non, qu’est-ce qui t’a donné cette impression ? » Il a dit qu’il n’en était pas sûr. Je l’ai donc rassuré que le schisme n’est pas sur la table. Explication.

La parole de Dieu

Sa question arrive à un moment où un feu a brûle dans mon âme pour la Parole de Dieu. J’en ai parlé à mon directeur spirituel, et même lui connaissait cette faim intérieure. Peut-être que vous êtes aussi… C’est presque comme si les controverses dans l’Église, la politique, la mesquinerie, les jeux de mots, l’ambiguité, l’approbation des agendas mondiaux, etc., me ramènent dans la Parole de Dieu brute et non diluée. Je veux la dévorer. Et Les Écritures ne sont jamais épuisées parce qu’elles enseignent toujours, toujours nourrissantes, toujours éclairantes.

En effet, la parole de Dieu est vivante et efficace, plus vive que n’importe quelle épée à deux tranchantss, pénétrant même entre l’âme et l’esprit, les articulations et la moelle, et capable de discerner les réflexions et les pensées du cœur. (Hb 4,12)

Et pourtant, nous savons en tant que catholiques que l’interprétation subjective de l’Écriture a des limites. Que le sens ultime des paroles du Christ a été compris par les apôtres et confiés à eux, et que leur enseignement nous a été transmis à travers les siècles de succession apostolique.[2] Ainsi, avec ceux que le Christ a commandés pour nous enseigner,[3] nous nous tournons vers cette Tradition Sacrée immuable et infaillible. Dans le cas contraire, il y aurait un chaos doctrinal.

En même temps, le pape et les évêques en communion avec lui ne sont que des serviteurs de la Parole de Dieu. En tant que tels, nous sommes tous des disciples de cette Parole, des disciples de Jésus (voir je suis un Disciple de Jésus-Christ). D’où…

… l’Église catholique n’est pas l’Église du pape et les catholiques ne sont donc pas des papistes mais des chrétiens. Le Christ est le chef de l’Église et de Lui toute la grâce divine et la vérité passe aux membres de Son corps, qui est l’Église… les catholiques ne sont pas les sujets des supérieurs ecclésiastiques, auxquels ils doivent l’obéissance aveugle comme dans un système politique totalitaire. En tant que personnes dans leur conscience et leur prière, elles vont directement à Dieu en Christ et dans le Saint-Esprit. L’acte de foi est dirigé directement vers Dieu, tandis que le magistère des évêques n’a que la tâche de préserver fidèlement et complètement le contenu de la Révélation (donnée dans l’Écriture sainte et la Tradition apostolique) et de le présenter à l’Église comme révélé par Dieu. Cardinal Gerhard Muller, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, 18 janvier 2024,

Cette définition de base est un puits de lumière parfaitement actuelle dans le brouillard de confusion qui a divisé les catholiques ces dernières semaines. Les récents procès sont dus en grande partie à une compréhension exagérée de l’infaillibilité papale et même des attentes fausses de l’homme qui occupe la fonction. Comme le note le cardinal dans la même interview, « en termes de profondeur théologique et de précision de l’expression, le pape Benoît XVI était une exception plutôt que la norme dans l’histoire mouvementée des papes ». En effet, nous avons apprécié l’enseignement immaculé, même dans le commentaire non-magistral de nos papes au cours du siècle dernier. Même moi, j’an étais arrivé au point de prendre pour acquis la facilité avec laquelle je pouvais les citer…

Récupération de la perspective

Mais le pontife argentin est une autre histoire et un rappel que l’infaillibilité d’un pape se limite aux rares occasions qu’il « confirme ses frères dans la foi et proclame par un acte définitif une doctrine relative à la foi ou à [5] morale ». Par conséquent, la correction fraternelle n’est pas au-delà d’un pape – « la plus connue est la question de l’hérésie et de l’excommunication du pape Honorius Ier », note le cardinal Müller.

Barque de Peter/Photo par James Day

Par conséquent, je crois que le Saint-Esprit utilise cette crise actuelle pour purger l’Église de la papolâtrie – la notion errante que nos papes sont « un souverain absolu, dont les pensées et les désirs sont la loi ».[7] Tout en donnant l’apparence de consolider l’unité, cette fausse croyance provoque en fait une division impie :

Chaque fois que quelqu’un dit, « J’appartiens à Paul », et un autre, « J’appartiens à Apollos », n’êtes-vous pas seulement humain ?… car personne ne peut jeter un fondement autre que celui qui est là, à savoir Jésus-Christ. (1 Corinthiens 3:4, 11)

Dans le même temps, la Tradition elle-même affirme la primauté de Pierre – et l’impossibilité du schisme comme voie pour le troupeau :

 

Ils marchent donc sur le chemin d’une erreur dangereuse qui croient qu’ils peuvent accepter le Christ comme le chef de l’Église, tout en n’adhérant pas loyalement à Son vicaire sur terre. Ils ont enlevé la tête visible, brisé les liens visibles de l’unité et laissé le Corps mystique du Rédempteur si obscurci et si mutilé, que ceux qui cherchent le havre du salut éternel ne peuvent ni le voir ni le trouver. Pape PIUS XII, Mystici Corporis Christi (Sur le corps mystique du Christ), 29 juin 1943; n. 41; vatican.va

Cette loyauté envers le pape n’est cependant pas absolue. Elle est dûe lorsqu’il exerce son « magistère authentique »- exprimant des enseignements ou des déclarations « qui doivent toutefois être explicitement ou implicitement contenues dans [9] la révélation », ajoute le cardinal Müller. C’est ce qui rend l’enseignement du successeur de Pierre « authentique » et essentiellement « catholique ». Par conséquent, la récente correction fraternelle des évêques n’est pas une déloyauté ou un rejet du pape, mais un soutien de ses fonctions.

Il ne s’agit pas d’être «pro-» pape François ou «contra-» pape François. Il s’agit de défendre la foi catholique, et cela signifie défendre le Bureau de Pierre auquel le pape a succédé. Cardinal Raymond Burke, The Catholic World Report, 22 janvier 2018

Vous n’avez donc pas besoin de choisir les côtés – choisissez la Tradition Sacrée puisque, en fin de compte, La papauté n’est pas un pape. Quelle grande tragédie que le monde regarde les catholiques causant le scandale, soit en tombant dans le schisme, soit en promouvant un culte de la personnalité autour du Pape, plutôt qu’autour de Jésus.

Le temps du bain

Que comprendre à travers ces évènements aujourd’hui ? Je pense que c’est l’Esprit qui appelle l’Église, de haut en bas, à tomber sur nos genoux et à nous immerger à nouveau dans la Parole de Dieu qui nous a été donnée dans les Saintes Écritures. Comme je l’ai écrit en Novum, Notre Seigneur Jésus se prépare une Epouse sans tâche ni ride. Dans ce même passage dans Éphésiens, Saint Paul nous dit comment :

Le Christ a aimé l’église et s’est livré pour elle pour la sanctifier, la purifiant par le bain d’eau avec la Parole (Ep 5, 25-26)

Oui, c’est le « mot de maintenant » pour aujourd’hui : prenons nos bibles, chers frères et sœurs, et laissons Jésus nous baigner dans Sa Parole – la Bible d’une main, le Catéchisme de l’autre.

Quant à ceux qui flirtent avec le schisme, souvenez-vous… le seul son que vous entendrez si vous sautez de la Barque de Pierre est « splash ». Et ce n’est pas un bain sanctifiant.

 




Le mystère de la Miséricorde surprend les anges !…

       Nous l’avons approché précédemment : le temps de l’Extrême Miséricorde touche à sa fin car par son terrible égarement, l’humanité actuelle lui tourne le dos et bascule dans le redoutable temps de la justice ! Il est donc temps de se « convertir » en entrant dans l’Arche du Cœur Immaculé de Marie ! Là, règne la paix de Dieu ! Précisons bien ici que convertir signifie « se tourner » vers la Lumière… c’est la fameuse « métanoïa » évangélique où s’opère un « changement de mentalité », un « retournement », un « bouleversement » où la lumière du Christ envahit peu à peu notre vie par les choix et les orientations visibles de notre cœur ! La conversion à la Lumière se voit dans les actes. Un Saint Jean Apôtre si contemplatif nous y invite avec force en proclamant l’Évangile de la charité :

« Celui qui aime son frère demeure dans la lumière… et nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères !… Petits enfants, n’aimons ni de mots ni de langue, mais en acte et en vérité ! A cela, nous aurons que nous sommes de la vérité, et devant lui nous apaiserons notre cœur, si notre cœur venait à nous condamner, car Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît tout ! »   (1 Jn 2,10 et 3,14-16-20)

Ces paroles de Jean sont à graver au plus profond de nous… A travers l’humilité et l’espérance, elles expriment notre plus grand combat spirituel[1]. Mais cette lutte doit être devancée et fondée sur la plus grande découverte du mystère de la foi : l’indicible secret de la Miséricorde ! en effet, « elle est comme le deuxième nom de l’Amour, et elle est en même temps la manière propre dont il se révèle et se réalise pour s’opposer au mal qui est dans le monde, qui tente et assiège l’homme, s’insinue jusque dans son cœur et peut « le faire périr dans la géhenne ! » (Mt 10,28) … aucun péché de l’homme ne peut prévaloir sur cette force, ni la limiter[2]… »

En effet, le mystère fou de la Miséricorde divine étonne autant les Anges qu’il bouleverse le cœur des hommes ! La sainte Ecriture le proclame tant de fois : « Seigneur, ta miséricorde est sans mesure ! » (Ps 118,156). D’ailleurs, la signification du mot latin « misericordare » est déjà si éclairante : « Cœur qui se donne à la misère ! » (miseri-cor-dare).

La Sainte Bible renferme deux autres sources lumineuses : tout d’abord à travers le visage de David, figure du Christ, qui exerce vis-à-vis de Saül, son persécuteur, la « Hésed » qui est « une miséricorde d’Elohim » (2 Samuel 9,3). L’autre source est les « Rahamim » : les « entrailles » du Cœur de Dieu qui se révèlera transpercé sur la Croix… (Jn 19,33-34) et dont la blessure se révèle déjà dans son ministère quand il est bouleversé en voyant tant de « brebis sans berger ! » (Mt 9,36). L’Evangile de Luc en témoigne magnifiquement par le regard de Jésus sur la veuve de Naïm (Lc 7,13) ou le retour de l’enfant prodigue ! (Lc 15,20).

Cette folle et indicible miséricorde de Dieu est presque toujours incompréhensible aux yeux de l’homme pécheur, voire révoltante ! On aimerait que le Dieu du Ciel se bouge et exerce sur terre sa puissante justice face à la violence et l’horreur des hommes ! Mais lui, attaché à la Croix, s’offre pour tous les sauver… et il ose cette parole qui traverse l’histoire : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! » (Lc 23,34).

N’est-ce pas donc sur la Croix que tout est dit ? N’est-ce pas sur la Croix que Dieu révèle son Visage et son Cœur ? Tel est le mystère central de la foi à longuement contempler… et il faut bien saisir ici que « le don du Saint-Esprit, c’est de savoir regarder le Christ en Croix comme la la manifestation du secret le plus intime de Dieu, celui de son amour pour nous… Les impies « vident crucem, non vident unctionem », ils voient la Croix, ils ne voient pas l’onction, c’est-à-dire le Ciel. Si nous voyons la Croix sans voir le Ciel, nous sommes en danger de perdre la foi comme les Apôtres. Il faut demander la grâce de sentir le Ciel à travers le regard du Christ nous disant : « Aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le Paradis ! » (Lc 23,43). Jésus nous a ouvert les portes, et nous pouvons être possédés dès maintenant par sa gloire dans l’obscurité de la foi. Alors, nous commençons à entrevoir le mystère de la Miséricorde[3]… »

Comment ici ne pas laisser résonner les paroles de feu de Sainte Faustine qui nous ouvrent les portes de la Miséricorde :

« Oh, comme la bonté de Dieu est grande, plus grande que ce que nous pouvons en concevoir. Il y a des moments et des mystères de la miséricorde divine à la vue desquels les Cieux sont surpris ! »

La miséricorde de Dieu est plus forte que notre misère. Une seule chose est nécessaire : que le pécheur entrouvre, ne serait-ce qu’un peu, les portes de son cœur aux rayons de la miséricorde divine, et Dieu fera le reste…

La perdition est pour l’âme qui veut se perdre, mais celui qui désire le salut trouve la mer inépuisable de la miséricorde du Seigneur. Seule l’âme qui le voudra elle-même sera damnée, car Dieu ne condamne personne…

Même si j’avais eu sur la conscience les péchés de tous les damnés, je n’aurais pas douté de la miséricorde de Dieu, mais, le cœur contrit, je me serais jetée dans l’abîme de ta miséricorde ! Je crois, O Jésus, que tu ne m’aurais pas repoussée loin de Toi ! Car l’âme rend la plus grande gloire à son Créateur lorsqu’elle se tourne avec confiance vers la miséricorde divine[4]… »

Alors, pour répondre au cri bouleversant de Sainte Faustine, laissons-nous toucher par cette parole de Saint Augustin où résonne le cri de toute sa vie, et surement de la nôtre :

« Tard je t’ai aimée, Beauté si ancienne et si nouvelle, tard je t’ai aimée. C’est que tu étais au-dedans de moi, et, moi, j’étais en dehors de moi… Tu m’as touché, et je brûle du désir de ta paix !…  Quand je te serai attaché de tout mon être, il n’y aura désormais nulle part pour moi de douleur et de fatigues ; ma vie, toute pleine de toi, sera alors la véritable vie…

Toute mon espérance n’est que dans l’étendue de ta miséricorde[5] ! »

                                                                                                       +M-Michaël

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Notes

[1] Ce combat spirituel s’actualise dans la prière la plus puissante et la plus apaisante : le Rosaire quotidien de la Vierge, don de son Cœur Immaculé, qui est la porte ouverte sur la prière continuelle… Vient ensuite la vie sacramentelle à travers la Confession des péchés et le trésor de la Sainte Eucharistie ! Et plus l’amour de Dieu nous habitera, plus grande sera alors l’attention aux autres dans la charité fraternelle ! Saint Jean est formel : « Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne saurait aimer Dieu qu’il ne voit pas ! » (1 Jn 4,20).

[2] Saint Jean-Paul II, Encyclique Dives in Miséricordia, Dieu riche en miséricorde, 1980, n°7.

[3] Marie Dominique Molinié, Qui comprendra le Cœur de Dieu, Saint Paul 1994, p.152-153.

[4] Le Rosaire, textes de Sainte Faustine, Petit Journal, Monastère de Chambarand, 1997, p.36-37.

[5] Saint Augustin, Les Confessions, Chapitre 27-28-29.




Le temps de l’extrême Miséricorde…

« O malheureux, qui ne profitez pas maintenant

de ce miracle de la miséricorde divine ;

en vain vous appellerez, il sera déjà trop tard ! »

Jésus à Sainte Faustine, Petit Journal, 1448

      Cette parole peut nous sembler dure et menaçante, d’autant plus qu’elle vient du Christ miséricordieux. N’a-t-il pas affirmé à Sainte Faustine : « Ma miséricorde est plus grande que ta misère et celle du monde entier. Qui a pris la mesure de ma bonté[1] ? » Mais ne lui a-t-il pas dit aussi : « Tu prépareras le monde à mon ultime venue ! » Cela signifie que ce monde actuel aura une fin et qu’un dévoilement terrible s’opérera par la lumière du Seigneur : le temps de la miséricorde si peu accueillie et si souvent piétinée… laissera place au temps de la justice qui sera une stupéfiante mise en lumière ! Jésus ne l’a-t-il pas laissé entendre à Faustine : « Avant de venir comme Juge équitable, j’ouvre d’abord toutes les portes de ma miséricorde. Qui ne veut pas passer par la porte de ma miséricorde, doit passer par la porte de ma justice…[2] »

Or, force est de constater que cette civilisation du bruit, de la jouissance et des loisirs n’écoute plus : elle est dominée par la « dictature du relativisme » selon la si juste expression de Benoît XVI. Elle est « ailleurs », enfermée dans les délires jouissifs du progrès sans fin dont le « transhumanisme » est l’étape ultime et sans retour !… Certes, l’infinie miséricorde du Cœur de Dieu est éternelle et offerte à chaque instant ; mais si l’Enfer existe, c’est parce qu’il est aussi possible à notre liberté responsable de la refuser jusqu’au bout. Les paroles du Père des Cieux à Sainte Catherine de Sienne sur « le désespoir de Judas » nous éclairent sur ce terrible mystère où l’homme joue son éternité :

« Le péché impardonnable, dans ce monde et dans l’autre, c’est celui de l’homme qui, en méprisant ma miséricorde, n’a pas voulu être pardonné. C’est pourquoi je le tiens pour le plus grave, et c’est pourquoi le désespoir de Judas m’a attristé plus moi-même et a été plus pénible à mon Fils que sa trahison. Les hommes seront donc condamnés pour ce faux jugement qui leur fait croire que leur péché est plus grand que ma miséricorde[3] ! »

Telle est la leçon ultime de l’Evangile : aucun péché, si horrible soit-il, n’est plus fort que l’infinie miséricorde de Dieu ! N’oublions donc jamais qu’au moment où le Cœur de Jésus s’est ouvert sur la Croix :  le flot d’amour sans fond de l’Esprit a jailli (Jn 19,34) pour s’offrir à tout homme à travers l’histoire ! Il faut croire et tenir à cette vérité plus que tout car on est ici au cœur du mystère du salut : là se joue notre rédemption et notre vie éternelle !

Le mystère de la miséricorde est donc au cœur de notre foi et nous n’avons que cette vie pour découvrir la bouleversante vérité annoncée par Jean, l’Apôtre bien-aimé : « Nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru : Dieu est Amour ! » (1 Jn 4,16). Ainsi, nos choix et notre persévérance préparent en cette vie notre éternité. Alors, blottissons-nous dans les bras de Marie car « l’Immaculée nous couvrira de son manteau devant la justice de Dieu… la victoire est sûre dans la douceur de ses mains immaculées[4]… »

                                                                                                  +M-Mickaël

[1] Petit Journal, 1485 : Parole et Dialogue, 2004. Préface du Cardinal Paul Poupard.

[2] Petit Journal, 1146.

[3] Saint Catherine de Sienne (1347-1380), Docteur de l’Eglise, Livre des dialogues, 37.

[4] Saint Maximilien-Marie Kolbe, Conférences, 30 mai 1935 et Notes personnelles, août 1918.