De Sion, Dieu resplendit…

« De Sion, Beauté parfaite, Dieu resplendit ! » (Ps 49,2)

De Marie, toute belle, le Messie sortira…

 

Le temps de l’Avent est l’espace béni où va murir notre attente… une attente traversée par la plus belle espérance : Dieu va venir au cœur de notre humanité ! Dieu va me regarder et me parler à travers un visage humain. Je ne serai jamais plus seul ! Et face à cet insondable mystère, la contemplation de l’Apôtre Jean vient illuminer notre regard d’Avent :

« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu,

et le Verbe était Dieu, il était au commencement tourné vers Dieu…

Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous,

et nous avons contemplé sa gloire,

gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique,

plein de grâce et de vérité ! »   (Jn 1,1 et 14)

Désormais, le salut est à portée de regard et de geste : mon Sauveur va prendre mon visage… Et Jean Baptiste, le plus grand des prophètes, aura ce regard ultime : « Celui qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi, il était… » (Jn 1,15)

Ce « avant moi, il était » nous ouvre la porte du mystère de Dieu dont le Christ est l’Unique Révélation : « Je suis la voie, la vérité et la vie ! » (Jn 14,6). En son humanité, je touche Dieu ! en son regard, je vois Dieu ! Et c’est ici qu’un Père de l’Eglise nous ouvre, à son tour, une porte :

« Je pense que les quatre Evangiles sont les éléments essentiels de la foi de l’Eglise… et que, parmi les Evangiles, les prémices sont dans celui de Jean, dont nul ne peut saisir le sens s’il ne s’est penché sur la poitrine de Jésus (Jn 21,20) et n’a reçu de Jésus, Marie pour Mère (Jn 19,27) … et quand Jésus dit à sa Mère : « Voici ton fils ! » (Jn 19,26) … C’est comme s’il lui disait : « Voici ton fils que tu as enfanté[1] ! » Et pour approcher ce mystère, le regard unique de Saint Jean-Paul II nous est si précieux :

« La maternité de Marie commence par sa sollicitude maternelle pour le Christ. Dans le Christ, au pied de la Croix, elle a accepté Jean, et elle a accepté tout homme et tout l’homme. Marie les embrasse avec une sollicitude particulière dans l’Esprit-Saint… car la maternité de Marie est une participation à la puissance de l’Esprit… et quand Jésus dit sur la Croix : « Femme, voici ton fils ! » (Jn 19,26), il ouvrit d’une manière toute nouvelle le Cœur de sa Mère… Marie est ainsi Mère de tous les hommes et son empressement pour la vie de l’homme est de portée universelle[2] ! »

Alors, en cet Avent 2023, ouvrons les yeux sur « Sion, beauté parfaite, où Dieu resplendit ! » (Ps 49,2). Car de Marie, toute belle, le Messie sortira… Et comme il faut « s’éveiller » et ne pas s’habituer à ce temps unique : « Je veille donc sans cesse et je tends l’oreille, O Seigneur, comme Ta bien-aimée que Tu as élue. Car je sais que Tu aimes venir inaperçu. Mais je T’attends, Seigneur, dans le calme et le silence… Viens donc enfin, mon très doux Seigneur[3] ! »

                                                                                               +M-Mickaël

[1] Origène, Commentaire sur l’Evangile de Jean, I, 21-25 ; SC 120.

[2] Saint Jean-Paul II, Homélie à Fatima, 13 mai 1982.

[3] Sainte Faustine, Petit Journal 




L’Immaculée est une mer de cristal !…

« Marie est mer que nul n’épuise,

Plus y trouve qui plus y puise… »

Gauthier de Coincy (12ème siècle)

 

Au début de l’Avent, le 8 décembre, la liturgie de l’Eglise nous invite à contempler le mystère de l’Immaculée Conception de Marie, « pleine de grâce » (Lc 1,28) … C’est en effet le 8 décembre 1854 que le Pape Pie IX, après avoir consulté les Evêques du monde entier, promulgue le dogme dans la bulle « Ineffabilis Deus ». Et une fois dans sa vie, il faut avoir lu et médité cette splendide vérité qui fait partie de notre foi catholique :

« Par l’autorité de Notre Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux Apôtres Pierre et Paul, et par la Nôtre, Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine qui affirme que la bienheureuse Vierge Marie fut dès le premier instant de sa Conception, par une grâce et un privilège spécial de Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée et exempte de toute tâche du péché originel, est révélée de Dieu, et que par conséquent, elle doit être crue fermement et constamment par tous les fidèles. »

Quatre ans après, en 1858, la Vierge apparaît 18 fois à Bernadette de Lourdes. Mais c’est à la seizième Apparition que la Dame révélera son nom, confirmant l’Eglise : « Elle leva les yeux au ciel, joignant en signe de prière ses mains qui étaient tendues et ouvertes vers la terre, et me dit : « Que soy era l’Immaculada Councepciou… Je suis l’Immaculée Conception ! » On comprend l’éblouissement de Bernadette : « La Dame était jeune et belle, belle surtout, comme je n’en avais jamais vu !… Que j’aime à me rappeler ces doux moments passés sous vos yeux pleins de bonté et de miséricorde pour nous… » Et Bernadette nous l’assure : « L’âme qui implore Marie ne peut périr, elle garde la paix au milieu de la tempête[1] ! »

Pour approcher ce mystère de la foi, il faut se souvenir ici d’un passage de l’Annonciation dans l’Evangile selon Saint Luc : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre… » (Lc 1,35). Cet Esprit qui vient sur Marie opérer en son sein le prodige de l’Incarnation du Verbe est aussi Celui qui l’a créée « toute belle » au premier instant de sa vie. En « la » regardant, on le devine… Saint Maximilien-Marie Kolbe a d’ailleurs des paroles saisissantes dans l’approche de ce mystère : « On peut affirmer que l’Immaculée est, en un certain sens, « l’incarnation de l’Esprit-Saint ». En Elle, c’est l’Esprit que nous aimons, et par elle, le Fils… La Vierge Marie existe pour que soit mieux connu l’Esprit-Saint[2] ! »

Une autre résonance biblique de cette « Femme », traversée par la splendeur du Très-Haut, nous a été donnée à deux reprises dans l’Apocalypse de Saint Jean :

D’abord au chapitre 12 où apparait « un signe grandiose dans le ciel : une Femme ! Le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ! » (Ap 12,1). Les Pères de l’Eglise et les saints y ont toujours vu le mystère de l’Eglise, mais aussi de Marie, Mère de l’Eglise ! Et la première originalité de cette « Femme » est d’être enveloppée par le soleil, traversée par sa lumière : elle « resplendit » ce soleil comme personne !… Car Marie est rendue belle dès sa naissance par l’Esprit de Celui qui va devenir son Enfant et son Sauveur. Au-delà des saints et bien avant eux, la robe de l’Immaculée a été plongée dans le Sang de l’Agneau ! (Ap 7,14). Transparence indicible de la beauté de Dieu, elle devient la plus belle louange du salut : « Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur, parce qu’il a abaissé son regard sur son humble servante… Désormais, toutes les générations me diront bienheureuse ! » (Lc 1,46-48).

L’autre passage symbolique se situe au chapitre 15 où Jean voit « une mer de cristal, mêlée de feu, et ceux qui ont triomphé de la Bête, de son image et du chiffre de son nom, debout prés de cette mer de cristal ! » (Ap 15,2). Ici, « la mer de cristal » semble dévoiler l’aboutissement ecclésial céleste du mystère unique de la Rédemption en Jésus-Christ dont la « pleine de grâce » (Lc 1,28) est la plénitude : Elle est Mère de Dieu, de l’Eglise et de toute l’humanité ! Elle est « Celle qui porte Celui qui porte tout », comme le chante la liturgie orientale…

Cependant, la vie de Marie a été sur terre ce printemps de Dieu où le sublime le plus spirituel se cache et se déploie dans « l’ordinaire » le plus modeste… Le Cœur Immaculé de Marie est déjà cette « Mer ce cristal », mais cette beauté reste cachée dans l’humilité. L’humble quotidien de sa foi persévérante a été la mesure de sa beauté intérieure toujours plus fulgurante !

 

En clôturant l’Année mariale, en 1988, Saint Jean-Paul II faisait cette prière prophétique pour notre temps où il attendait tout de cette « Beauté » victorieuse de l’Immaculée :

 

« O Marie, accompagne nos pas vers les frontières de l’humanité sauvée et pacifiée !

Réjouis notre cœur, affermis-le dans la certitude

que le Dragon n’est pas plus fort que ta Beauté !

L’Année mariale se termine, mais le temps des yeux levés vers Marie commence… »

 

+ M-Mickaël

 

[1] Carnet Reine du Ciel, 12 mai 1866 et Notes de retraite 1876-1877.

[2] Conférences, 5 février 1941 et 25 septembre 1937.




L’humble beauté de Marie face à la séduction du Diable…

Notre civilisation post moderne sombre en masse aujourd’hui dans une sous culture qui flirte sans cesse avec la « beauté du Diable » : beauté dangereuse et trompeuse où le pouvoir du Mal se revêt d’une séduction autant attractive que dominatrice ! Depuis le livre de la Genèse, c’est toujours la même dynamique : la fausse liberté proposée par le Mal par la tentation du « sans limite » … vertige du pire où « la mort de Dieu » dans l’âme est célébrée comme une libération : « Vous serez comme des dieux ! » (Gn 3,5). Tel est le poison qui va se répandre dans le cœur de l’homme…

Depuis cette terrible « brisure » du péché originel, il va s’ensuivre dans la vie de l’homme deux conséquences majeures : la peur de Dieu (Gn 3,10) et ce besoin impérieux de « se revêtir » (Gn 3,7-8). Une tentative désespérée de « sauver la face » où Adam et Eve se réfugient dans l’illusion du paraître : car l’homme cherche d’abord à se parer… mais face au regard de Dieu, cette apparence s’écroule : « C’est voir s’étaler aux yeux de tous cette humiliation du péché que l’on porte au fond de soi-même : la nudité exprime d’abord cet effondrement du personnage que la parure s’évertuait à créer[1] ! »

Or, quand tout s’écroule, l’homme pécheur est dévoilé : c’est l’épreuve douloureuse de la vérité, mais tout peut alors se reconstruire dans cette lumière qui ouvre à l’infinie miséricorde de Dieu… et « le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché ! » (1 Jn 1,7). Dans le retour vers son père, l’enfant-prodigue de l’Evangile (Lc 15,18-19) est fermé à cette miséricorde du Père : il garde en lui la fausse image d’un Père irrité et impitoyable… son égarement a effacé en lui le vrai Visage de Dieu qui est la conséquence profonde du péché. Et c’est ici que le Christ veut nous délivrer en nous révélant qui est Dieu pour le fils perdu : en effet, avec des motivations très primaires, ce dernier commence à prendre le chemin du retour quand le Père l’aperçoit dans un regard d’une infinie tendresse : « Tandis qu’il était encore loin, son père le vit et en fut ému jusqu’aux entrailles… Il courut vers lui, le serra contre lui et le couvrit de baisers ! » (Lc 15,20). Tel est le sommet de l’Evangile : quelques pas vers Dieu du fils égaré et Dieu court vers lui à la vitesse lumière ! Qui comprendra le Cœur de Dieu ? Et c’est pourquoi, jour après jour, il nous faut « revenir » au cœur de la Révélation chrétienne pour être délivré peu à peu de cette fausse image de Dieu qui nous emprisonne.

          D’ailleurs, dès que Marie fait une Apparition sur terre, les voyants n’ont pas peur mais sont fascinés autant par sa bonté que par sa beauté ! Elle met de suite en confiance par son regard de maternelle tendresse… A Lourdes, la petite Bernadette en témoigne merveilleusement :

          « Je l’ai vue ! Oh ! qu’elle est belle et que j’ai hâte d’aller la voir [2] ! Que mon âme était heureuse, bonne Mère, quand j’avais le bonheur de vous contempler ! Que j’aime à me rappeler ces doux moments passés sous vos yeux pleins de bonté et de miséricorde pour nous[3]… »   

              A Fatima, juste après la première Apparition de la Vierge, Lucie sera très éprouvée dans sa famille et face au curé. Décidée de ne plus revenir, elle pense que c’est une tentation du Démon. Elle le voit d’ailleurs une nuit déployer ses griffes pour l’emporter en enfer ! Pour reprendre confiance, il faudra qu’elle soit confrontée à la détermination de la petite Jacinta qui restera très ferme sur la vérité de l’Apparition. Quand Lucie exprime ses doutes, elle lui répond avec cette « évidence » des vérités de la foi :

« Non, ce n’est pas le Démon ! On dit que le Démon est très laid et qu’il est en dessous de la terre, en enfer. Cette Dame est si belle ! Et nous l’avons vue monter au Ciel [4]! »

Cette beauté de Marie traversera la culture chrétienne et sera si présente dans les œuvres artistiques, de la peinture à la musique en passant par la sculpture !… Malgré la terrible déchristianisation actuelle, on la retrouve étonnamment parfois dans la culture moderne : « Sergio Ramos, le footballeur emblématique du Réal de Madrid et la Roya, exprime sa foi par un splendide tatouage de la Vierge Marie sur son bras ! »

              Toujours et encore le signe décisif de la beauté !… Une splendeur maternelle qui ravit, en faisant participer à sa plénitude de grâce ! Vers la fin de sa vie, la petite Thérèse fera sur la « prédication mariale » une remarquable mise au point avec une étonnante justesse théologique.  Et notons, au passage, sa liberté d’expression évangélique pour l’époque ! Ecoutons-là attentivement :

« Pour qu’un sermon sur la Sainte Vierge me plaise et me fasse du bien, il faut que je voie sa vie réelle, pas sa vie supposée ; et je suis sûre que sa vie réelle devait être toute simple. On la montre inabordable, il faudrait la montrer imitable, faire ressortir ses vertus, dire qu’elle vivait de foi comme nous, en donner des preuves par l’Evangile…

On sait bien que la Sainte Vierge est la Reine du Ciel et de la terre, mais elle est plus Mère que reine, et il ne faut pas dire à cause de ses prérogatives qu’elle éclipse la gloire de tous les saints, comme le soleil à son lever fait disparaître les étoiles. Mon Dieu ! que cela est étrange ! Une Mère qui fait disparaître la gloire de ses enfants ! Moi, je pense tout le contraire, je pense qu’elle augmentera de beaucoup la splendeur des élus[5] ! »

En ce sens, Marie est si bien décrite à travers cette « Mer de cristal » de l’Apocalypse[6] : son « Fiat » perpétuel laisse la Lumière la traverser pour tous les enfants de Dieu ! C’est tout le contraire de la Bête qui « par ses prodiges égare les habitants de la terre ! » (Ap 13,14). L’orgueil enferme dans la violence et le désespoir… l’humilité laisse passer la Lumière du Christ, « doux et humble de Cœur » (Mt 11,29). Ainsi, « Dieu donne aux humbles l’éclat du salut ! » (Ps 149,4). Tel est le centre caché de toute la Bible…

 

                                                                                                             + Marie-Mickaël

 

 

[1] P. Dominique Barthélemy, Dieu et son image, ébauche d’une théologie biblique, Cerf 1973, p.47.

[2] André Ravier, Bernadette et son chapelet, Ed. Couvent Saint Gildard, 1958, p.73.

[3] Carnet Reine du Ciel, 12 mai 1866.

[4] Mémoires de Sœur Lucie, Carmel de Coïmbra, Compilation P. Luis Kondor, août 1997, p.72.

[5] Thérèse de Lisieux, Œuvres complètes : derniers entretiens – Carnet jaunes, Cerf – DDB 1992, p.1103.

[6] « Et je vis comme une mer de cristal mêlée de feu, et ceux qui ont triomphé de la Bête, de son image et du chiffre de son nom (666), debout près de cette mer de cristal ! » (Ap 15,2).




Lettre pastorale de Mgr Strickland : Erreur des évêques allemands et véritable développement de la doctrine

Lettre pastorale du 29 mars 2023.

« Le temps viendra certainement où les gens n’accepteront pas un enseignement solide, mais leurs oreilles seront avides de nouveauté et ils rassembleront toute une série d’enseignants selon leurs propres goûts ; et alors ils fermeront leurs oreilles à la vérité… » 2 Tim. 3, 4,5

L’apôtre Paul a adressé cet avertissement à son disciple Timothée dans la deuxième lettre qu’il lui a écrite. Certes, ce « temps » est venu à d’autres occasions tout au long de l’histoire de l’Église. Mais il ne fait aucun doute que cet avertissement est très révélateur de l’époque dans laquelle nous vivons aujourd’hui.

Au début de la Lettre de Jude, l’Apôtre utilise une phrase d’une grande importance. La lettre a été écrite pour faire face à une fumée de confusion similaire à celle que nous observons dans l’Église primitive dans l’Église allemande et que nous vivons de plus en plus dans l’Église entière aujourd’hui. Les doctrines fondamentales de la foi chrétienne étaient contestées et, dans certains cas, rejetées et remplacées par l’erreur. Jude écrit : « Bien-aimé, étant très désireux de vous écrire au sujet de notre salut commun, j’ai jugé nécessaire de vous écrire pour vous appeler à lutter pour la foi qui a été transmise une fois pour toutes aux saints. »

Ce « une fois pour toutes » est toujours d’actualité – et il doit être défendu contre ceux qui cherchent à changer l’immuable. Nous devons « lutter pour cette foi ». Même certains dirigeants ordonnés disent aux fidèles, au milieu de toute la fumée de notre confusion théologique actuelle, que certains enseignements et pratiques errants sont un « développement de la doctrine ». Mais ce concept de développement est utilisé à tort comme couverture pour tenter de changer ce qui est immuable.

Le 28 novembre 2012, Son Éminence le cardinal Daniel Dinardo m’a ordonné quatrième évêque catholique de Tyler, Texas, dans un petit auditorium juste en bas de la rue de la cathédrale de l’Immaculée Conception et de son école primaire paroissiale, St. Gregory.

L’auditorium m’était très familier car à plusieurs reprises j’avais rejoint les étudiants dans leurs comédies musicales annuelles dans le même auditorium. Mais ce jour-là, les enfants m’ont rejoint pour ce qui est probablement le jour le plus important de ma vie.

C’est sur cette scène, devant 1 800 personnes, que Son Éminence, lors du rite d’ordination, m’a posé plusieurs questions, dont deux sont essentielles à ma mission d’évêque. Premièrement : « Êtes-vous résolu à être fidèle et constant dans la proclamation de l’Évangile du Christ ? et deuxièmement : « Êtes-vous résolus à maintenir le dépôt de la foi, entier et incorruptible, tel que transmis par les apôtres et professé par l’Église partout et à tout moment ? Ma réponse aux deux questions a été un  « Je le suis ! »

C’est à ce moment-là que le sens le plus profond de l’expression « dépôt de foi » a pris vie pour moi. J’ai également commencé à comprendre mon rôle dans l’enseignement magistral et mon appel sérieux, en tant que successeur des Apôtres, à la tâche permanente de « garder le dépôt de la foi » confiée par le Seigneur Jésus-Christ lui-même aux Apôtres et transmise depuis lors. Ces deux questions puissantes, et ma réponse à celles-ci, continuent de me guider dans mon rôle dans le magistère de l’enseignant et mon rôle de berger du troupeau de Jésus-Christ dans le diocèse catholique de Tyler, au Texas.

En tant que chrétiens baptisés, nous avons tous reçu, d’une manière ou d’une autre, ce dépôt de foi du Seigneur lui-même, transmis aux apôtres, ainsi que la charge d’en assurer la garde. Il s’agit d’un dépôt que nous ne pouvons et ne devons pas chercher à modifier. Le dépôt de la foi est la vérité, qui nous est donnée par Celui qui est le chemin, la vérité et la vie (Jean 14, 6). Il doit être transmis sans altération.

Jésus a clairement indiqué dans sa charge aux premiers apôtres d’enseigner aux nations « tout ce que je vous ai commandé ». Il a promis « sachez que je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 18-20). Et il est toujours avec nous, par la puissance du Saint-Esprit, dans son Église. Il est le chef de son Église. Nous sommes membres de son corps mystique. Nous devons enseigner ce que la tête nous a donné à enseigner.

Malheureusement, certains s’efforcent de plus en plus de nier l’existence même d’un tel dépôt de foi. Et même par certains exerçant un ministère ordonné, pour changer l’immuable. L’exemple le plus flagrant et le plus évident de cette erreur s’est peut-être récemment produit en Allemagne. J’affirme et soutiens une déclaration publiée par mon frère évêque, Son Excellence Donald J. Hying, le 21 mars 2023. L’intégralité de la déclaration peut être lue ici, dans le Catholic Herald du diocèse de Madison.

L’évêque a écrit :  » Depuis trois ans, les dirigeants de l’Église catholique d’Allemagne sont impliqués dans leur « Voie synodale », un processus de conversation et de décisions entre les évêques et les laïcs, concernant la doctrine et la pratique de l’Église, qui a récemment abouti à trois jours de vote sur des questions particulières. La majorité a approuvé la bénédiction des unions homosexuelles, l’ordination des femmes et des personnes transgenres, un changement fondamental dans l’autorité gouvernementale des évêques et une réécriture radicale de la moralité sexuelle catholique. »

Il ajoute, vers la fin de sa déclaration : « …Personne n’a le pouvoir de changer l’enseignement de l’Église, comme si la vérité donnée était malléable et s’adaptait à l’évolution des normes culturelles. Une telle voie conduirait à la fois à l’erreur et à la non-pertinence. Quand les gens m’expriment leur consternation face aux turbulences dans l’Église et aux nombreuses opinions contradictoires sur la doctrine et la morale, je réaffirme simplement que la Foi ne change pas. Nous avons les Écritures, la Tradition et le Catéchisme. »

Je me joins à mon frère évêque dans cette réaffirmation que la foi ne change pas. Je le remercie également pour la clarté et la charité qui se reflètent dans sa déclaration du 21 mars. Dans cette lettre, je souhaite aborder la tentative d’utiliser une fausse notion du concept de « développement de la doctrine » pour changer une doctrine immuable.

Le concept de « développement de la doctrine » n’est pas en soi une doctrine. C’est une théorie par laquelle nous expliquons comment notre compréhension de la doctrine s’approfondit et se développe, et comment notre expression de la doctrine immuable peut également se développer. À la suite de la canonisation bien accueillie du cardinal saint John Henry Newman, il semble y avoir un effort concerté de la part de certains pour utiliser à mauvais escient son enseignement sur le développement de la doctrine comme moyen de promouvoir de faux enseignements. C’est une trahison de l’enseignement de ce Saint.

Pour son Essai sur le développement de la doctrine chrétienne de 1845, le cardinal Saint John Henry Newman s’est inspiré du moine et théologien du Ve siècle, Saint Vincent de Lérins. Les écrits de ce saint sur la bonne compréhension du développement de la doctrine se trouvent dans ce qu’on appelle le Commonitorium. Dans un article paru dans First Things intitulé « Quatre idées sur le développement », Michael Pakaluk, professeur d’éthique à l’Université catholique d’Amérique, a expliqué :

« Si vous lisez effectivement le traité Commonitorium de saint Vincent de Lérins – souvent cité comme l’origine de la théorie du développement – ​​vous verrez que sa principale préoccupation est de montrer que la foi ne change jamais. La devise du pape Jean-Paul II pour le tournant du millénaire était « Jésus-Christ est le même, hier, aujourd’hui et demain ».

Le pape Saint Jean-Paul II citait la Lettre aux Hébreux (Hébreux 13, 8). L’utilisation abusive de la théorie du développement de la doctrine pour tenter de changer ce qui est immuable est davantage un mauvais fruit découlant d’un développement doctrinal dangereux et croissant. Relativisme au sein de l’Église catholique qui, parfois, semble même nier l’existence même de la vérité objective.

Le 18 avril 2005, à la veille de la convocation au cours de laquelle il serait choisi pour succéder à Pierre et prendre le nom de Benoît XVI, le cardinal Joseph Ratzinger a prononcé une homélie dans laquelle il a mis en garde contre les dangers de propagation de ce type de relativisme dans le pays. l’enseignement de l’Église qu’il a aimé et servi avec tant de fidélité. Voici ses paroles, qui semblent étrangement encore plus importantes à l’heure actuelle :

« …Combien de vents doctrinaires avons-nous connus au cours des dernières décennies, combien de courants idéologiques, combien de façons de penser… Le petit bateau de la pensée de nombreux chrétiens a souvent été ballotté par ces vagues – projeté d’un extrême à l’autre. : du marxisme au libéralisme, voire au libertinage ; du collectivisme à l’individualisme radical ; de l’athéisme à un vague mysticisme religieux ; de l’agnosticisme au syncrétisme, etc.

« Chaque jour de nouvelles sectes se créent et se réalise ce que dit saint Paul de la supercherie humaine, avec une ruse qui cherche à les entraîner à l’erreur (cf. Ep. 4, 14). Avoir une foi claire, basée sur le Credo de l’Église, est souvent qualifié aujourd’hui de fondamentalisme. Alors que le relativisme – qui consiste à se laisser ballotter et « emporter à tous les vents de l’enseignement » – apparaît comme la seule attitude acceptable dans les standards d’aujourd’hui. Nous nous dirigeons vers une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme certain et qui a pour objectif le plus élevé son propre ego et ses propres désirs.»

Le cardinal Joseph Ratzinger, futur pape Benoît XVI, poursuit dans cette homélie, en appelant l’Église à une « foi adulte » :

« Cependant, nous avons un objectif différent : le Fils de Dieu, véritable homme. Il est la mesure du véritable humanisme. Être « adulte » signifie avoir une foi qui ne suit pas les vagues des modes d’aujourd’hui ni les dernières nouveautés. Une foi profondément enracinée dans l’amitié avec le Christ est adulte et mûre. C’est cette amitié qui nous ouvre à tout ce qui est bon et nous donne la connaissance de juger le vrai du faux et la tromperie du vrai.

« Nous devons devenir mûrs dans cette foi adulte ; nous devons guider le troupeau du Christ vers cette foi. Et c’est cette foi – la foi seule – qui crée l’unité et prend forme dans l’amour. Sur ce thème, saint Paul nous offre de belles paroles — en contraste avec les hauts et les bas continus de ceux qui étaient comme des enfants ballottés par les vagues : (dit-il) faire la vérité dans l’amour, comme formule de base de l’existence chrétienne. En Christ, la vérité et l’amour coïncident. Dans la mesure où nous nous rapprochons du Christ, dans notre propre vie, la vérité et l’amour se confondent. L’amour sans vérité serait aveugle ; la vérité sans amour serait comme ‘un gong qui retentit ou une cymbale qui retentit’ (1 Cor. 13,1).»

En effet, les évêques, tout le clergé, les religieux, les consacrés et les laïcs de l’Église, devraient continuellement réfléchir dans la prière sur ce beau dépôt de foi. Nous devons nous efforcer de le connaître, de le comprendre, de l’aimer, de l’enseigner fidèlement et de le vivre. C’est le véritable critère de mesure de cette foi mûre à laquelle le regretté pape Benoît XVI nous a tous appelés dans l’homélie citée ci-dessus.

Sous l’inspiration du Saint-Esprit, nous pouvons et devons rechercher des manières toujours nouvelles de présenter et d’appliquer le dépôt de la foi. C’est la bonne compréhension du développement de la doctrine. Mais nous n’avons ni le droit de changer la doctrine ni l’autorité de la modifier.

Tous les évêques doivent suivre la promesse solennelle, celle que nous avons faite lors de notre ordination épiscopale, de « conserver le dépôt de la foi, entier et incorruptible, tel que transmis par les apôtres et professé par l’Église partout et à tout moment ». C’est un devoir sacré.

Elle s’impose également à tout le clergé, voire à tous les membres de l’Église. Pour les évêques, si nous manquons à notre devoir, non seulement nous ferons souffrir les fidèles, mais nous offenserons Dieu – et nous ferons face à de graves conséquences pour ne pas avoir respecté la mission qui nous a été confiée lors de notre ordination épiscopale.

En conclusion : même si la compréhension de l’Église de ce corps d’enseignement, de ce dépôt sacré, peut se développer et se développe correctement dans la manière dont il s’exprime, et s’approfondit dans la manière dont il est compris, elle ne peut jamais être modifiée dans sa substance.

Le Catéchisme de l’Église catholique note : « Les apôtres ont confié le dépôt sacré de la foi [le depositum fidei ; voir 1 Tim. 6, 20 ; 2 Tim. 1, 12-14] contenus dans la Sainte Écriture et la Tradition, à toute l’Église. En adhérant à (cet héritage) le peuple saint tout entier, uni à ses pasteurs, reste toujours fidèle à l’enseignement des apôtres, à la fraternité, à la fraction du pain [l’Eucharistie] et aux prières. Ainsi, dans le maintien, la pratique et la profession de la foi transmise, il doit y avoir une remarquable harmonie entre les évêques et les fidèles » (CEC, n. 84).

Mgr Joseph Strickland, 29 mars 2023




Lettre pastorale de Mgr Strickland aux fidèles avant le Synode sur la synodalité

22 août 2023

Mes chers fils et filles dans le Christ :

Que l’amour et la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soient toujours sur vous !

En ces temps de grande agitation dans l’Église et dans le monde, je me dois de vous parler d’un cœur de père pour vous avertir des maux qui nous menacent et pour vous assurer de la joie et de l’espérance que nous avons toujours en notre Seigneur Jésus-Christ. Le message mauvais et faux qui a envahi l’Église, l’Épouse du Christ, est que Jésus n’est qu’un parmi d’autres, et qu’il n’est pas nécessaire que son message soit partagé avec toute l’humanité. Cette idée doit être rejetée et réfutée à chaque fois. Nous devons partager la joyeuse bonne nouvelle que Jésus est notre seul Seigneur, et qu’Il désire que toute l’humanité, pour tous les temps, puisse embrasser la vie éternelle en Lui.

Une fois que nous avons compris que Jésus-Christ, le Fils divin de Dieu, est la plénitude de la révélation et l’accomplissement du plan de salut du Père pour toute l’humanité et pour tous les temps, et que nous l’embrassons de tout notre cœur, nous pouvons alors aborder les autres erreurs qui affligent notre Église et notre monde et qui ont été provoquées par un éloignement de la Vérité.

Dans sa lettre aux Galates, saint Paul écrit : « Je m’étonne que vous abandonniez si vite celui qui vous a appelés par {la} grâce {du Christ} pour un autre Évangile {non pas qu’il y en ait un autre}. Mais il y a des gens qui vous troublent et qui veulent pervertir l’Évangile du Christ. Si nous-mêmes ou un ange du ciel vous annonçait un autre Évangile que celui que nous vous avons prêché, que celui-là soit anathème ! Nous l’avons dit et je le répète, si quelqu’un vous annonce un autre Évangile que celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème ! (Gal 1:6-9)

En tant que père spirituel, je pense qu’il est important de réitérer les vérités fondamentales suivantes qui ont toujours été comprises par l’Église depuis des temps immémoriaux, et de souligner que l’Église existe non pas pour redéfinir les questions de foi, mais pour sauvegarder le dépôt de la foi tel qu’il nous a été transmis par Notre Seigneur lui-même par l’intermédiaire des apôtres, des saints et des martyrs. Encore une fois, en s’inspirant de l’avertissement de saint Paul aux Galates, toute tentative de pervertir le véritable message de l’Évangile doit être catégoriquement rejetée comme préjudiciable à l’Épouse du Christ et à chacun de ses membres.

  1. Le Christ a établi une seule Église – l’Église catholique – et, par conséquent, seule l’Église catholique fournit la plénitude de la vérité du Christ et le chemin authentique vers son salut pour chacun d’entre nous.
  1. L’Eucharistie et tous les sacrements sont divinement institués, et non développés par l’homme. L’Eucharistie est vraiment le Corps et le Sang, l’Âme et la Divinité du Christ, et le recevoir dans la Communion de manière indigne (c’est-à-dire dans un état de péché grave et impénitent) est un sacrilège dévastateur pour l’individu et pour l’Église. (1 Cor 11:27-29)
  1. Le sacrement du mariage est institué par Dieu. Par la loi naturelle, Dieu a établi le mariage entre un homme et une femme, fidèles l’un à l’autre pour la vie et ouverts à la procréation. L’humanité n’a ni le droit ni la capacité réelle de redéfinir le mariage.
  1. Chaque personne humaine est créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, homme ou femme, et tous les individus devraient être aidés à découvrir leur véritable identité en tant qu’enfants de Dieu, et non soutenus dans une tentative désordonnée de rejeter leur indéniable identité biologique et donnée par Dieu.
  1. L’activité sexuelle en dehors du mariage est toujours un péché grave et ne peut être tolérée, bénie ou jugée admissible par quelque autorité que ce soit au sein de l’Église.
  1. La croyance selon laquelle tous les hommes et toutes les femmes seront sauvés, quelle que soit leur manière de vivre (concept communément appelé universalisme) est fausse et dangereuse, car elle contredit ce que Jésus nous dit à plusieurs reprises dans l’Évangile. Jésus dit que nous devons « renoncer à nous-mêmes, nous charger de notre croix et le suivre ». (Il nous a donné le chemin, par sa grâce, de la victoire sur le péché et la mort par le repentir et la confession sacramentelle. Il est essentiel que nous accueillions la joie et l’espoir, ainsi que la liberté, qui découlent du repentir et de la confession humble de nos péchés. Grâce au repentir et à la confession sacramentelle, chaque bataille contre la tentation et le péché peut être une petite victoire qui nous conduit à embrasser la grande victoire que le Christ a remportée pour nous.
  1. Pour suivre Jésus-Christ, nous devons volontairement choisir de prendre notre croix au lieu d’essayer d’éviter la croix et la souffrance que Notre Seigneur offre à chacun d’entre nous individuellement dans notre vie quotidienne. Le mystère de la souffrance rédemptrice – c’est-à-dire la souffrance que Notre Seigneur nous permet d’expérimenter et d’accepter dans ce monde, puis de lui offrir en retour en union avec sa souffrance – nous ébranle, nous purifie et nous entraîne plus profondément dans la joie d’une vie vécue en Christ. Cela ne veut pas dire que nous devons apprécier ou rechercher la souffrance, mais si nous sommes unis au Christ, en faisant l’expérience de nos souffrances quotidiennes, nous pouvons trouver l’espoir et la joie qui existent au milieu de la souffrance et persévérer jusqu’à la fin dans toutes nos souffrances. (cf. 2 Tim 4:6-8)

Je vous exhorte, mes fils et mes filles dans le Christ, à vous assurer que le moment est venu de vous appuyer fermement sur la foi catholique de toujours. Nous avons tous été créés pour chercher le Chemin, la Vérité et la Vie, et en cette époque moderne de confusion, le vrai chemin est celui qui est éclairé par la lumière de Jésus-Christ, car la Vérité a un visage et c’est bien le sien. Soyez assurés qu’il n’abandonnera pas son Épouse.

Je reste votre humble père et votre serviteur,

Mgr Joseph E. Strickland

Évêque de Tyler