La Veuve de Naïm et la Révélation de la Miséricorde ! Le mystère caché de la Mère de l’Eglise…
« A sa vue, le Seigneur eut compassion d’elle… »
Luc 7,13
Quel Evangile bouleversant où se cachent le mystère de l’Eglise et de la Mère de l’Eglise ! Car comment ne pas voir se profiler derrière la douleur de cette mère qui perd un fils unique, cette autre Mère transpercée d’une immense douleur au pied de la Croix de son Fils ? Dans sa Sagesse éternelle, comment le Cœur de Jésus, bouleversé devant cette veuve de Naïm, n’aurait-il pas entrevu le Cœur douloureux de sa Mère ? On peut donc considérer que cet Evangile implique une perspective mariale, tout en étant d’abord ecclésial comme le souligne magnifiquement Saint Ambroise :
« La divine miséricorde se laisse vite fléchir par les gémissements de cette mère. Elle est veuve ; les souffrances et la mort de son fils unique l’ont brisée… Il me semble que cette veuve, entourée de la foule du peuple, est plus qu’une simple femme méritant par ses larmes la résurrection d’un fils, jeune et unique. Elle est l’image même de la sainte Eglise qui, par ses larmes… obtient de rappeler à la vie le jeune peuple du monde…
Et Ambroise poursuit en nous emmenant au plus profond du mystère de l’Eglise :
« Car à la parole de Dieu les morts ressuscitent, ils retrouvent la voix et la mère recouvre son fils ; il est rappelé de la tombe, il est arraché au sépulcre. Quelle est cette tombe pour vous, sinon votre mauvaise conduite ? Votre tombeau, c’est le manque de foi… de ce sépulcre, le Christ vous libère ; vous sortirez du tombeau si vous écoutez la parole de Dieu. Et si votre péché est trop grave pour que puisse le laver les larmes de votre pénitence, qu’interviennent pour vous les pleurs de votre mère l’Eglise… Elle intercède pour chacun de ses enfants, comme pour autant de fils uniques. En effet, elle est pleine de compassion et éprouve une douleur spirituelle toute maternelle lorsqu’elle voit ses enfants entrainés à la mort par le péché[1]… »
On pourrait reprendre ces paroles inspirées de Saint Ambroise dans un sens marial car elles décrivent aussi la compassion de la Vierge pour tous ses enfants… N’est-Elle pas la « Mère de l’Eglise » comme l’a proclamé avec tendresse le Pape Paul VI : « C’est donc l’âme pleine de confiance et d’amour filial que nous levons les yeux vers elle, malgré notre indignité et notre faiblesse. Elle qui nous a donné avec Jésus la source de la grâce, ne manquera pas de secourir l’Eglise[2]… »
L’Evangile selon Saint Luc est le seul à rapporter cet épisode de la veuve de Naïm où une mère pleure un fils décédé. Aujourd’hui, dans les pièges et les crevasses de la mort, toute une jeunesse bascule en particulier dans les sortilèges des ténèbres… et si beaucoup de mères pleurent sur leurs enfants, notre Mère du Ciel ne cesse de verser des larmes[3] sur ses enfants qui se perdent en s’éloignant dangereusement de son Fils : Lui qui est crucifié pour tous !
Les larmes maternelles de Marie sont le signe de l’extrême tendresse de Dieu. Car ces larmes de la Mère de l’Eglise prolongent le temps de la miséricorde et nous ouvrent la porte du Cœur de Dieu, ouvert sur la Croix : là, jaillit à l’infini la divine miséricorde !… C’est pourquoi abuser de ce « temps béni » est gravissime car, même s’il se prolonge, il ne reviendra pas… et il faut se souvenir encore ici de la parole de Jésus miséricordieux à Sainte Faustine où il évoque un « trop tard » :
« Ô malheureux, qui ne profitez pas maintenant de ce miracle de la miséricorde divine ; en vain vous appellerez, il sera déjà trop tard[4]… »
Il y a donc un « maintenant de la Miséricorde », un rendez-vous plus qu’urgent que Jésus appelle « un miracle » : il doit bouleverser et faire basculer nos cœurs, où que nous en soyons ! Car n’oublions jamais que si l’infinie miséricorde de Dieu manifestée en son Fils crucifié est refusée, oubliée, piétinée, ridiculisée par le plus grand nombre : un jour que Dieu seul sait, le Père exercera alors sa « justice » dont le regard fera la lumière sur chaque instant de nos vies : moment vertigineux de vérité où la plus terrible douleur sera d’avoir ignoré, relativisé ou, pire, refusé son infinie tendresse à travers son Fils bien-aimé !
Puissions-nous nous « réveiller » de la terrible confusion et illusion du « sommeil de la mort » pour ne jamais entendre cette terrible parole de Dieu aux vierges folles sidérées : « En vérité, je vous le dis, je ne vous connais pas ! Veillez donc, car vous ne savez ni le moment, ni l’heure ! » (Mt 25,12-13).
Nous sommes donc prévenus… et c’est « maintenant », si pauvres et fragiles sommes-nous, qu’il faut se rapprocher de Jésus. Dans ses révélations à Sainte Faustine, le Sauveur avait souhaité que les âmes l’invoquent « avec le cœur » à travers une courte prière. Faustine lui proposa des formules connues, mais le Seigneur les écarta et lui proposa celle si connue aujourd’hui :
« Jésus, j’ai confiance en toi ! … »
Que la confiance « immédiate » en la miséricorde de Dieu nous donne ce regard évangélique nouveau qu’avait petite Thérèse :
« A moi, Il a donné sa Miséricorde infinie et c’est à travers elle que je contemple et adore les autre perfections Divines !… Alors, toutes m’apparaissent rayonnantes d’amour, la Justice même me semble revêtue d’amour… Quelle douce joie de penser que le Bon Dieu est Juste, c’est-à-dire qu’Il tient compte de nos faiblesses, qu’Il connaît parfaitement la fragilité de notre nature. De quoi donc aurais-je peur ? Ah ! le Dieu infiniment juste qui daigna pardonner avec tant de bonté toutes les fautes de l’enfant prodigue, ne doit-Il pas être Juste aussi envers moi qui « suis toujours avec Lui » ? (Lc 15,31) … J’ai reçu la grâce de comprendre plus que jamais combien Jésus désire être aimé[5] »
Ainsi, que notre seule crainte ne soit pas d’avoir un cœur pauvre, mais un cœur partagé. Que Marie, Epouse de l’Esprit, nous plonge en Lui par ses mains de tendresse…
+M Mickaël
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[1] Saint Ambroise, Traité sur Saint Luc, Missel forme extraordinaire du rite romain, p.901.
[2] Saint Paul VI, Signum Magnum, 13 mai 1967.
[3] La statue de Notre Dame d’Akita a versé des larmes plus de cent fois… Comme à Syracuse en Italie et dans tant d’autres lieux !
[4] Sainte Faustine, Petit journal, 1448.
[5] Sainte Thérèse de Lisieux, Œuvres complètes, Manuscrit A, Cerf – DDB, 1996, p.211-212.