Le Diviseur est entré dans l’Eglise… mais la Mère de l’Eglise la protège !
« L’Eglise a ses racines dans le Ciel…
et ses feuilles dans la tempête !
Cardinal Journet
Après les derniers rebondissements autour des « bénédictions » de couples divorcés-remariés ou homosexuels promus par Rome[1] et les « confessions » télévisées étonnantes du Pape François sur l’Enfer vide[2], toute l’Eglise se retrouve troublée et divisée…
Le « Diviseur » est entré au cœur de l’Eglise et notre épreuve ne fait que commencer ! Comme je l’ai avancé dans mon article récent[3] : les prophéties de la Vierge à Akita se déroulent sous nos yeux !
La dernière publication de Mark Mallett l’explicite remarquablement : « La récente correction fraternelle des Evêques n’est pas une déloyauté ou un rejet du Pape, mais un soutien à sa charge… vous n’avez donc pas à choisir votre camp : choisissez la Tradition sacrée puisque, en fin de compte, la papauté n’est pas un Pape ! Quelle grande tragédie pour le monde qui nous regarde lorsque les catholiques provoquent un scandale, soit en tombant dans le schisme, soit en promouvant un culte de la personnalité autour du Pape plutôt que de Jésus… Je sens que c’est l’Esprit qui appelle l’Eglise, de haut en bas, à se mettre à genoux et à se replonger dans la Parole de Dieu… Saint Paul nous dit : « Le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré pour elle pour la sanctifier, la purifiant par le bain d’eau avec la Parole… » (Ep 5,25-26).
Reprenons nos Bibles et laissons Jésus nous baigner dans sa Parole – la Bible dans une main et le Catéchisme dans l’autre – Quant à ceux flirtent avec le Schisme, n’oubliez pas : le seul son que vous entendrez si vous sautez de la Barque de Pierre est « splash ! » Et ce n’est pas un bain sanctifiant[4] ! »
Nous sommes entrés dans l’urgence de l’extrême fin des temps ; et si nous voulons être, sur les traces de petite Thérèse, « l’Amour au cœur de l’Eglise », nous sommes appelés à faire des choix décisifs dans la prière continuelle, l’humilité, l’espérance et la paix du cœur… convaincus que toute vie chrétienne authentique s’enracine dans la lumière et la force de la vie sacramentelle : de la Confession régulière des péchés dans le Sacrement de la réconciliation à la Sainte Messe du Dimanche… et cette charité fraternelle qui doit s’incarner sans cesse dans l’attention aux autres.
Dans le mystère de l’Eglise, le visage du lépreux est transfiguré par la tendresse du Christ qui le touche… et derrière chaque pauvre se cache un saint ou une sainte ! On peut donc affirmer que le chemin de « la foi est de rencontrer l’Eglise sous les haillons dont la recouvre la folie de ses enfants ; de toucher la paix des profondeurs sous l’agitation des tempêtes… L’Eglise n’est pas faite que de nos défauts et de nos défaillances, elle est faite de la grandeur de Dieu qui est en elle, et « nous portons le trésor de Dieu dans des vases fragiles » (2 Co 4,7). C’est vrai, nous le savons bien, mais c’est le trésor de Dieu[5] ! »
Aussi, si pauvre et si blessée soit-elle, l’Eglise n’est pas née pour se taire : elle est habitée par Celui la sauve et c’est pourquoi, dans un amour irrésistible, elle est envoyée à tous les hommes ! « Certes, nous devons rester modestes et proclamer la vérité avec humilité et non en surplomb. Toutefois, l’humilité ne consiste pas à s’incliner devant le monde, mais précisément à servir la Vérité et s’effacer devant elle, avec la conviction que nous parlons au nom d’un autre qui seul a « les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,68) et qui nous a précisément envoyés dans le monde pour « rendre témoignage à la vérité[6] » (Jn 18,37).
A la suite de Saint Jean-Paul II, on ne dira jamais assez que nous sommes entrés dans le temps de « la grande épreuve » et de « la grande espérance » car, après la terrible Epreuve de la Babylone infernale (Ap 17 et 18), la « Civilisation de l’Amour » jaillira ! (Ap 19 et 20). Et c’est pourquoi nous est donnée « la Femme » (Ap 12,1) pour traverser la grande Epreuve : cette Femme est à la fois l’Eglise et la Mère de l’Eglise, si bien que nous sommes invités à aimer l’Eglise de l’amour même du Cœur Immaculé de Marie, Mère de l’Eglise ! Oui, la Vierge est le Cœur caché de l’Eglise-Epouse qui brûle d’un amour fou pour le Christ-Epoux. Cela signifie que la beauté et l’invincibilité de l’Eglise est cachée dans sa pauvreté… Et des cendres jaillira le Feu !
Alors la prière suppliante et mariale d’un homme d’Eglise doit être la nôtre :
« Aujourd’hui, Vierge Sainte, nous tournons nos regards vers vous avec plus d’insistance. Vous savez que dans notre pays, comme dans le monde entier, se joue l’avenir de l’être humain, de la famille, de la civilisation et de la vie. Vous voyez que les forces de destruction de l’homme sont à l’œuvre comme jamais, séduisant les esprits et les cœurs…
Vous êtes la Femme de l’Apocalypse qui, avec l’aide des Anges, combattez le Démon. Prenez-nous en pitié. Ne nous abandonnez pas dans le combat. Ecoutez les humbles prières que nous faisons vers vous avec un cœur d’enfant… Faites de nous des hommes et des femmes courageux et fervents… préparant des générations futures qui continueront l’œuvre de l’amour dans notre pays et sur toute la terre[7] ! »
[1] « Fiducia supplicans » (Confiance suppliante), Déclaration du Dicastère pour la Doctrine de la foi (DDF), publiée le 18 décembre 2023 et approuvée par le Pape François.
[2] « Ce que je vais dire n’est pas un dogme de foi mais quelque chose de personnel : j’aime penser que l’Enfer est vide, et j’espère que c’est la réalité ! » Cette déclaration sous forme de confidence sème à nouveau le doute et la division car elle va à l’encontre de la Parole de Dieu (Mt 25,41), du Catéchisme de l’Eglise Catholique (Voir 1033 à 1037) où des Apparitions de la Vierge à Fatima : le 13 juillet, Elle révèle l’Enfer aux trois enfants… et il n’est pas vide ! C’est une telle invitation de Marie à la prière, la supplication et la pénitence !
Quelqu’un m’a demandé l’autre jour: «Vous ne quittez pas le Saint-Père ou le vrai magistère, n’est-ce pas?» J’ai été surpris par la question. « Non, qu’est-ce qui t’a donné cette impression ? » Il a dit qu’il n’en était pas sûr. Je l’ai donc rassuré que le schisme n’est pas sur la table. Explication.
La parole de Dieu
Sa question arrive à un moment où un feu a brûle dans mon âme pour la Parole de Dieu. J’en ai parlé à mon directeur spirituel, et même lui connaissait cette faim intérieure. Peut-être que vous êtes aussi… C’est presque comme si les controverses dans l’Église, la politique, la mesquinerie, les jeux de mots, l’ambiguité, l’approbation des agendas mondiaux, etc., me ramènent dans la Parole de Dieu brute et non diluée. Je veux la dévorer. Et Les Écritures ne sont jamais épuisées parce qu’elles enseignent toujours, toujours nourrissantes, toujours éclairantes.
En effet, la parole de Dieu est vivante et efficace, plus vive que n’importe quelle épée à deux tranchantss, pénétrant même entre l’âme et l’esprit, les articulations et la moelle, et capable de discerner les réflexions et les pensées du cœur. (Hb 4,12)
Et pourtant, nous savons en tant que catholiques que l’interprétation subjective de l’Écriture a des limites. Que le sens ultime des paroles du Christ a été compris par les apôtres et confiés à eux, et que leur enseignement nous a été transmis à travers les siècles de succession apostolique.[2] Ainsi, avec ceux que le Christ a commandés pour nous enseigner,[3] nous nous tournons vers cette Tradition Sacrée immuable et infaillible. Dans le cas contraire, il y aurait un chaos doctrinal.
En même temps, le pape et les évêques en communion avec lui ne sont que des serviteurs de la Parole de Dieu. En tant que tels, nous sommes tous des disciples de cette Parole, des disciples de Jésus (voir je suis un Disciple de Jésus-Christ). D’où…
… l’Église catholique n’est pas l’Église du pape et les catholiques ne sont donc pas des papistes mais des chrétiens. Le Christ est le chef de l’Église et de Lui toute la grâce divine et la vérité passe aux membres de Son corps, qui est l’Église… les catholiques ne sont pas les sujets des supérieurs ecclésiastiques, auxquels ils doivent l’obéissance aveugle comme dans un système politique totalitaire. En tant que personnes dans leur conscience et leur prière, elles vont directement à Dieu en Christ et dans le Saint-Esprit. L’acte de foi est dirigé directement vers Dieu, tandis que le magistère des évêques n’a que la tâche de préserver fidèlement et complètement le contenu de la Révélation (donnée dans l’Écriture sainte et la Tradition apostolique) et de le présenter à l’Église comme révélé par Dieu. Cardinal Gerhard Muller, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, 18 janvier 2024,
Cette définition de base est un puits de lumière parfaitement actuelle dans le brouillard de confusion qui a divisé les catholiques ces dernières semaines. Les récents procès sont dus en grande partie à une compréhension exagérée de l’infaillibilité papale et même des attentes fausses de l’homme qui occupe la fonction. Comme le note le cardinal dans la même interview, « en termes de profondeur théologique et de précision de l’expression, le pape Benoît XVI était une exception plutôt que la norme dans l’histoire mouvementée des papes ». En effet, nous avons apprécié l’enseignement immaculé, même dans le commentaire non-magistral de nos papes au cours du siècle dernier. Même moi, j’an étais arrivé au point de prendre pour acquis la facilité avec laquelle je pouvais les citer…
Récupération de la perspective
Mais le pontife argentin est une autre histoire et un rappel que l’infaillibilité d’un pape se limite aux rares occasions qu’il « confirme ses frères dans la foi et proclame par un acte définitif une doctrine relative à la foi ou à [5] morale ». Par conséquent, la correction fraternelle n’est pas au-delà d’un pape – « la plus connue est la question de l’hérésie et de l’excommunication du pape Honorius Ier », note le cardinal Müller.
Barque de Peter/Photo par James Day
Par conséquent, je crois que le Saint-Esprit utilise cette crise actuelle pour purger l’Église de la papolâtrie – la notion errante que nos papes sont « un souverain absolu, dont les pensées et les désirs sont la loi ».[7] Tout en donnant l’apparence de consolider l’unité, cette fausse croyance provoque en fait une division impie :
Chaque fois que quelqu’un dit, « J’appartiens à Paul », et un autre, « J’appartiens à Apollos », n’êtes-vous pas seulement humain ?… car personne ne peut jeter un fondement autre que celui qui est là, à savoir Jésus-Christ. (1 Corinthiens 3:4, 11)
Dans le même temps, la Tradition elle-même affirme la primauté de Pierre – et l’impossibilité du schisme comme voie pour le troupeau :
Ils marchent donc sur le chemin d’une erreur dangereuse qui croient qu’ils peuvent accepter le Christ comme le chef de l’Église, tout en n’adhérant pas loyalement à Son vicaire sur terre. Ils ont enlevé la tête visible, brisé les liens visibles de l’unité et laissé le Corps mystique du Rédempteur si obscurci et si mutilé, que ceux qui cherchent le havre du salut éternel ne peuvent ni le voir ni le trouver. Pape PIUS XII, Mystici Corporis Christi (Sur le corps mystique du Christ), 29 juin 1943; n. 41; vatican.va
Cette loyauté envers le pape n’est cependant pas absolue. Elle est dûe lorsqu’il exerce son « magistère authentique »- exprimant des enseignements ou des déclarations « qui doivent toutefois être explicitement ou implicitement contenues dans[9] la révélation », ajoute le cardinal Müller. C’est ce qui rend l’enseignement du successeur de Pierre « authentique » et essentiellement « catholique ». Par conséquent, la récente correction fraternelle des évêques n’est pas une déloyauté ou un rejet du pape, mais un soutien de ses fonctions.
Il ne s’agit pas d’être «pro-» pape François ou «contra-» pape François. Il s’agit de défendre la foi catholique, et cela signifie défendre le Bureau de Pierre auquel le pape a succédé. Cardinal Raymond Burke, The Catholic World Report, 22 janvier 2018
Vous n’avez donc pas besoin de choisir les côtés – choisissez la Tradition Sacrée puisque, en fin de compte, La papauté n’est pas un pape. Quelle grande tragédie que le monde regarde les catholiques causant le scandale, soit en tombant dans le schisme, soit en promouvant un culte de la personnalité autour du Pape, plutôt qu’autour de Jésus.
Le temps du bain
Que comprendre à travers ces évènements aujourd’hui ? Je pense que c’est l’Esprit qui appelle l’Église, de haut en bas, à tomber sur nos genoux et à nous immerger à nouveau dans la Parole de Dieu qui nous a été donnée dans les Saintes Écritures. Comme je l’ai écrit en Novum, Notre Seigneur Jésus se prépare une Epouse sans tâche ni ride. Dans ce même passage dans Éphésiens, Saint Paul nous dit comment :
Le Christ a aimé l’église et s’est livré pour elle pour la sanctifier, la purifiant par le bain d’eau avec la Parole… (Ep 5, 25-26)
Oui, c’est le « mot de maintenant » pour aujourd’hui : prenons nos bibles, chers frères et sœurs, et laissons Jésus nous baigner dans Sa Parole – la Bible d’une main, le Catéchisme de l’autre.
Quant à ceux qui flirtent avec le schisme, souvenez-vous… le seul son que vous entendrez si vous sautez de la Barque de Pierre est « splash ». Et ce n’est pas un bain sanctifiant.
Le mystère de la Miséricorde surprend les anges !…
Nous l’avons approché précédemment : le temps de l’Extrême Miséricorde touche à sa fin car par son terrible égarement, l’humanité actuelle lui tourne le dos et bascule dans le redoutable temps de la justice ! Il est donc temps de se « convertir » en entrant dans l’Arche du Cœur Immaculé de Marie ! Là, règne la paix de Dieu ! Précisons bien ici que convertir signifie « se tourner » vers la Lumière… c’est la fameuse « métanoïa » évangélique où s’opère un « changement de mentalité », un « retournement », un « bouleversement » où la lumière du Christ envahit peu à peu notre vie par les choix et les orientations visibles de notre cœur ! La conversion à la Lumière se voit dans les actes. Un Saint Jean Apôtre si contemplatif nous y invite avec force en proclamant l’Évangile de la charité :
« Celui qui aime son frère demeure dans la lumière… et nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères !… Petits enfants, n’aimons ni de mots ni de langue, mais en acte et en vérité ! A cela, nous aurons que nous sommes de la vérité, et devant lui nous apaiserons notre cœur, si notre cœur venait à nous condamner, car Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît tout ! » (1 Jn 2,10 et 3,14-16-20)
Ces paroles de Jean sont à graver au plus profond de nous… A travers l’humilité et l’espérance, elles expriment notre plus grand combat spirituel[1]. Mais cette lutte doit être devancée et fondée sur la plus grande découverte du mystère de la foi : l’indicible secret de la Miséricorde ! en effet, « elle est comme le deuxième nom de l’Amour, et elle est en même temps la manière propre dont il se révèle et se réalise pour s’opposer au mal qui est dans le monde, qui tente et assiège l’homme, s’insinue jusque dans son cœur et peut « le faire périr dans la géhenne ! » (Mt 10,28) … aucun péché de l’homme ne peut prévaloir sur cette force, ni la limiter[2]… »
En effet, le mystère fou de la Miséricorde divine étonne autant les Anges qu’il bouleverse le cœur des hommes ! La sainte Ecriture le proclame tant de fois : « Seigneur, ta miséricorde est sans mesure ! » (Ps 118,156). D’ailleurs, la signification du mot latin « misericordare » est déjà si éclairante : « Cœur qui se donne à la misère ! » (miseri-cor-dare).
La Sainte Bible renferme deux autres sources lumineuses : tout d’abord à travers le visage de David, figure du Christ, qui exerce vis-à-vis de Saül, son persécuteur, la « Hésed » qui est « une miséricorde d’Elohim » (2 Samuel 9,3). L’autre source est les « Rahamim » : les « entrailles » du Cœur de Dieu qui se révèlera transpercé sur la Croix… (Jn 19,33-34) et dont la blessure se révèle déjà dans son ministère quand il est bouleversé en voyant tant de « brebis sans berger ! » (Mt 9,36). L’Evangile de Luc en témoigne magnifiquement par le regard de Jésus sur la veuve de Naïm (Lc 7,13) ou le retour de l’enfant prodigue ! (Lc 15,20).
Cette folle et indicible miséricorde de Dieu est presque toujours incompréhensible aux yeux de l’homme pécheur, voire révoltante ! On aimerait que le Dieu du Ciel se bouge et exerce sur terre sa puissante justice face à la violence et l’horreur des hommes ! Mais lui, attaché à la Croix, s’offre pour tous les sauver… et il ose cette parole qui traverse l’histoire : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! » (Lc 23,34).
N’est-ce pas donc sur la Croix que tout est dit ? N’est-ce pas sur la Croix que Dieu révèle son Visage et son Cœur ? Tel est le mystère central de la foi à longuement contempler… et il faut bien saisir ici que « le don du Saint-Esprit, c’est de savoir regarder le Christ en Croix comme la la manifestation du secret le plus intime de Dieu, celui de son amour pour nous… Les impies « vident crucem, non vident unctionem », ils voient la Croix, ils ne voient pas l’onction, c’est-à-dire le Ciel. Si nous voyons la Croix sans voir le Ciel, nous sommes en danger de perdre la foi comme les Apôtres. Il faut demander la grâce de sentir le Ciel à travers le regard du Christ nous disant : « Aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le Paradis ! » (Lc 23,43). Jésus nous a ouvert les portes, et nous pouvons être possédés dès maintenant par sa gloire dans l’obscurité de la foi. Alors, nous commençons à entrevoir le mystère de la Miséricorde[3]… »
Comment ici ne pas laisser résonner les paroles de feu de Sainte Faustine qui nous ouvrent les portes de la Miséricorde :
« Oh, comme la bonté de Dieu est grande, plus grande que ce que nous pouvons en concevoir. Il y a des moments et des mystères de la miséricorde divine à la vue desquels les Cieux sont surpris ! »
La miséricorde de Dieu est plus forte que notre misère. Une seule chose est nécessaire : que le pécheur entrouvre, ne serait-ce qu’un peu, les portes de son cœur aux rayons de la miséricorde divine, et Dieu fera le reste…
La perdition est pour l’âme qui veut se perdre, mais celui qui désire le salut trouve la mer inépuisable de la miséricorde du Seigneur. Seule l’âme qui le voudra elle-même sera damnée, car Dieu ne condamne personne…
Même si j’avais eu sur la conscience les péchés de tous les damnés, je n’aurais pas douté de la miséricorde de Dieu, mais, le cœur contrit, je me serais jetée dans l’abîme de ta miséricorde ! Je crois, O Jésus, que tu ne m’aurais pas repoussée loin de Toi ! Car l’âme rend la plus grande gloire à son Créateur lorsqu’elle se tourne avec confiance vers la miséricorde divine[4]… »
Alors, pour répondre au cri bouleversant de Sainte Faustine, laissons-nous toucher par cette parole de Saint Augustin où résonne le cri de toute sa vie, et surement de la nôtre :
« Tard je t’ai aimée, Beauté si ancienne et si nouvelle, tard je t’ai aimée. C’est que tu étais au-dedans de moi, et, moi, j’étais en dehors de moi… Tu m’as touché, et je brûle du désir de ta paix !… Quand je te serai attaché de tout mon être, il n’y aura désormais nulle part pour moi de douleur et de fatigues ; ma vie, toute pleine de toi, sera alors la véritable vie…
Toute mon espérance n’est que dans l’étendue de ta miséricorde[5] ! »
+M-Michaël
___________________________________________
Notes
[1] Ce combat spirituel s’actualise dans la prière la plus puissante et la plus apaisante : le Rosaire quotidien de la Vierge, don de son Cœur Immaculé, qui est la porte ouverte sur la prière continuelle… Vient ensuite la vie sacramentelle à travers la Confession des péchés et le trésor de la Sainte Eucharistie ! Et plus l’amour de Dieu nous habitera, plus grande sera alors l’attention aux autres dans la charité fraternelle ! Saint Jean est formel : « Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne saurait aimer Dieu qu’il ne voit pas ! » (1 Jn 4,20).
[2] Saint Jean-Paul II, Encyclique Dives in Miséricordia, Dieu riche en miséricorde, 1980, n°7.
[3] Marie Dominique Molinié, Qui comprendra le Cœur de Dieu, Saint Paul 1994, p.152-153.
[4] Le Rosaire, textes de Sainte Faustine, Petit Journal, Monastère de Chambarand, 1997, p.36-37.
[5] Saint Augustin, Les Confessions, Chapitre 27-28-29.
Le temps de l’extrême Miséricorde…
« O malheureux, qui ne profitez pas maintenant
de ce miracle de la miséricorde divine ;
en vain vous appellerez, il sera déjà trop tard ! »
Jésus à Sainte Faustine, Petit Journal, 1448
Cette parole peut nous sembler dure et menaçante, d’autant plus qu’elle vient du Christ miséricordieux. N’a-t-il pas affirmé à Sainte Faustine : « Ma miséricorde est plus grande que ta misère et celle du monde entier. Qui a pris la mesure de ma bonté[1] ? » Mais ne lui a-t-il pas dit aussi : « Tu prépareras le monde à mon ultime venue ! » Cela signifie que ce monde actuel aura une fin et qu’un dévoilement terrible s’opérera par la lumière du Seigneur : le temps de la miséricorde si peu accueillie et si souvent piétinée… laissera place au temps de la justice qui sera une stupéfiante mise en lumière ! Jésus ne l’a-t-il pas laissé entendre à Faustine : « Avant de venir comme Juge équitable, j’ouvre d’abord toutes les portes de ma miséricorde. Qui ne veut pas passer par la porte de ma miséricorde, doit passer par la porte de ma justice…[2] »
Or, force est de constater que cette civilisation du bruit, de la jouissance et des loisirs n’écoute plus : elle est dominée par la « dictature du relativisme » selon la si juste expression de Benoît XVI. Elle est « ailleurs », enfermée dans les délires jouissifs du progrès sans fin dont le « transhumanisme » est l’étape ultime et sans retour !… Certes, l’infinie miséricorde du Cœur de Dieu est éternelle et offerte à chaque instant ; mais si l’Enfer existe, c’est parce qu’il est aussi possible à notre liberté responsable de la refuser jusqu’au bout. Les paroles du Père des Cieux à Sainte Catherine de Sienne sur « le désespoir de Judas » nous éclairent sur ce terrible mystère où l’homme joue son éternité :
« Le péché impardonnable, dans ce monde et dans l’autre, c’est celui de l’homme qui, en méprisant ma miséricorde, n’a pas voulu être pardonné. C’est pourquoi je le tiens pour le plus grave, et c’est pourquoi le désespoir de Judas m’a attristé plus moi-même et a été plus pénible à mon Fils que sa trahison. Les hommes seront donc condamnés pour ce faux jugement qui leur fait croire que leur péché est plus grand que ma miséricorde[3] ! »
Telle est la leçon ultime de l’Evangile : aucun péché, si horrible soit-il, n’est plus fort que l’infinie miséricorde de Dieu ! N’oublions donc jamais qu’au moment où le Cœur de Jésus s’est ouvert sur la Croix : le flot d’amour sans fond de l’Esprit a jailli (Jn 19,34) pour s’offrir à tout homme à travers l’histoire ! Il faut croire et tenir à cette vérité plus que tout car on est ici au cœur du mystère du salut : là se joue notre rédemption et notre vie éternelle !
Le mystère de la miséricorde est donc au cœur de notre foi et nous n’avons que cette vie pour découvrir la bouleversante vérité annoncée par Jean, l’Apôtre bien-aimé : « Nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru : Dieu est Amour ! » (1 Jn 4,16). Ainsi, nos choix et notre persévérance préparent en cette vie notre éternité. Alors, blottissons-nous dans les bras de Marie car « l’Immaculée nous couvrira de son manteau devant la justice de Dieu… la victoire est sûre dans la douceur de ses mains immaculées[4]… »
+M-Mickaël
[1] Petit Journal, 1485 : Parole et Dialogue, 2004. Préface du Cardinal Paul Poupard.
[3] Saint Catherine de Sienne (1347-1380), Docteur de l’Eglise, Livre des dialogues, 37.
[4] Saint Maximilien-Marie Kolbe, Conférences, 30 mai 1935 et Notes personnelles, août 1918.
Le silence de Saint Joseph… devant le mystère de la Mère de Dieu…
En cette fin du temps béni de l’Avent, le silence de Saint Joseph vient inspirer notre cœur. Aujourd’hui, Noël est devenu la fête bruyante de la consommation et nous avons tant besoin de nous « taire » pour découvrir que Dieu est là, caché au fond de nous… Or, le silence de Saint Joseph « dit » ici sa profonde humilité : devant le « mystère » que porte Marie en son sein… il entre dans le secret d’une épreuve où l’ombre de la Croix déjà le recouvre : Comme par avance, n’est-t-il pas tout près l’Agneau immolé, « scandale pour les Juifs et folie pour les païens » ? (1 Co 1,23). Comment est-ce envisageable que sa fiancée le porte déjà si petit en son sein ? Ecrasé par un tel mystère, son humilité le pousse à s’éloigner… et en même temps le texte de Saint Matthieu nous laisse deviner toute une tendresse bienveillante pour Marie :
« Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret… » (Mt 1,19).
Il faut bien saisir ici qu’être juste selon l’Ecriture, « c’est correspondre à ce que Dieu a mis en nous de possibilités pour réaliser la destinée à laquelle Il nous appelle… Il faut que Joseph ait été bien juste pour ne pas accuser ou du moins soupçonner, comme il aurait été naturel, la délicate pureté de la Vierge Marie dont il était le témoin : justement parce qu’il est juste, Joseph s’est abstenu de juger[1]. » Le commentaire de Saint Jérôme va dans ce sens :
« Comment Joseph est-il déclaré « juste », si l’on suppose qu’il cache la faute de son épouse ? Loin de là : c’est un témoignage en faveur de Marie : Joseph, connaissant sa chasteté, et bouleversé par ce qui arrive, cache, par son silence, l’événement dont il ignore le mystère[2] »
On est ici devant le plus grand secret de l’Evangile : quand vient le Verbe de Dieu, le silence est la plus grande des louanges et Saint Joseph en témoigne par la splendeur de son effacement. Face à ce Dieu qui se fait si petit, Il tourne autour du mystère comme Moïse devant le buisson ardent… (Ex 3,3). Ne pressent-il pas que l’Indicible est caché dans l’ordinaire ? Enfoui dans le sein de « la » Femme, Dieu l’a précédé et s’offre à lui, à travers Celle qui lui était promise…
Alors, « pourquoi Joseph voulut-il renvoyer Marie ? Prends cette interprétation, qui n’est pas la mienne, mais celle des Pères : Joseph voulut la renvoyer pour la même raison qui faisait dire à Pierre : « Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un pécheur ! » (Lc 5,8) et au Centurion : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit ! » (Mt 8,8). Pierre trembla devant la puissance divine, et le Centurion trembla en présence de la Majesté. Joseph fut saisi de crainte – comme il était humainement normal – devant la profondeur du mystère ; c’est pourquoi il voulait renvoyer Marie secrètement[3]… »
Mais l’Ange viendra le rassurer par un songe durant la nuit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme : car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit-Saint ! » (Mt 1,20). Et à travers et au-delà de Joseph, cette parole vient résonner dans l’histoire de l’humanité et dans la vie de chacun et chacune en particulier : « Ne crains pas de prendre chez toi, Marie… » Elle est « ta » Mère… et que tous ceux qui résistent « encore » à cette douce réalité se laissent vaincre par la Parole du Christ en Croix en personne : « Voici ta Mère ! » (Jn 19,27). Aujourd’hui, comme Joseph et Jean, accueillerons-t-ils Marie chez eux ?
Nous aussi, devant les épreuves de la vie qui, souvent, nous éloignent de l’Enfant-Dieu et de sa Mère, prenons conscience qu’au cœur de notre foi, les bras de Marie sont sans cesse « tendus » pour nous porter… Dans le Salve Regina, nous chantons : « Spes nostra, Salve ! » (Notre Espérance Salut !). Cette espérance, Dieu nous l‘a donnée. Dans la famille, l’espérance, c’est la mère. Il en est de même dans le monde spirituel : personne ne peut dire qu’il a perdu l’espérance puisqu’il n’a pas perdu l’Immaculée !
Elle seule va nous apprendre comment aimer le Seigneur Jésus, bien mieux que tous les livres et tous les maîtres. Elle nous apprend à l’aimer comme Elle l’aime[4]… »
+M-Mickaël
[1] Bible chrétienne, tome II, Commentaires p.100.
[2] Commentaire sur Saint Matthieu, Patrologie Latine 26,24.
[3] Saint Bernard de Clairvaux, Homélie 2 sur le Missus est, Patrologie Latine 183,68.
[4] Saint Maximilien-Marie Kolbe, Conérences 3 septembre 1937 et 25 janvier 1941.
Le temps de l’Avent est l’espace béni où va murir notre attente… une attente traversée par la plus belle espérance : Dieu va venir au cœur de notre humanité ! Dieu va me regarder et me parler à travers un visage humain. Je ne serai jamais plus seul ! Et face à cet insondable mystère, la contemplation de l’Apôtre Jean vient illuminer notre regard d’Avent :
« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu,
et le Verbe était Dieu, il était au commencement tourné vers Dieu…
Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous,
et nous avons contemplé sa gloire,
gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique,
plein de grâce et de vérité ! » (Jn 1,1 et 14)
Désormais, le salut est à portée de regard et de geste : mon Sauveur va prendre mon visage… Et Jean Baptiste, le plus grand des prophètes, aura ce regard ultime : « Celui qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi, il était… » (Jn 1,15)
Ce « avant moi, il était » nous ouvre la porte du mystère de Dieu dont le Christ est l’Unique Révélation : « Je suis la voie, la vérité et la vie ! » (Jn 14,6). En son humanité, je touche Dieu ! en son regard, je vois Dieu ! Et c’est ici qu’un Père de l’Eglise nous ouvre, à son tour, une porte :
« Je pense que les quatre Evangiles sont les éléments essentiels de la foi de l’Eglise… et que, parmi les Evangiles, les prémices sont dans celui de Jean, dont nul ne peut saisir le sens s’il ne s’est penché sur la poitrine de Jésus (Jn 21,20) et n’a reçu de Jésus, Marie pour Mère (Jn 19,27) … et quand Jésus dit à sa Mère : « Voici ton fils ! » (Jn 19,26) … C’est comme s’il lui disait : « Voici ton fils que tu as enfanté[1] ! » Et pour approcher ce mystère, le regard unique de Saint Jean-Paul II nous est si précieux :
« La maternité de Marie commence par sa sollicitude maternelle pour le Christ. Dans le Christ, au pied de la Croix, elle a accepté Jean, et elle a accepté tout homme et tout l’homme. Marie les embrasse avec une sollicitude particulière dans l’Esprit-Saint… car la maternité de Marie est une participation à la puissance de l’Esprit… et quand Jésus dit sur la Croix : « Femme, voici ton fils ! » (Jn 19,26), il ouvrit d’une manière toute nouvelle le Cœur de sa Mère… Marie est ainsi Mère de tous les hommes et son empressement pour la vie de l’homme est de portée universelle[2] ! »
Alors, en cet Avent 2023, ouvrons les yeux sur « Sion, beauté parfaite, où Dieu resplendit ! » (Ps 49,2). Car de Marie, toute belle, le Messie sortira… Et comme il faut « s’éveiller » et ne pas s’habituer à ce temps unique : « Je veille donc sans cesse et je tends l’oreille, O Seigneur, comme Ta bien-aimée que Tu as élue. Car je sais que Tu aimes venir inaperçu. Mais je T’attends, Seigneur, dans le calme et le silence… Viens donc enfin, mon très doux Seigneur[3] ! »
+M-Mickaël
[1] Origène, Commentaire sur l’Evangile de Jean, I, 21-25 ; SC 120.
[2] Saint Jean-Paul II, Homélie à Fatima, 13 mai 1982.
Durant ce temps de l’avent, temps marial s’il en est, nous vous proposons de méditer chaque semaine sur les fêtes mariales que le calendrier liturgique nous propose en ce mois de décembre.
Après avoir médité la semaine dernière sur l’Immaculée Conception, arrêtons nos pas aujourd’hui à Lorette, en italie centrale, dans la région des Marches, près de la mer Adriatique.
C’est là que se trouve le sanctuaire de la « Santa Casa », la Sainte Maison de la Vierge Marie à Nazareth. Au coeur de la basilique est conservée une partie de la maison de Marie à Nazareth. La maison de la Vierge à Nazareth était de fait une grotte, agrandie et fermée par des murs, pour en faire une maison. La basilique de l’Annonciation à Nazareth conserve la grotte, et les murs sont maintenant à Lorette. Leur étude scientifique a montré qu’ils sont constitués de pierre et matériaux n’existant pas en Italie, mais bien en Palestine ; et la construction restituée à Lorette correspond à la structure de la grotte de Nazareth. Il s’agit donc de la demeure même dans laquelle la Vierge Marie a vécu, conçu et élevé Jésus enfant. C’est pourquoi Jean Paul II a pu dire que La « Sainte Maison de Lorette, premier sanctuaire de portée internationale dédié à la Vierge, a été pendant plusieurs siècles, le vrai cœur marial de la chrétienté » (Jean Paul II). C’est en 1291 durant les Croisades que la maison a été déplacée en Croatie. Puis en 1294 a été installée à Lorette. En 1510 le sanctuaire a reçu l’approbation pour devenir un pèlerinage officiel. Notre-Dame de Lorette est fêtée le 10 décembre.
Histoire de Notre-Dame de Lorette
Le 10 décembre on célèbre la fête liturgique de Notre-Dame de Lorette. La fête est également appelée Fête de la Venue et a des origines très anciennes.
La légende veut que la Sainte Maison de Marie ait été amenée de Nazareth par des anges quand la Palestine tomba en main aux Turcs infidèles, en 1291. En 1296, l’ermite Paolo della Selva rapporta aux Autorités une histoire fascinante, reprise ensuite dans de nombreux documents au cours du temps, s’enrichissant de détails de plus en plus pittoresques. Selon cette histoire, en 1294, les anges auraient emporté la Sainte Maison de la Palestine, tombée en main aux Turcs.
Le voyage de la Sainte Maison aurait d’abord touché Trsat, aujourd’hui quartier de la ville de Rijeka, en Croatie, mais les anges décidèrent de traverser la mer et d’amener leur précieuse cargaison dans le territoire de Recanati, où ils posèrent la Sainte Maison d’abord dans un bois qui appartenait à une dame nommée Loreta, ensuite dans le champs de deux frères, et enfin, la nuit entre le 9 et le 10 décembre 1296, au sommet du Mont Prodo.
Ensuite, afin de protéger la Sainte Maison, autour d’elle fut érigé d’abord un mur, ensuite un sanctuaire, qui devint tout de suite un lieu de pèlerinage.
Il est difficile de comprendre ce qu’il y a de réel dans l’histoire de la Transportation et ce qui est le fruit des récits populaires. Une version de l’histoire veut que ce fut une riche famille de princes apparentés avec la famille impériale de Constantinople qui sauva les restes de la Sainte Maison jusqu’à Lorette. Ce qui est certain, c’est qu’encore aujourd’hui l’histoire du mystérieux « voyage » de la Sainte Maison, avec tout ce qu’elle représente, fascine les pèlerins qui se rendent en visite au Sanctuaire.
Naquit ainsi la vénération à Notre-Dame de Lorette, symbole du côté humain et familial de Jésus et de toute la Sainte Famille. Pour tous les pèlerins qui depuis le Moyen Âge se rendent dans ce lieux, ce sanctuaire rappelle le mystère de l’Incarnation de Jésus, la vocation de la Vierge Marie, humble servante du Tout Puissant, qui, en acceptant Sa tâche, a fait de sa personne la “maison” de Dieu et de toute l’Église, et les vertus évangéliques de la Sainte Famille.
Notre-Dame de Lorette a fait de la Basilique qui lui est dédiée le cœur d’un culte où se reflète vraiment celui adressé à la Sainte Famille à Nazareth. Fidèles et pèlerins se sont rendus à cet endroit au cours des siècles pour y trouver du réconfort, malades et infirmes s’y sont rendus à la recherche de la guérison et de la consolation dans leur souffrance. Ici sont nées les Litanies de Lorette, les supplications qui sont récitées ou chantées à la fin du Rosaire, qui étaient déjà entonnées dans la Sainte Maison de Lorette avant leur diffusion dans toute la chrétienté en devenant les prières les plus populaires dédiées à la Mère de Jésus.
Le 24 mars 1920, veille de l’Annonciation du Seigneur, Pape Benoît XV émit le Décret qui déclarait Notre-Dame de Lorette Sainte Patronne des voyageurs en avion et de l’aéronautique.
Le 7 octobre 2019, Pape François, à travers la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, a inséré dans le Calendrier Romain la mémoire facultative de la Sainte Vierge Marie de Lorette.
Miracles de Notre-Dame de Lorette
En plus de la mystérieuse Transportation de la Sainte Maison, au cours des siècles Lorette a été le théâtre de nombreux miracles et guérisons. La plupart des miracles attribués à Notre-Dame de Lorette concerne des guérisons miraculeuses, qui ont concerné hommes, femmes et enfants au cour des années.
Pour n’en citer que quelques exemples, le petit Lorenzo Rossi, sauvé d’une bronchopneumonie et bronchiolite qui en 1959 l’avait amené en point de mort. La mère, désespérée, lui versa sur le front de l’huile bénite qui venait du Sanctuaire de la Sainte Maison de Lorette, et commença à lui masser la poitrine avec. L’enfant, à l’article de la mort, recommença à respirer et recouvrit ensuite toute sa santé.
Gerry de Angelis, lui, était déjà dans le coma, quand son père, qui était sur le point de lui rendre visite à l’hôpital, sentit le besoin d’aller à Lorette.
Quand, après ce détour, il rejoignit son fils, ce dernier était sorti du coma.
À Giacomina Cassani, une jeune fille de seize ans de Bardi, en 1930, avait été diagnostiquée une tumeur à la cuisse gauche. Contrainte désormais à vivre en chaise roulante avec un bustier, la jeune fut amenée en pèlerinage à Lorette, où, au passage du Très Saint Sacrement, elle éprouva d’abord une forte douleur et ensuite un soulagement inattendu. À partir de ce moment-là, elle commença à aller mieux, jusqu’à arriver à une guérison complète.
Bruno Baldini, un jeune garçon de Florence, le 23 Octobre 1934, fut victime d’un terrible accident de moto qui lui provoqua une grave lésion cérébrale, le rendant muet et avec des grosses difficultés motrices. Un jour il entendit une voix claire lui disant d’entreprendre un pèlerinage dans un Sanctuaire. Il choisit Lorette et, le jour de son arrivée, pendant qu’il était à son hôtel, il entendit de nouveau cette même voix, qui lui commandait de se lever et de parler. Et ainsi il fit, à la stupeur générale des personnes présentes.
Extrait de l’Homélie du pape Saint Jean-Paul II au sanctuaire de Lorette, le 8 septembre 1979
1. « Ta naissance, ô Vierge Mère de Dieu, a annoncé la joie au monde entier ! ».
Voilà, c’est aujourd’hui le jour de cette joie. Le 8 septembre, neuf mois après la fête de l’Immaculée Conception de la Mère du Fils de Dieu, l’Eglise commémore le souvenir de sa naissance. Le jour de la naissance de la Mère incite nos cœurs à se tourner vers le Fils : « De toi est né le soleil de justice, le Christ notre Dieu : il a effacé la malédiction et apporté la grâce, il a vaincu la mort et nous a donné la vie éternelle » (Ant. Benedictus).
Et ainsi, donc, la grande joie de l’Eglise passe du Fils sur la Mère. Le jour de sa naissance est vraiment un préambule et le commencement d’un monde meilleur (origo mundi melioris) comme Paul VI l’a proclamé de manière merveilleuse.
C’est pour cette raison que la liturgie d’aujourd’hui confesse et annonce que la naissance de Marie répand sa lumière sur toutes les Eglises qui sont dans le monde.
2. Il semble que la lumière que la fête de la naissance de Marie fait rayonner sur l’Eglise de la terre italienne brille de manière toute particulière ici à Lorette, dans l’admirable sanctuaire qui est aujourd’hui le but de notre pèlerinage commun. Dès le début de mon pontificat j’ai éprouvé ardemment le désir de venir en ce lieu ; j’ai toutefois préféré attendre ce jour, celui de la présente fête. Me voici ici aujourd’hui, tout spécialement heureux qu’ à mon premier pèlerinage participent également des cardinaux et évêques, de nombreux prêtres et religieuses et une foule de pèlerins provenant en majorité des diverses villes de cette région d’Italie. En communion avec tous, je désire apporter ici aujourd’hui les chaleureuses paroles de vénération qui jaillissent de tous les cœurs et, en même temps de la tradition séculaire de cette terre que la Providence a choisie comme siège de Pierre et qui, par la suite a été illuminée par le rayonnement de ce sanctuaire que la profonde piété chrétienne a lié de manière toute particulière au souvenir du mystère de l’Incarnation.[…]
3. Le culte rendu en cette terre à la Mère de Dieu est. selon une antique et vivante tradition, lié à la Maison de Nazareth. La maison où, comme rappelle aujourd’hui l’Evangile, Marie vécut après son mariage avec Joseph. La maison de la Sainte Famille. Une maison est toujours et avant tout un sanctuaire de la mère de famille. C’est avec sa maternité que, d’une manière particulière, elle le crée. Il est nécessaire qu’en venant au monde les fils de la famille humaine aient un toit sur la tête. Toutefois, comme nous le savons, la maison de Nazareth ne fut pas le lieu où naquit le Fils de Marie et Fils de Dieu. Tous les prédécesseurs de Jésus qui figurent dans la généalogie présentée dans l’Evangile selon saint Mathieu lu aujourd’hui sont vraisemblablement venus au monde sous un toit. A lui, cela n’a pas été donné. Il est né à Bethléem, comme un exilé, dans une étable. Et il lui fut impossible de venir dans la maison de Nazareth, à cause de la cruauté d’Hérode. Pour cela il dut fuir de Bethléem pour gagner l’Egypte ; ce n’est qu’après la mort du roi que Joseph osa ramener Marie et l’Enfant dans la maison de Nazareth.
Et depuis ce moment cette maison fut centre de la vie quotidienne, le lieu où se déroula la vie cachée du Messie, la maison de la Sainte Famille. Elle fut le premier temple, la première église sur laquelle, avec sa maternité, la Mère de Dieu fit rayonner sa lumière. Elle l’illumina de la lumière émanant du grand mystère de l’Incarnation ; du mystère de son Fils.
C’est sons le rayon de cette lumière que, dans votre pays ensoleillé, croissent les maisons familiales. Il y en a tant ! Des sommets des Alpes et des Dolomites que j’ai pu approcher le 26 août dernier en visitant la terre natale du Pape Jean Paul Ier, jusqu’à la Sicile. Tant et tant de maisons ! Des maisons familiales. Et tant et tant de familles ; grâce à la tradition chrétienne et mariale de votre patrie, chacune d’elle maintient un certain lien spirituel avec cette lumière qui émane de la maison de Nazareth, et particulièrement aujourd’hui : le jour de la naissance de la Mère du Christ.
[…]
5. Comme vous le voyez, chers frères et sœurs, je viens à Lorette pour relire le mystérieux destin du premier sanctuaire marial élevé sur la terre italienne. En effet, la présence de la Mère de Dieu au milieu des fils de la famille humaine et au sein des divers pays de la terre en particulier nous dit tant de choses sur les nations et sur les communautés elles-mêmes.
[…]
6. Comme je l’ai déjà fait à Guadalupe, au Mexique puis à Jasna Gora à Czestochowa en Pologne, je désire en cette rencontre de Lorette rappeler cette consécration au Cœur Immaculé de Marie qu’il y a 20 ans, le 13 septembre 1959, les Pasteurs de l’Eglise italienne ont faite à Catane, lors de la conclusion du XVIe Congrès eucharistique national. Et je désire rappeler les paroles que dans un message radiophonique mon prédécesseur Jean XXIII de vénérée mémoire, adressa aux fidèles à cette occasion : « Nous pensons, plein de confiance, qu’en vertu de cet hommage à la Vierge Très-Sainte tous les Italiens vénéreront en elle, avec une ferveur accrue, la Mère du Corps mystique dont l’Eucharistie est symbole et centre vital ; qu’ils imiteront en elle le modèle le plus parfait de l’union avec Jésus notre Chef ; qu’ils s’uniront à Elle dans l’offrande de la Victime divine et qu’ils imploreront d’elle pour l’Eglise les dons de l’unité, de la paix et surtout une plus abondante floraison de vocations sacerdotales. De cette manière la consécration deviendra motif d’un engagement toujours plus sérieux dans la pratique des vertus chrétiennes, un moyen de défense extrêmement efficace contre les maux qui nous menacent et une source de prospérité même temporelle, selon les promesses du Christ » (ASS 51; 1959; 713).
Tout ce qui a trouvé, il y a vingt ans son expression dans l’acte de consécration à Marie accompli par les pasteurs de l’Eglise italienne, aujourd’hui je veux non seulement le rappeler mais aussi le répéter de tout cœur, le renouveler et en faire d’une certaine manière ma propriété puisque par les insondables décrets de la Providence il m’est échu d’accepter le patrimoine des évêques de Rome au Siège de Saint-Pierre.
7. Et je le fais avec la plus profonde conviction de la foi, de l’intelligence et du cœur tout ensemble. Parce qu’en cette difficile époque et de même au cours des temps qui viennent, seul le véritable grand Amour pourra sauver l’homme.
Seulement grâce à lui, cette terre, l’habitation de l’humanité, peut devenir une maison : la maison des familles, la maison des nations, la maison de la famille humaine tout entière. Sans amour, sans le véritable grand amour, il n’y a pas sur la terre de maison pour l’homme. Même s’il élevait les édifices les plus beaux et les aménageait de la manière la plus moderne, l’homme serait condamné à vivre privé de tout.
Accepte, ô Notre-Dame de Lorette, ô Mère de la maison de Nazareth, ce pèlerinage, le mien, le nôtre : il est une grande prière commune pour la maison de l’homme de notre époque : pour la maison qui prépare les fils de toute la terre à la maison éternelle du Père dans le ciel.
Le sanctuaire de Lorette en image
L’Immaculée est une mer de cristal !…
« Marie est mer que nul n’épuise,
Plus y trouve qui plus y puise… »
Gauthier de Coincy (12ème siècle)
Au début de l’Avent, le 8 décembre, la liturgie de l’Eglise nous invite à contempler le mystère de l’Immaculée Conception de Marie, « pleine de grâce » (Lc 1,28) … C’est en effet le 8 décembre 1854 que le Pape Pie IX, après avoir consulté les Evêques du monde entier, promulgue le dogme dans la bulle « Ineffabilis Deus ». Et une fois dans sa vie, il faut avoir lu et médité cette splendide vérité qui fait partie de notre foi catholique :
« Par l’autorité de Notre Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux Apôtres Pierre et Paul, et par la Nôtre, Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine qui affirme que la bienheureuse Vierge Marie fut dès le premier instant de sa Conception, par une grâce et un privilège spécial de Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée et exempte de toute tâche du péché originel, est révélée de Dieu, et que par conséquent, elle doit être crue fermement et constamment par tous les fidèles. »
Quatre ans après, en 1858, la Vierge apparaît 18 fois à Bernadette de Lourdes. Mais c’est à la seizième Apparition que la Dame révélera son nom, confirmant l’Eglise : « Elle leva les yeux au ciel, joignant en signe de prière ses mains qui étaient tendues et ouvertes vers la terre, et me dit : « Que soy era l’Immaculada Councepciou… Je suis l’Immaculée Conception ! » On comprend l’éblouissement de Bernadette : « La Dame était jeune et belle, belle surtout, comme je n’en avais jamais vu !… Que j’aime à me rappeler ces doux moments passés sous vos yeux pleins de bonté et de miséricorde pour nous… » Et Bernadette nous l’assure : « L’âme qui implore Marie ne peut périr, elle garde la paix au milieu de la tempête[1] ! »
Pour approcher ce mystère de la foi, il faut se souvenir ici d’un passage de l’Annonciation dans l’Evangile selon Saint Luc : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre… » (Lc 1,35). Cet Esprit qui vient sur Marie opérer en son sein le prodige de l’Incarnation du Verbe est aussi Celui qui l’a créée « toute belle » au premier instant de sa vie. En « la » regardant, on le devine… Saint Maximilien-Marie Kolbe a d’ailleurs des paroles saisissantes dans l’approche de ce mystère : « On peut affirmer que l’Immaculée est, en un certain sens, « l’incarnation de l’Esprit-Saint ». En Elle, c’est l’Esprit que nous aimons, et par elle, le Fils… La Vierge Marie existe pour que soit mieux connu l’Esprit-Saint[2] ! »
Une autre résonance biblique de cette « Femme », traversée par la splendeur du Très-Haut, nous a été donnée à deux reprises dans l’Apocalypse de Saint Jean :
D’abord au chapitre 12 où apparait « un signe grandiose dans le ciel : une Femme ! Le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ! » (Ap 12,1). Les Pères de l’Eglise et les saints y ont toujours vu le mystère de l’Eglise, mais aussi de Marie, Mère de l’Eglise ! Et la première originalité de cette « Femme » est d’être enveloppée par le soleil, traversée par sa lumière : elle « resplendit » ce soleil comme personne !… Car Marie est rendue belle dès sa naissance par l’Esprit de Celui qui va devenir son Enfant et son Sauveur. Au-delà des saints et bien avant eux, la robe de l’Immaculée a été plongée dans le Sang de l’Agneau ! (Ap 7,14). Transparence indicible de la beauté de Dieu, elle devient la plus belle louange du salut : « Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur, parce qu’il a abaissé son regard sur son humble servante… Désormais, toutes les générations me diront bienheureuse ! » (Lc 1,46-48).
L’autre passage symbolique se situe au chapitre 15 où Jean voit « une mer de cristal, mêlée de feu, et ceux qui ont triomphé de la Bête, de son image et du chiffre de son nom, debout prés de cette mer de cristal ! » (Ap 15,2). Ici, « la mer de cristal » semble dévoiler l’aboutissement ecclésial céleste du mystère unique de la Rédemption en Jésus-Christ dont la « pleine de grâce » (Lc 1,28) est la plénitude : Elle est Mère de Dieu, de l’Eglise et de toute l’humanité ! Elle est « Celle qui porte Celui qui porte tout », comme le chante la liturgie orientale…
Cependant, la vie de Marie a été sur terre ce printemps de Dieu où le sublime le plus spirituel se cache et se déploie dans « l’ordinaire » le plus modeste… Le Cœur Immaculé de Marie est déjà cette « Mer ce cristal », mais cette beauté reste cachée dans l’humilité. L’humble quotidien de sa foi persévérante a été la mesure de sa beauté intérieure toujours plus fulgurante !
En clôturant l’Année mariale, en 1988, Saint Jean-Paul II faisait cette prière prophétique pour notre temps où il attendait tout de cette « Beauté » victorieuse de l’Immaculée :
« O Marie, accompagne nos pas vers les frontières de l’humanité sauvée et pacifiée !
Réjouis notre cœur, affermis-le dans la certitude
que le Dragon n’est pas plus fort que ta Beauté !
L’Année mariale se termine, mais le temps des yeux levés vers Marie commence… »
+ M-Mickaël
[1] Carnet Reine du Ciel, 12 mai 1866 et Notes de retraite 1876-1877.
[2] Conférences, 5 février 1941 et 25 septembre 1937.
L’aveugle de Jéricho : le cri obstiné de la foi triomphante !
Rien n’est plus beau que l’Evangile ! Et rien n’est plus riche que de le méditer avec l’intelligence du cœur ! Bonheur d’avoir chaque jour rendez-vous avec la « lectio divina » : cette lecture divine de la Parole de Dieu où le cœur est suspendu aux lèvres et aux gestes de Jésus, Verbe éternel fait homme… car à travers son Visage, Dieu n’est là que pour nous, et sous son regard mes « cheveux mêmes sont tous comptés ! » (Lc 12,7).
Alors, dans cette approche du cœur, méditons cet Evangile bouleversant de l’aveugle de Jéricho qui est repris par les trois synoptiques[1], et dont Saint Marc seul nous révèle le nom : Bartimée ! On peut d’ailleurs avancer que l’épisode autour de cet homme nous donne des lumières décisives sur le chemin de la foi. En effet, le cadre évangélique nous le présente dans une situation qui relève de l’impossible : aveugle et mendiant, il est là, gisant dans la nuit au bord de la route… mais tout à coup, un événement peut faire basculer à jamais sa vie dans la lumière : « On lui annonça que c’était Jésus de Nazareth qui passait ! » (Lc 18,37). Il se met alors à vibrer de tout son être par la puissance de sa voix : « il s’écria : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » (Lc 18,38). Le cri de la foi qui attend tout d’un Autre est lancé…
Pour lui comme pour nous, c’est ici que commence « le combat de la foi » car les voix contraires ne manquent pas : « Beaucoup le rabrouaient pour lui imposer silence… » (Mc 10,48). Ces voix décourageantes viennent contredire le cri de la foi. Elles veulent « lui imposer silence » pour l’isoler et tuer sa confiance : tu n’intéresses personne et encore moins le Maître ! Alors, c’est là que tout bascule du côté de cette foi qui continue à crier son espérance : « Mais lui criait de plus belle : Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » (Mc 10,48). N’est-ce pas déjà là cette « invincibilité » de la foi qui fera les futurs martyrs chrétiens ? Assurément… Et comme au début, l’aveugle n’a plus que sa voix mais la persévérance de sa foi a déjà touché le Cœur de Jésus… N’a-t-il pas affirmé ailleurs cette parole qui traverse le temps : « Frappez et l’on vous ouvrira ! » (Mt 7,7).
Alors, saisi par une telle foi, « Jésus s’arrêta et ordonna qu’on le lui amène. » (Lc 18,40). Et voici que les voix contraires laissent place aux voix de l’encouragement : « Aie confiance ! Lève-toi, il t’appelle. Et lui, rejetant son manteau, bondit et vint à Jésus ! » (Mc 10,49-50) : « Venir à Jésus ! » Ne sommes-nous pas là au cœur de l’Evangile et au cœur des terribles enjeux de notre monde contemporain qui ne veut plus « venir à Jésus » ?
En effet, « c’est très justement l’humanité qui est représentée par cet aveugle, assis au bord du chemin et mendiant, car la Vérité dit d’elle-même : « Je suis le chemin » (Jn 14,6). Celui qui ne connaît pas l’éclat de la lumière éternelle est bien un aveugle, mais s’il commence à croire au Rédempteur, alors il est « assis au bord du chemin[2] »
Arrive alors cet instant solennel où « la lumière du monde » s’immobilise et où commence le dialogue du salut : « Quand il se fut approché, il lui demanda : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Lc 18,40-41). A travers un Regard et une question se révèle ici encore l’infinie miséricorde de Dieu : il accueille le cri du pauvre et c’est comme s’il n’y avait plus que Lui et cet homme au milieu de la foule… la suite en découle : « Seigneur, que je retrouve la vue ! » (Lc 18,41). La persévérance de la foi engendre la puissance de la Parole de Dieu : « Jésus lui dit : « Retrouve la vue ; ta foi t’a sauvé ! » Et à l’instant même, il retrouva la vue… » (Lc 18,42-43). Ainsi, cet Evangile met en lumière que tout arrive en cascade dans la dynamique de la foi : l’aveugle crie son désir jusqu’au bout de sa foi, il s’approche de Jésus, il supplie, il est guéri et ses yeux s’ouvrent pour la première fois sur la beauté du regard de Jésus… et il le suit en glorifiant Dieu !
« La foi ne l’a pas seulement guéri, elle l’engage et le fait disciple : car il ne pouvait voir qu’à la condition de suivre le Christ, de prêcher le Seigneur, de dépasser le siècle[3]… »
On a envie ici de redire cette si poignante prière de Saint Jean-Paul II au Cœur de Jésus :
« Seigneur Jésus, tu es notre Sauveur et notre Dieu ! Fais que notre regard ne se fixe jamais sur d’autre étoile que celle de l’amour et de la miséricorde qui brille sur ta poitrine…
Que ton Cœur soit donc, Ô notre Dieu, le Phare lumineux de la foi, l’Ancre de notre espérance, le Secours toujours offert dans notre faiblesse, l’Aurore merveilleuse d’une paix inébranlable, le Soleil qui éclaire nos horizons… »
Nous sommes donc invités à secouer nos inerties et à persévérer comme l’aveugle dans le cri de la foi ! Dans la parabole du juge et de la veuve importune, le Seigneur lui-même nous invite à « prier sans cesse et à ne pas se décourager ! » (Lc 18,1). Ainsi, le chemin de foi de Bartimée nous apprend l’attitude essentielle d’une foi qui ne se décourage pas sur le chemin : une foi qui va jusqu’au bout de son cri vers Jésus ! Car seuls ceux et celles qui croient follement et sans limites bouleversent le Cœur de Dieu comme le Centurion (Lc 7,1-10) ou la Syro phénicienne (Mt 15,21-28) … Nous voici donc avertis pour ces redoutables épreuves des derniers temps : rien n’est plus fort que la foi qui supplie et persévère jusqu’au bout en s’abandonnant à la volonté de Dieu qui n’est qu’Amour. Il nous conduit bien des fois par des chemins mystérieux et déroutants, mais « nous savons d’autre part que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein… » (Rm 8,28).
Laissons la dernière parole mariale à Sainte Bernadette de Lourdes :
« Oh ! qu’il fait bon se confier à cette bonne Mère… Jamais on ne l’invoquera en vain… L’âme qui implore Marie ne peut périr, celle qui se confie à elle conserve le calme au milieu de la tempête l… O Marie, soyez mon Refuge[4] ! »
Le temps des saints, ne soyons pas des chiens muets, nouveau livre de Mgr Marc Aillet
Nous vous partageons ici l’introduction du nouveau livre de Mgr Aillet, une remarquable analyse de la situation ecclésiale actuelle, doublée d’un enseignement profond sur le mystère de l’Eglise et de clefs de lecture pour les temps que nous vivons. Un ouvrage à lire et à conseiller !
« C’est peu dire que l’Église traverse aujourd’hui une période de turbulences_ À l’intérieur, elle est secouée par le scandale des abus sexuels qui défigurent son visage – lequel devrait refléter le visage du Christ, « lumière des nations» – et plongent de nombreuses victimes dans la nuit de l’angoisse et du mal-être. On a mis du temps, dans notre société contemporaine, à prendre conscience de l’impact destructeur du préjudice subi par les victimes, en particulier dans leur tendre enfance. Les évêques de France, qui se sont saisis de la question dès les années 2000, ont cherché à faire toute la lumière sur ces affaires, ils ont pris la résolution d’être davantage à l’écoute des victimes, pour les accompagner dans leur chemin de reconnaissance et de réparation, et même s’il s’agit de ne céder à aucun anachronisme, ils ont pris acte des graves négligences passées dans le traitement des coupables.
On peut ajouter à cela le climat de grande confusion doctrinale et morale qui règne à l’intérieur de l’Église, où d’aucuns prennent prétexte de la crise des abus pour remettre en cause les fondements mêmes de la foi catholique en matière d’ecclésiologie, de théologie du sacerdoce, d’anthropologie et de morale, et se croient autorisés à préconiser de folles réformes de l’institution ecclésiale. Que des fidèles de base se laissent influencer par « la dictature du relativisme » ambiant, en raison d’un manque cruel de formation, on peut le comprendre. Mais que des théologiens, des évêques, des pasteurs, des mouvements d’Église se laissent séduire par les sirènes du monde qui nous pressent d’adapter la foi bimillénaire de l’Église aux évolutions d’une culture de la déconstruction systématique, cela défie l’entendement. C’est pourtant, pour prendre un exemple significatif, la voie sur laquelle la démarche synodale allemande semble s’engager, jusqu’à inquiéter le Saint-Siège et provoquer l’ironie du pape François quand il déclare aux journalistes: « Il y a déjà en Allemagne une Église protestante, il n’y en a pas besoin d’une seconde »!
Avouons que la consultation du peuple de Dieu voulue par le Saint-Père, à l’occasion du synode sur la synodalité, n’a pas contribué à dissiper la confusion, si l’on en croit la collecte des synthèses diocésaines : un grand nombre de propositions rapportées, relayées par les médias, y compris catholiques, sont même en contradiction formelle avec le magistère de l’Église et ne sauraient donc en aucun cas refléter le « sensus fidei » du peuple de Dieu.
Je ne sous-estime pas pour autant les « soldats inconnus de la foi », qui vivent leur foi humblement dans l’ordinaire de leur vie chrétienne, et qui n’ont d’ailleurs pas ou très peu participé au synode. On apprend d’ailleurs que seuls 10 % des catholiques français se sont sentis concernés par la démarche synodale en cours. Loin de moi non plus l’idée d’ignorer les nombreux foyers de ferveur, d’élan caritatif et missionnaire, qui émergent ici ou là en France, en particulier parmi les jeunes, voire ces ilots de résistance spirituelle à la « culture de mort» qui domine aujourd’hui à travers ce qu’on désigne sous le nom de « wokisme ». Benoît XVI les appelait « ces minorités créatives qui font l’histoire », et j’ai la conviction qu’elles offriront tôt ou tard à nos contemporains, déçus par l’humanisme inhumain, c’est-à-dire sans Dieu, qui domine notre société devenue néopaïenne, des oasis de fraîcheur, comme autant de refuges sûrs dans les déserts spirituels actuels ou de pôles de lumière qui rendront l’Église et le message de l’Évangile à nouveau attractifs.
Encore faut-il les soutenir, les encourager, les affermir, pour ne pas laisser la confusion gagner inexorablement du terrain et le courant emporter les plus faibles et les plus petits.
Les nombreux échanges que j’ai avec des fidèles, des prêtres, des consacrés, dans mon diocèse ou ailleurs, font naître en moi un sentiment de compassion pour ces membres du peuple de Dieu qui attendent une parole d’autorité pour garder le cap, tant ils se sentent perdus et désorientés, voire en manque de paternité. Et ils se tournent à juste titre vers les évêques qui ont reçu la mission de « garder fidèlement la foi catholique reçue des Apôtres» et d’affermir leurs frères dans la foi. Il ne s’agit pas pour moi de me démarquer, et je suis sûr que ce sentiment traverse le coeur de bien des évêques aujourd’hui. Mais j’ai l’intime conviction qu’il y a « un temps pour se taire et un temps pour parler» (Qo 3,7).
Je sais bien que l’Église apparaît aujourd’hui très affaiblie aux yeux du monde, en particulier en raison de la crise des abus, et que ses ennemis, tant de l’intérieur que de l’extérieur, en prennent prétexte pour la contraindre au silence, à tel point que d’aucuns pourraient être tentés de faire profil bas. Certes, nous devons rester modestes et proclamer la vérité avec humilité et non en surplomb. Toutefois l’humilité consiste pas à s’incliner devant le monde, mais précisément, à servir la Vérité et à s’effacer devant elle, avec la conviction que nous parlons au nom d’un autre qui seul a « les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,68) et qui nous a précisément envoyés dans le monde pour « rendre témoignage à la vérité» (Jn 18,37). Et j’ai bien conscience que la seule position de
surplomb dans laquelle nous avons le droit de parler, c’est celle de la croix, à laquelle nous ne saurions nous dérober : « Rappelez-vous la parole que je vous ai dite : un serviteur n’est pas plus grand que son maître. Si l’on m’a persécuté, on vous persécutera, vous aussi. Si l’on a gardé ma parole, on gardera aussi la vôtre» On 15,20). Nous ne pouvons plus avoir la naïveté de croire que le monde nous veut du bien : « Si vous apparteniez au monde, le monde aimerait ce qui est à lui. Mais vous n’appartenez pas au monde, puisque je vous ai choisis en vous prenant dans le monde ; voilà pourquoi le monde a de la haine contre vous» On 15,19) ; et encore: « Nous savons que nous sommes de Dieu, alors que le monde entier est au pouvoir du Mauvais» (Jn 5,19). Les multiples
exemples de persécution ouverte ou sournoise auxquels les chrétiens sont de plus en plus confrontés, viennent confirmer l’actualité de ces paroles prophétiques.
Le Christ Jésus parlait « comme un homme qui a autorité et non comme les scribes» (Mt 7,29) et il a confié précisément à ses apôtres le pouvoir d’enseigner avec la même autorité: « Qui vous écoute m’écoute ; qui vous rejette me rejette ; et qui me rejette rejette celui qui m’a envoyé » (Lc 10,16); et : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre : Allez! Enseignez toutes les nations… »(Mt 28,18-19). Or la véritable autorité, c’est de détenir le pouvoir, par nature ou par grâce, de faire grandir ceux qui nous sont confiés. Autorité » vient en effet du mot latin auctoritas, lui-même
issu du verbe augere qui signifie « augmenter »; dans le mot auctoritas, il y a aussi le mot auctor qui veut dire « auteur » ou « source ». Ainsi, une parole d’autorité, c’est une parole qui rejoint la source de la vie, dont Dieu est l’auteur en chaque personne, pour la faire grandir. Rien à voir avec ces incantations qui distribuent des ordres et imposent des restrictions abusives, ce qui ressemble davantage à un abus de pouvoir qu’à l’exercice de l’autorité, parce qu’elles ne s’adressent pas à l’intériorité de l’homme responsable. Rien à voir non plus avec ces déclarations parfois consensuelles de l’Église, qui n’ose pas hausser le ton autant qu’il le faudrait pour affirmer avec vigueur la vérité sur l’homme et sur le monde dont elle est dépositaire, comme si l’homme n’était pas naturellement incliné à la vérité !
J’avoue être hanté, à quarante ans de distance, par cette interpellation du cardinal Joseph Siri, alors archevêque de Gênes, qui m’a ordonné diacre et prêtre pour la Communauté Saint-Martin. Il nous posait cette question : «Qui gouverne l’Église, aujourd’hui? » Et il répondait: « Sa Majesté la Peur »! Il faisait ainsi écho à la fameuse parole du pape Jean-Paul II, prenant possession de sa charge de successeur de Pierre, le 22 octobre 1978: « N’ayez pas peur », et qui a donné du courage à plus d’une génération.
La règle pastorale de saint Grégoire le Grand, adressée aux évêques de son temps, et que j’ai relue récemment, n’a rien perdu de son actualité. Il y commente de manière appuyée le reproche du prophète Isaïe adressé aux mauvais bergers d’Israël qu’il traite de « chiens muets » : « Les guetteurs d’Israël sont tous des aveugles, ils ne connaissent rien ; ce sont tous des chiens muets, incapables d’aboyer ; à bout de souffle, allongés, ils aiment somnoler. Ce sont des chiens voraces, insatiables, des bergers incapables de comprendre ! Ils suivent tous leur propre chemin, tous, sans exception, ne pensant qu’à leur intérêt» (Is 56,10-11). Ces paroles résonnent en moi comme une invitation pressante à donner une parole d’autorité – certes ni définitive ni exhaustive – pour contribuer à dissiper la confusion actuelle, en rappelant quelques vérités fondamentales sur l’Église, le sacerdoce, la formation des laïcs et la mission prophétique de l’Église dans le monde. J’ai bien conscience que je ne serai pas « politiquement correct» et que je m’exposerai à bien des critiques. Je demande d’avance pardon pour mes maladresses, mais je veux tirer de ces paroles de saint Paul ma seule ligne de conduite : «Est-ce donc à des hommes que je cherche à plaire ? Si j’en étais encore à plaire à des hommes, je ne serais pas serviteur du Christ» (Ga 1,10). C’est à de pauvres êtres fragiles et pécheurs que Jésus a confié son message de salut, en déclarant même à ses disciples si démunis devant la charte du royaume des Cieux qu’il venait de promulguer dans le Sermon sur la montagne : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel s’affadit, comment le salera-t-on ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens » (Mt 5,13).
Nommé évêque par le pape BenoIt XVI qui vient de nous quitter, je me sens redevable de sa paternité et je trouve en lui un encouragement: son seul souci aura été de transmettre la foi, dans une fidélité inflexible à la tradition bimillénaire de l’Église, sans« fuir, par peur, devant les loups» ni craindre de guider l’Église à contre-courant des idéologies à la mode, mais toujours avec une extrême courtoisie et humilité. Comme tous les prophètes, souvent incompris de leurs contemporains, on verra sans tarder qu’il était en avance sur son temps et qu’il aura marqué l’avenir de l’Église de manière décisive. La présence à ses obsèques à Rome, le 5 janvier 2023, de plus de 5 000 prêtres, jeunes en majorité, en est le signe éloquent.
En rappelant des vérités, parfois passées sous silence ou battues en brèche, je n’ai pas d’autre ambition que de suivre ce conseil de l’apôtre Paul à Timothée : « Devant Dieu et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire» (2Tm 4,1-2). Cela est d’autant plus urgent que ce que Paul annonçait est aujourd’hui d’une brûlante actualité : « Un temps viendra où les gens ne supporteront plus l’enseignement de la saine doctrine ; mais, au gré de leurs caprices, ils iront se chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d’entendre du nouveau. Ils
refuseront d’entendre la vérité pour se tourner vers des récits mythologiques» (2Tm 4,3-4). D’où cette ultime recommandation de Paul à Timothée, qu’il appelle son « enfant bien-aimé» (2Tm 1,2) : « Mais toi en coute chose garde la mesure, supporte la souffrance, fais ton travail d’évangélisateur, accomplis jusqu’au bout ton ministère » (2 Tm 4,5).
Saint Jean-Paul II dénonçait naguère, dans nos vieilles nations de chrétienté, une « apostasie silencieuse ». À moins que l’on ne connaisse déjà cette apostasie générale dont le Catéchisme de l’Église catholique rappelle, en citant l’apôtre Jean, qu’elle précédera la venue de l’Antichrist : « Avant l’avènement du Christ, l’Église doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants. La persécution qui accompagne son pèlerinage sur la terre dévoilera le « mystère d’iniquité » sous la forme d’une imposture religieuse apportant aux hommes une solution apparente à leurs problèmes au prix de l’apostasie de la vérité. L’imposture suprême est celle de l’Antichrist, c’est-à-dire d’un pseudo-messianisme où l’homme se glorifie lui-même à la place de Dieu et de son Messie venu dans la chair. »
Plus que jamais, aujourd’hui, il me semble que c’est le temps des saints. Il n’y a que les saints qui ne sont pas emportés par le courant et ce sont eux, les vrais réformateurs de l’Église. Puissent ces modestes réflexions encourager le lecteur dans la foi, lui permettre de prendre la vraie mesure des choses, « de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’Évangile ». Avec Benoit XVI, dans son Testament spirituel publié par le Vatican, le soir de sa mort, le 31 décembre 2022, je voudrais dire tout simplement : « Restez fermes dans la foi! Ne vous laissez pas troubler ! »