Le secret admirable du Très Saint Rosaire (24) – La méditation des Mystères – St Louis-Marie Grignion de Montfort

22e ROSE : LA MÉDITATION DES MYSTÈRES NOUS CONFORME A JÉSUS

[65] Le soin principal de l’âme chrétienne est de tendre à la perfection. Soyez les fidèles imitateurs de Dieu, comme ses enfants bien-aimés, nous dit le grand Apôtre (Ep 5,1). Cette obligation est comprise dans le décret éternel de notre prédestination, comme l’unique moyen ordonné pour parvenir à la gloire éternelle. Saint Grégoire de Nysse dit gracieusement que nous sommes des peintres. Notre âme est la toile d’attente sur laquelle nous devons appliquer le pinceau, les vertus sont les couleurs qui doivent relever son éclat, et l’original que nous devons copier, c’est Jésus-Christ, l’image vivante qui représente parfaitement le Père éternel. Comme donc un peintre pour tirer un portrait au naturel se met devant les yeux l’original, et qu’à chaque coup de pinceau qu’il donne il regarde, de même le chrétien doit toujours avoir devant les yeux la vie et les vertus de Jésus-Christ, pour ne rien dire, ne rien penser, ne rien faire qui n’y soit conforme.

[66] C’est pour nous aider dans l’important ouvrage de notre prédestination, que la sainte Vierge a ordonné à saint Dominique d’exposer aux fidèles qui récitent le Rosaire les mystères sacrés de la vie de Jésus-Christ, non seulement afin qu’ils l’adorent et le glorifient, mais principalement afin qu’ils règlent leur vie et leurs actions sur ses vertus. Or, comme les enfants imitent leurs parents en les voyant et en conversant avec eux ; qu’ils apprennent leur langage en les entendant parler ; qu’un apprenti, en voyant travailler son maître, apprend son art ; de même les fidèles confrères du Rosaire, en considérant sérieusement et dévotement les vertus de Jésus-Christ, dans les quinze mystères de sa vie, deviennent semblables à ce divin Maitre, avec le secours de sa grâce et par l’intercession de la sainte Vierge.

[67] Si Moise ordonna au peuple hébreu, de la part de Dieu même, de ne jamais oublier les bienfaits dont il avait été comblé, à plus forte raison le Fils de Dieu peut-il nous commander de graver dans notre cœur et d’avoir sans cesse devant les yeux les mystères de sa vie, de sa passion et de sa gloire, puisque ce sont autant de bienfaits dont Il nous a favorisés et par lesquels il nous a montré l’excès de son amour pour notre salut. « O vous tous qui passez, dit-il, arrêtez-vous et considérez s’il y eut jamais douleurs semblables aux douleurs que j’endure pour votre amour (Lm 1,12). Souvenez-vous de ma pauvreté et de mes abaissements, pensez à l’absinthe et au fiel que j’ai pris pour vous dans ma passion (Lm 3,19). »

Ces paroles et beaucoup d’autres qu’on pourrait alléguer nous convainquent assez de l’obligation que nous avons de ne pas nous contenter de réciter le Rosaire vocalement en l’honneur de Jésus-Christ et de la sainte Vierge, mais de le réciter avec la méditation des mystères sacrés.

 

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Le secret admirable du Très Saint Rosaire (23) – les mystères du Rosaire – St Louis-Marie Grignion de Montfort

TROISIÈME DIZAINE

Excellence du saint Rosaire dans la méditation de la vie et de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

 

21ème ROSE

LES QUINZE MYSTÈRES DU ROSAIRE

[60] Un mystère est une chose sacrée et difficile à comprendre. Les œuvres de Jésus-Christ sont toutes  sacrées et divines, parce qu’il est Dieu et homme tout ensemble. Celles de la sainte Vierge sont très saintes, parce qu’elle est la plus parfaite de toutes les pures créatures. On appelle avec raison les œuvres de Jésus-Christ et de sa sainte Mère des mystères, parce qu’elles sont remplies de quantité de merveilles, de perfections et d’instructions profondes et sublimes, que le Saint-Esprit découvre aux humbles et aux âmes simples qui les honorent.

On peut encore appeler les œuvres de Jésus et de Marie des fleurs admirables, dont l’odeur et la beauté ne sont connues que de ceux qui les approchent, qui les flairent et qui les ouvrent par une attentive et sérieuse méditation.

[61] Saint Dominique a partagé la vie de Jésus-Christ et de la sainte Vierge en quinze mystères[1], qui nous représentent leurs vertus et leurs principales actions comme quinze tableaux dont les traits doivent nous servir de règle et d’exemple pour la conduite de notre vie. Ce sont quinze flambeaux pour guider nos pas dans ce monde ; quinze miroirs ardents pour connaître Jésus et Marie, pour nous connaître nous-mêmes et pour allumer le feu de leur amour dans nos cœurs ; quinze fournaises pour nous consumer entièrement de leurs célestes flammes.

La sainte Vierge a enseigné à saint Dominique cette excellente méthode de prier et lui a ordonné de la prêcher, afin de réveiller la piété des chrétiens et de faire revivre l’amour de Jésus-Christ dans leurs cœurs. Elle l’enseigna aussi au bienheureux Alain de la Roche. « C’est une prière très utile, lui dit-elle, c’est un service qui m’est fort agréable, que de réciter cent cinquante Salutations angéliques. Il me l’est encore davantage, et ceux-là feront encore beaucoup mieux, qui réciteront les salutations avec la méditation de la vie, de la passion et de la gloire de Jésus-Christ, car cette méditation est l’âme de ces oraisons. » En effet, le Rosaire, sans la méditation des mystères sacrés de notre salut, ne serait presque qu’un corps sans âme, une excellente matière sans sa forme qui est la méditation, qui le distingue des autres dévotions.

[62] La première partie du Rosaire contient cinq mystères, dont le premier est l’Annonciation de l’archange Gabriel à la sainte Vierge ; le second, la Visitation de la sainte Vierge à sainte Élisabeth ; le troisième, la Nativité de Jésus-Christ ; le quatrième, la Présentation de l’Enfant Jésus au temple et la purification de la sainte Vierge ; le cinquième, le Recouvrement de Jésus dans le temple parmi les docteurs. On appelle ces Mystères joyeux à cause de la joie qu’ils ont donnée à tout l’univers. La sainte Vierge et les anges furent comblés de joie au moment heureux où le Fils de Dieu s’incarna. Sainte Élisabeth et saint Jean-Baptiste furent remplis de joie par la visite de Jésus et de Marie. Le ciel et la terre se sont réjouis à la naissance du Sauveur. Siméon fut consolé et comblé de joie, quand il reçut Jésus dans ses bras. Les docteurs étaient ravis d’admiration en entendant les réponses de Jésus ; et qui exprimera la joie de Marie et de Joseph en retrouvant Jésus après trois jours d’absence ?…

[63] La seconde partie du Rosaire se compose aussi de cinq mystères que l’on appelle Mystères douloureux, parce qu’ils nous représentent Jésus-Christ accablé de tristesse, couvert de plaies, chargé d’opprobres, de douleurs et de tourments. Le premier de ces mystères est la prière de Jésus et son Agonie au jardin des Olives ; le second, sa Flagellation ; le troisième, son Couronnement d’épines ; le quatrième, le Portement de Croix ; le cinquième, son Crucifiement et sa mort sur le Calvaire.

[64] La troisième partie du Rosaire contient cinq autres mystères qu’on appelle glorieux, parce que nous y contemplons Jésus et Marie dans le triomphe et dans la gloire. Le premier est la Résurrection de Jésus-Christ ; le second, son Ascension au ciel ; le troisième, la Descente du Saint-Esprit sur les apôtres ; le quatrième, l’Assomption de la glorieuse Vierge ; le cinquième, son Couronnement.

Voilà les quinze fleurs odoriférantes du Rosier mystique sur lesquelles les âmes pieuses s’arrêtent comme de sages abeilles, pour en cueillir le suc admirable et en composer le miel d’une dévotion solide.

 

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[1] Jean-Paul II y a ajouté les mystères lumineux, on peut se référer à son admirable lettre sur le Rosaire, Rosarium Virginis Mariae.




Bienheureuse Dina Bélanger : Les flammes du Cœur de Jésus passaient par le Cœur immaculé de Marie…

La Bienheureuse Dina Bélanger raconte : « Notre-Seigneur, Homme-Dieu, me fit voir son Cœur adorable dans l’Hostie sainte. Je ne regardai pas son Visage sacré, mais son Cœur et l’Hostie me captivaient.

Les deux, son Cœur et l’Hostie, étaient parfaitement unis, tellement l’un dans l’autre que je ne puis pas expliquer comment il m’était possible de les distinguer l’un de l’autre.

De l’Hostie, émanait une immensité de rayons de lumière. De son Cœur, jaillissait une immensité de flammes, lesquelles s’échappaient comme en torrents pressés. La Très Sainte Vierge était là, si près de Notre-Seigneur qu’elle était comme absorbée par lui et, pourtant, je la voyais distinctement de lui. Oh ! Qu’elle était pure !

Toutes les lumières de l’Hostie et toutes les flammes du Cœur de Jésus passaient par le Cœur immaculé de la Très Sainte Vierge.

Notre-Seigneur me dit : “Oui, faites-moi régner par Jésus-Marie”. À cette vue, à ces paroles, toujours intérieurement, à genoux, je tombai prosternée, comme anéantie d’amour en présence de mon Dieu, et avec un accent de supplication que je ne connaissais pas, je dis : “O Cœur Eucharistique de Jésus, je t’en supplie, par Notre-Dame du Cœur Eucharistique, règne dans toutes les âmes comme tu le veux.” »

Bienheureuse Dina Belanger (1898-1929) Québec




Marie est mer que nul n’épuise…

« Marie est une mer que nul n’épuise ;

Plus y trouve qui plus y puise.

Je n’ai pas besoin de raconter des fariboles

Ni d’inventer fictions et mensonges

par manque de matière,

Car en tant de lieux la Mère de Dieu

Fait tant de Miracles et tant de merveilles

Que le monde entier s’en émerveille. »

Gautier de Coincy (moine poète au 12ème siècle)




Le secret admirable du Très Saint Rosaire (22) – la prière de l’Ave Maria, suite – St Louis-Marie Grignion de Montfort

20e ROSE
BRÈVE EXPLICATION DE L’AVE MARIA

[57] Etes-vous dans la misère du péché ? Invoquez la divine Marie, dites-lui : Ave, qui veut dire : je vous salue dans un très profond respect, ô vous qui êtes sans péché et sans malheur. Elle vous délivrera du mal de vos péchés.
Etes-vous dans les ténèbres de l’ignorance ou de l’erreur ? Venez à Marie, dites-lui : Ave Maria, c’est-à dire illuminée des rayons du soleil de justice ; et elle vous fera part de ses lumières.
Etes-vous égaré du chemin du ciel ? Invoquez Marie, qui veut dire : Étoile de la mer et l’étoile polaire qui guide notre navigation en ce monde, et elle vous conduira au port du salut éternel.
Etes-vous dans l’affliction ? Ayez recours à Marie qui veut dire : mer amère qui a été remplie d’amertume en ce monde et qui est présentement changée dans une mer de pures douceurs au ciel ; elle convertira votre tristesse en joie et vos afflictions en consolations.
Avez-vous perdu la grâce ? Honorez l’abondance des grâces dont Dieu a rempli la sainte Vierge, dites-lui : « Pleine de grâces» et (de) tous les dons du Saint-Esprit, et elle vous fera part de ses grâces.
Etes-vous seul, privé de la protection de Dieu, adressez-vous à Marie, dites-lui : « Le Seigneur est avec vous » plus noblement et intimement que dans les justes et les saints, car vous êtes une même chose avec Lui ; étant votre Fils, sa chair est votre chair, vous êtes avec le Seigneur par une très parfaite ressemblance et par une mutuelle charité ; car vous êtes sa Mère. Dites-lui enfin : Toute la très sainte Trinité est avec vous dont vous êtes le Temple précieux ; et elle vous remettra sous la protection et sauvegarde de Dieu.
Etes-vous devenu l’objet de la malédiction de Dieu ? Dites : « Vous êtes bénie par-dessus toutes les femmes » et de toutes les nations, pour votre pureté et fécondité ; vous avez changé la malédiction divine en bénédiction ; et elle vous bénira.
Avez-vous faim du pain de la grâce et du pain de vie ? Approchez de celle qui a porté le pain vivant qui est descendu du Ciel, dites-lui : « Le fruit de votre ventre soit béni », lequel vous avez conçu sans nul déchet de votre virginité, que vous avez porté sans peine et enfanté sans douleur. « Jésus» soit béni qui a racheté le monde captif, guéri le monde malade, ressuscité l’homme mort, ramené l’homme banni, justifié l’homme criminel, sauvé l’homme damné. Sans doute votre âme sera rassasiée du pain de la grâce en cette vie et de la gloire éternelle en l’autre. Amen.

[58] Concluez votre prière avec l’Église et dites : « Sainte Marie », sainte au corps et en l’âme, sainte par un dévouement singulier et éternel au service de Dieu, sainte en qualité de Mère de Dieu qui vous a douée d’une éminente sainteté, convenable à cette dignité infinie.
« Mère de Dieu », qui êtes aussi notre Mère, notre Avocate et Médiatrice, la Trésorière et Dispensatrice des grâces de Dieu, procurez-nous promptement le pardon de nos péchés et notre réconciliation avec la divine Majesté.
« Priez pour nous pécheurs », vous qui avez tant de compassion des misérables, qui ne méprisez et ne rebutez point les pécheurs, sans lesquels vous ne seriez pas la Mère du Sauveur.
« Priez pour nous maintenant », pendant le temps de cette vie courte, fragile et misérable, « maintenant », car nous n’avons d’assuré que ce moment présent maintenant que nous sommes attaqués et environnés nuit et jour d’ennemis puissants et cruels.
« Et à l’heure de notre mort », si terrible et si périlleuse, où nos forces sont épuisées, où nos esprits et nos corps sont abattus par la douleur et la crainte ; à l’heure de notre mort que Satan redouble ses efforts afin de nous perdre pour jamais ; à cette heure que ce sera la décision de notre sort pour toute l’éternité bienheureuse ou malheureuse. Venez au secours de vos pauvres enfants, ô Mère pleine de pitié, ô l’avocate et le refuge des Pécheurs, chassez loin de nous, à l’heure de la mort, les démons nos accusateurs et nos ennemis, dont l’aspect effroyable, nous épouvante. Venez nous éclairer dans les ténèbres de la mort. Conduisez-nous, accompagnez-nous au tribunal de notre juge, votre Fils ; intercédez pour nous afin qu’il nous pardonne et nous reçoive au nombre de vos élus dans le séjour de la gloire éternelle. « Amen ». Ainsi soit-il.

[59] Qui n’admirera l’excellence du saint Rosaire, composé de ces deux divines parties, l’Oraison dominicale et la Salutation angélique. Y a-t-il de prière plus agréable à Dieu et à la sainte Vierge, plus facile, plus douce et plus salutaire aux hommes ? Ayons-les toujours au cœur et dans la bouche pour honorer la très sainte Trinité, Jésus-Christ notre Sauveur et sa très sainte Mère. De plus, à la fin de chaque dizaine, il est bon d’ajouter le Gloria Patri, etc., c’est-à-dire : Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Comme il était au commencement, comme il est maintenant et il sera dans tous les siècles des siècles.
Ainsi soit-il.

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Le secret admirable du Très Saint Rosaire (21) – la prière de l’Ave Maria, suite – St Louis-Marie Grignion de Montfort

19e ROSE

[53] Il est écrit : « Donnez et l’on vous donnera. » Prenons la comparaison du bienheureux Alain : « Si je vous donnais chaque jour cent cinquante diamants, quand vous seriez mon ennemi, ne me pardonneriez-vous pas ? Ne me feriez-vous pas comme un ami toutes les grâces que vous pourriez ? Voulez-vous vous enrichir des biens de la grâce et de la gloire ? Saluez la sainte Vierge, honorez votre bonne Mère. »

Sicut qui thesaurizat, ita te qui honorificat matrem (Si 3,5). Celui qui honore sa Mère, la sainte Vierge, est semblable à un homme qui amasse des trésors. Présentez-lui chaque jour au moins cinquante Ave Maria dont chacun contient quinze pierres précieuses, qui lui sont plus agréables que toutes les richesses de la terre. Que ne devez-vous pas attendre de sa libéralité ? Elle est notre Mère et notre amie. Elle est l’impératrice de l’univers qui nous aime plus que toutes les mères et les reines ensemble n’ont aimé un homme mortel. Car, dit saint Augustin, la charité de la Vierge Marie excède tout l’amour naturel de tous les hommes et de tous les anges.

[54] Un jour, Notre-Seigneur apparut à sainte Gertrude comptant des pièces d’or ; elle eut la hardiesse de lui demander ce qu’Il comptait. « Je compte, lui répondit Jésus-Christ, tes Ave Maria, c’est la monnaie dont on achète mon paradis. »

Le dévot et le docte Suarez, de la Compagnie de Jésus, estimait tant le mérite de la Salutation angélique, qu’il disait qu’il aurait volontiers donné toute sa science pour le prix d’un Ave Maria bien dit.

[55] « Que celui qui vous aime, ô divine Marie, lui dit le bienheureux Alain de la Roche, écoute et goûte : Le ciel est dans la joie, la terre est dans l’admiration, toutes les fois que je dis : Ave Maria ; j’ai le monde en horreur, j’ai l’amour de Dieu dans mon cœur, lorsque je dis : Ave Maria ; mes craintes s’évanouissent, mes passions se mortifient, quand je dis : Ave Maria ; je croîs dans la dévotion, je trouve la componction, quand je dis : Ave Maria ; mon espérance s’affermit, ma consolation s’augmente, lorsque je dis : Ave Maria ; mon esprit se réjouit, mon chagrin se dissipe, quand je dis : Ave Maria ; car la douceur de cette bénigne salutation est si grande qu’on n’a point de terme pour l’expliquer comme il faut, et après qu’on en aura dit des merveilles, elle demeure encore si cachée et si profonde qu’on ne la peut découvrir. Elle est courte en paroles, mais grande en mystères ; elle est plus douce que le miel et plus précieuse que l’or ; il faut très fréquemment l’avoir dans le cœur pour la méditer, et dans la bouche pour la lire et la répéter dévotement. »

Le même bienheureux Alain rapporte, au chapitre 69 de son psautier, qu’une religieuse très dévote au Rosaire apparut après sa mort à une de ses sœurs et lui dit : « Si je pouvais retourner dans mon corps pour dire seulement un Ave Maria, quoique sans beaucoup de ferveur, pour avoir le mérite de cette prière, je souffrirais volontiers tout de nouveau toutes les douleurs que j’ai souffertes avant de mourir. » Il faut remarquer qu’elle avait souffert plusieurs années sur son lit des douleurs violentes.

[56] Michel de Lisle, évêque de Salubre, disciple et collègue du bienheureux Alain de la Roche dans le rétablissement du saint Rosaire, dit que la Salutation angélique est le remède à tous les maux qui nous affligent, pourvu que nous la récitions dévotement en l’honneur de la sainte Vierge.




Le secret admirable du Très Saint Rosaire (20) – la prière de l’Ave Maria, suite – St Louis-Marie Grignion de Montfort

18e ROSE

[52] Cette divine Salutation attire sur nous la bénédiction abondante de Jésus et de Marie, car c’est un principe infaillible que Jésus et Marie récompensent magnifiquement ceux qui les glorifient : ils rendent au centuple les bénédictions qu’on leur donne. Ego diligentes me diligo (Pr 8, 17 et 21), ut ditem diligentes me et  thesauros eorum repleam. C’est ce que Jésus et Marie criaient hautement : « Nous aimons ceux qui nous aiment, nous les enrichissons et nous remplissons leurs trésors. » – Qui seminat in benedictionibus, de benedictionibus et metet, (2 Co 69, 6) : « Ceux qui sèment des bénédictions recueilleront des bénédictions. »

Or n’est-ce pas aimer, bénir et glorifier Jésus et Marie que de réciter comme il faut la Salutation angélique ? En chaque Ave Maria, on donnera deux bénédictions à Jésus et à Marie. Vous êtes bénie entre toutes les femmes et béni est le fruit de votre ventre, Jésus. Par chaque Ave Maria, vous rendez à Marie le même honneur que Dieu lui rendit en la saluant avec l’archange Gabriel. Qui pourrait croire que Jésus et Marie, qui font du bien souvent à ceux qui les maudissent, donnassent leurs malédictions à ceux et celles qui les bénissent et les honorent par l’Ave Maria ?

La Reine des cieux, disent saint Bernard et saint Bonaventure, n’est pas moins reconnaissante et honnête que les personnes de qualité bien élevées en ce monde ; elle les surpasse même en cette vertu comme en toutes les autres perfections ; elle ne souffrira donc jamais que nous l’honorions avec respect, qu’elle ne nous le rende au centuple. Marie, dit saint Bonaventure, nous salue avec la grâce, si nous la saluons avec l’Ave Maria : Ipsa salutabit nos cum gratia si salutaverimus eam cum Ave Maria.

Qui pourrait comprendre les grâces et les bénédictions qu’opèrent en nous le salut et les regards bénins de la sainte Vierge ?

Dans le moment que sainte Élisabeth entendit le salut que lui donna la Mère de Dieu, elle fut remplie du Saint-Esprit et l’enfant qu’elle portait dans son sein tressaillit de joie. Si nous nous rendons dignes du salut et de la bénédiction réciproques de la sainte Vierge, sans doute nous serons remplis de grâces et un torrent de consolations spirituelles découlera dans nos âmes.

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Le secret admirable du Très Saint Rosaire (19) – la prière de l’Ave Maria, suite – St Louis-Marie Grignion de Montfort

17e ROSE

[49] Entre les choses admirables que la sainte Vierge a révélées au bienheureux Alain de la Roche (et nous savons que ce grand dévot à Marie a confirmé par serment ses révélations), il y en a trois des plus remarquables : la première, que c’est un signe probable et prochain de réprobation éternelle, que d’avoir de la négligence, de la tiédeur et de l’aversion pour la Salutation angélique qui a réparé le monde – la seconde, que ceux qui ont de la dévotion pour cette divine salutation portent un très grand signe de prédestination – la troisième, que ceux qui ont reçu du ciel la faveur d’aimer la sainte Vierge et de la servir par affection, doivent être extrêmement soigneux de continuer à l’aimer et à la servir jusqu’à ce qu’elle les ait fait placer dans le ciel par son Fils au degré de gloire convenable à leurs mérites.

[50] Tous les hérétiques, qui sont tous des enfants du diable et qui portent les marques évidentes de la réprobation, ont horreur de l’Ave Maria ; ils apprennent encore le Pater, mais non pas l’Ave Maria ; ils aimeraient mieux porter sur eux un serpent qu’un chapelet ou un rosaire. Entre les catholiques, ceux qui portent la marque de réprobation ne se soucient guère du chapelet ni du Rosaire, négligent de le dire ou ne le disent qu’avec tiédeur et à la hâte. Quand je n’ajouterais aucune foi pieuse à ce qui a été révélé au bienheureux Alain de la Roche, mon expérience me suffit pour être persuadé de cette terrible et douce vérité. Je ne sais pas, et je ne vois pas même évidemment comment il se peut faire qu’une dévotion si petite en apparence soit la marque infaillible du salut éternel, et son défaut la marque de la réprobation. Cependant, rien n’est si véritable.

Nous voyons même que les gens de nouvelles doctrines de nos jours condamnées par l’Église, avec toute leur piété apparente, négligent beaucoup la dévotion au chapelet et au Rosaire et souvent l’ôtent de l’esprit et du cœur de ceux ou celles qui les approchent, sous les plus beaux prétextes du monde ; ils se gardent bien de condamner ouvertement, comme font les calvinistes, le chapelet, Rosaire, scapulaire ; mais la manière dont ils s’y prennent est d’autant plus pernicieuse qu’elle est plus fine. Nous en parlerons dans la suite.

[51] Mon Ave Maria, mon Rosaire ou mon chapelet, est ma prière, et ma très sûre pierre de touche, pour distinguer ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu d’avec ceux qui sont dans l’illusion du malin esprit. J’ai connu des âmes qui volaient, ce semble, comme des aigles, jusqu’aux nues par leur sublime contemplation, et qui cependant étaient malheureusement trompées par le démon, et je n’ai découvert leurs illusions que par l’Ave Maria et le chapelet, qu’elles rejetaient comme au-dessous d’elles.

L’Ave Maria est une rosée céleste et divine qui, tombant dans l’âme d’un prédestiné, lui communique une fécondité admirable pour produire toutes sortes de vertus, et plus l’âme est arrosée par cette prière, plus elle devient éclairée dans l’esprit, embrasée dans le cœur et fortifiée contre tous ses ennemis.

L’Ave Maria est un trait perçant et enflammé qui, étant uni par un prédicateur à la parole de Dieu qu’il annonce, lui donne la force de percer, de toucher et de convertir les cœurs les plus endurcis, quoique d’ailleurs il n’ait pas beaucoup de talent naturel pour la prédication.

Ce fut ce trait secret que la sainte Vierge, comme j’ai déjà dit, enseigna à saint Dominique et au bienheureux Alain, pour convertir les hérétiques et les pécheurs. C’est de là qu’est venue la pratique des prédicateurs de dire un Ave Maria en commençant leurs prédications, comme assure saint Antonin.

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Saint Jean Apôtre : « Près de Notre Dame des Larmes… »

« Près de la Croix de Jésus se tenait sa Mère… »

Jean 19,25

 

Dans cette prière du lundi à Saint Jean Apôtre, nous disons aussi :

« Toi qui contemplas, près de Notre Dame des larmes,

Le mystère insondable de son Cœur ouvert sur la Croix… »

Cette prière nous projette au centre   du plus grand des mystères : notre salut en Jésus-Christ crucifié et ressuscité ! Et nous savons que le fruit unique de son Cœur transpercé est le jaillissement de l’Esprit !… (Jn 19,34) mais nous savons aussi qu’au tout début de l’histoire du salut, l’Esprit Saint est « venu sur Marie avec puissance » (Lc 1,35) pour opérer le mystère de l’Incarnation… car son œuvre divine est toujours liée à son Epouse ! En ce sens, un des plus beaux textes de Montfort est à méditer en ce sens. C’est comme le « voici ta Mère » du Saint-Esprit :

« Heureuse et mille fois heureuse est l’âme ici-bas, à qui les Saint-Esprit révèle le secret de Marie pour le connaître… Cette âme ne trouvera que Dieu seul, sans créature, dans cette aimable créature ; mais Dieu en même temps infiniment Saint, infiniment condescendant et proportionné à sa faiblesse… car il n’y a point de lieu où la créature puisse le trouver plus proche d’elle et plus proportionné à sa faiblesse qu’en Marie, puisque c’est pour cet effet qu’il y est descendu. Partout ailleurs, il est le pain des forts et des anges ; mais en Marie, il est le pain des enfants[1]… »

Ainsi, depuis qu’Elle a dit « oui » à l’Annonciation et qu’Elle l’a porté en son sein, Marie sera pour toujours « tout contre Jésus » … Ce n’est pas seulement la place de la Mère, c’est le mystère de toute sa vie que d’être sans cesse posée, follement abandonnée, entre les bras de son Fils et son Dieu étendu sur la Croix ! Son Cœur Immaculé et douloureux est toujours « tout près » de l’Amour sauveur pendant que, trop souvent, nous sommes « ailleurs » ! Elle est là en notre nom à ce moment bouleversant et solennel où Le Seigneur nous dit à travers Jean : « Voici ta Mère ! » (Jn 19,27). Il devient son premier enfant, et nous devenons « tous » cet enfant unique « né dans les douleurs et le travail de l’enfantement » (Ap 12,2). Il est temps d’ouvrir les yeux de la foi sur Notre Dame des larmes…

Elle était là, debout et unie comme personne à l’Amour crucifié, debout et offerte à jamais « pour nous » puisque son Fils tant aimé « voyant sa Mère et, se tenant près d’Elle, le disciple qu’il aimait, dit à sa Mère : « Femme, voici ton fils ! » (Jn 19,26). Et à cet instant, Saint Jean-Paul II contemple : « Il ouvrit d’une manière toute nouvelle le Cœur de sa Mère… Marie devint la mère de Jean. La Mère de Dieu est devenue la Mère de l’homme… et à travers Jean, tout homme devint son fils à Elle… » Désormais, « Marie est Mère de tous les hommes et son empressement pour la vie de l’homme est de portée universelle[2]… »

Ainsi donc, quand du haut de la Croix, le Christ fait de sa Mère « notre Mère », cela la lie au mystère de l’Eglise à travers le temps : Elle reçoit la mission de « veiller » à la fois sur toute l’humanité et sur chaque homme pour les protéger et les conduire vers son Fils, Unique Sauveur. Elle est le visage maternel de l’Esprit Saint qui déploie en douceur, patience et puissance l’œuvre du salut ; car la maternité universelle de Marie est une participation à la puissance du Paraclet[3].

Qui comprendra l’inépuisable tendresse du Cœur de Marie ? Elle nous aime comme Elle a aimé Jésus au pied de la Croix… car « ici a lieu la naissance du nouveau peuple de Dieu, de l’Eglise, dont Marie est à la fois l’image et la Mère[4] ».

Et c’est pourquoi à Fatima, son « Cœur Immaculé » est entouré d’une couronne d’épines… Il est le « signe » qui la lie à nous à chaque instant dans le mystère du salut. Et c’est donc aussi la « certitude » qu’Elle enveloppe de sa douceur chacune de nos douleurs où l’Esprit nous fait naître à l’Amour…

 

+Marie-Mickaël

 

[1] Saint Louis Marie de Montfort, Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, n°20.

[2] Saint Jean-Paul II, Homélie à Fatima, 13 Mai 1982.

[3] Ce terme johannique est apparenté à « paraklèsis » : consolateur. Mais il se rapproche également de « parakaleö » qui signifie : « appeler près de soi ». Ainsi, « la Paraclet désigne trois aspects de l’activité de l’Esprit Saint : Présence de Jésus (Jn 14,15-18), Défense de Jésus (Jn 15,26 /16,7), Mémoire vivante de l’Eglise qui lui permet d’actualiser ce qu’a dit Jésus (Jn 14,26) ». Dictionnaire du Nouveau Testament, Seuil 1975, p.407.

[4] Ignace de la Potterie, Marie dans le mystère de l’Alliance, Desclée 1988, p.280.




Le secret admirable du Très Saint Rosaire (18) – la prière de l’Ave Maria, suite – St Louis-Marie Grignion de Montfort

16e ROSE

[46] Quoiqu’il n’y ait rien d’aussi grand que la majesté divine ni rien d’aussi abject que l’homme considéré comme pécheur, cette suprême Majesté ne dédaigne pas néanmoins nos hommages, elle est honorée quand nous chantons ses louanges. Et le salut de l’ange est un des plus beaux cantiques que nous puissions adresser à la gloire du Très-Haut. Canticum novum cantabo tibi (Ps 143,9) : « Je vous chanterai un cantique nouveau. » Ce cantique nouveau que David a prédit qu’on chanterait à la venue du Messie, c’est la Salutation de l’archange.

Il y a un cantique ancien et un cantique nouveau. L’ancien est celui que les Israélites ont chanté en reconnaissance de la création, de la conservation, de la délivrance de leur captivité, du passage de la mer Rouge, de la manne et de toutes les autres faveurs du ciel. Le cantique nouveau est celui que les chrétiens chantent en actions de grâces de l’ Incarnation et de la Rédemption.

Comme ces prodiges ont été accomplis par le salut angélique, nous répétons ce même salut pour remercier la Très sainte Trinité de ses bienfaits inestimables. Nous louons Dieu le Père de ce qu’il a tant aimé le monde, qu’il lui a donné son Fils unique pour sauveur. Nous bénissons le Fils de ce qu’il est descendu du ciel sur la terre, de ce qu’il s’est fait homme et de ce qu’il nous a rachetés. Nous glorifions le Saint-Esprit de ce qu’il a formé dans le sein de la sainte Vierge ce corps très pur qui a été la victime de nos péchés. C’est dans cet esprit de reconnaissance que nous devons réciter le salut angélique, produisant des actes de foi, d’espérance, d’amour et d’actions de grâces pour ce bienfait de notre salut.

[47] Quoique ce cantique nouveau s’adresse directement à la Mère de Dieu et qu’il contienne ses éloges, il est néanmoins très glorieux à la Sainte-Trinité, parce que tout l’honneur que nous rendons à la sainte Vierge retourne à Dieu comme à la cause de toutes ses perfections et de toutes ses vertus. Dieu le Père est glorifié de ce que nous honorons la Plus parfaite de ses créatures. Le Fils est glorifié de ce que nous louons sa très pure Mère. Le Saint-Esprit est glorifié de ce que nous admirons les grâces dont il a rempli son épouse.

De même que la sainte Vierge, par son beau cantique Magnificat, renvoya à Dieu les louanges et les bénédictions que lui donna sainte Élisabeth sur son éminente dignité de Mère du Seigneur, de même elle renvoie promptement à Dieu les éloges et les bénédictions que nous lui donnons par le salut angélique.

[48] Si la Salutation angélique rend gloire à la Sainte-Trinité, elle est aussi la louange la plus parfaite que nous puissions adresser à Marie. Sainte Mechtilde, désirant savoir par quel moyen elle pourrait mieux témoigner la tendresse de sa dévotion à la Mère de Dieu, fut ravie en esprit ; et sur cette pensée, la sainte Vierge lui apparut portant sur son sein la Salutation angélique écrite en lettres d’or et lui dit : «  Sachez, ma fille, que personne ne peut m’ honorer par un salut plus agréable que celui que m’a fait présenter la très adorable Trinité et par lequel elle m’a élevée à la dignité de Mère de Dieu. Par le mot « Ave », qui est le nom d’Eve, Eva, j’appris que Dieu, par sa toute-puissance, m’avait préservée de tout Péché et des misères auxquelles la première femme fut sujette.

Le nom de « Marie », qui signifie dame de lumières, marque que Dieu m’a remplie de sagesse et de lumière, comme un astre brillant, pour éclairer le ciel et la terre.

Ces mots : « pleine de grâces », me représentent que le Saint-Esprit m’a comblée de tant de grâces que je puis en faire part abondamment à ceux qui en demandent par ma médiation.

En disant : «le Seigneur est avec vous », on me renouvelle la joie ineffable que je ressentis lorsque le Verbe éternel s’incarna dans mon sein.

Quand on me dit : « vous êtes bénie entre toutes les femmes », je loue la divine miséricorde qui m’a élevée à ce haut degré de bonheur.

A ces paroles :  « Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni », tout le ciel se réjouit avec moi de voir Jésus mon Fils adoré et glorifié pour avoir sauvé les hommes ».

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