« Ce qui était dès le commencement… »
1 Jn 1,1
Voici que nous allons approcher la beauté mystérieuse de l’Apôtre le plus contemplatif et le plus intime de Jésus, au point d’avoir reposé, si souvent, sur sa poitrine… comme pour écouter battre l’Amour du Cœur de Dieu ! (Jn 13,25). En effet, « Saint Jean reposait sur le sein du Seigneur comme le Seigneur reposait sur le sein de son Père. Cette inoubliable formule, qu’Origène frappa au coin de son génie, proclame la splendeur de l’acte théologique : il est communion au mystère du Dieu vivant, contemplation de son Visage en Jésus-Christ[1]… »
C’est dans cette perspective que nous allons entrer ici dans la méditation des prières quotidiennes à Saint Jean Apôtre. On les retrouve dans notre « Livre de vie[2]» : là, nous est proposé pour chaque jour un texte à la fois évangélique, contemplatif et marial. Laissons résonner en nos cœurs celui du lundi :
« O Saint Jean, Apôtre bien-aimé du Seigneur, (Ap 1,9),
dès le commencement, (Jn 1,1-2 / 1 Jn 1,1-4),
tu fus saisi à jamais par le Regard du Maître… (Jn 1,35-39 / Ap 1,14)
Toi qui reposas si souvent sur sa poitrine… (Jn 13,25)
Toi qui contemplas, près de Notre Dame des larmes,
le mystère insondable de son Cœur ouvert sur la Croix… (Jn 19,25-37)
Par l’intercession de Marie, notre Mère, (Ac 1,14 / Jn 2,1-5)
aide-nous à accueillir, jour après jour,
« l’onction du Saint-Esprit » … (1 Jn 2,18-28)
Fais grandir en nous la certitude de la foi (Lc 18,8)
que « Dieu est Amour » … (1 Jn 4,7-16)
lui qui est « plus grand que notre cœur » (1 Jn 3,20)
et nous connaît en sa Miséricorde … (Jn 21,15-17)
Jean est le « bien-aimé » du Seigneur ! Apôtre particulièrement contemplatif, il laisse deviner son intimité la plus continuelle possible avec ce Dieu qui lui a révélé son Visage et son Cœur… et à travers une mission plus effacée qu’un Pierre ou un Paul, il est cependant un des visages éminent du Collège des douze : « Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru : Dieu est Amour ! » (1 Jn 4,16). Tel est le regard de foi d’une Eglise qui se découvre aimée… Tout part d’une puissance baptismale cachée dans le cœur face à « l’esprit de l’Antichrist » (1 Jn 4,3) : « Vous, petits enfants, vous êtes de Dieu et vous les avez vaincus. Car Celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde ! » (1 Jn 4,4).
- « Dès le commencement… »
L’Evangile rapporte deux approches johanniques du « commencement » :
Le premier commencement est historique. Il se dévoile à la première rencontre avec Jésus après le regard et la parole mystérieuse de Jean-Baptiste qui n’a pas échappé à l’Apôtre : « Regardant Jésus qui passait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu ! » (Jn 1,29). A cet instant, la vie de Jean va « basculer » à jamais avec celle d’André, le frère de Simon-Pierre : « Les deux disciples entendirent ses paroles et suivirent Jésus… et ils demeurèrent auprès de Lui ce jour-là. » (Jn 1,37-39). C’est cette première rencontre Unique que décrit Jean avec bouleversement au prologue de sa première Epître : un véritable credo que l’on peut répéter inlassablement en entrant peu à peu dans le regard contemplatif de l’Apôtre bien-aimé…
« Ce qui était dès le commencement,
ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux,
ce que nous avons contemplé,
ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ;
car la Vie s’est manifestée…
Nous l’avons vue, nous en rendons témoignage
et nous vous annonçons cette Vie éternelle,
qui était tournée vers la Père et qui nous est apparue… »
(1 Jn 1,1-2)
L’autre commencement de Jean nous projette dans l’éternité au cœur de l’origine de tout. On entre là dans une contemplation unique de la foi qui invite au silence, à la profondeur… car l’Apôtre n’aurait jamais pu écrire de telles lignes sacrées s’il n’avait découvert en Jésus, « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), le seul Seigneur et Médiateur entre Dieu et les hommes : « Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique qui est dans le sein du Père, nous l’a dévoilé ! » (Jn 1,18). Et c’est de là que Jean se situe pour nous révéler le mystère de la vie de Dieu :
« Au commencement était le Verbe
et le Verbe était tourné vers Dieu
et le Verbe était Dieu.
Il était au commencement tourné vers Dieu ! »
(Jn 1,1-2)
Quand on fait référence « au commencement », on pourrait choisir ici de préférer « au Principe » car en fait, « il n’y a pas de commencement… Nous sommes ici à l’origine, à la Source, de toute éternité jaillissante, en deçà de tout commencement, c’est-à-dire de toute création dans le temps[3] » comme l’indique Saint Jean juste après[4]. Nous sommes ici face au mystère éternel tel que l’indiquait déjà le Siracide dans l’éloge de la Sagesse (Si 24,1-9) ou le Livre des Proverbes de Salomon :
« Dès l’éternité, je fus établie,
dés le principe, avant l’origine de la terre…
Avant que fussent implantées les montagnes,
avant les collines, je fus enfantée ;
avant qu’il eût fait la terre
et les premiers éléments du monde.
Quand il affermit les cieux, j’étais là…
J’étais à ses côtés comme le maître d’œuvre,
je faisais ses délices, jour après jour,
m’ébattant tout le temps en sa présence… »
(Pr 8,23-30)
C’est en ce sens qu’un Père de l’Eglise affirme : « Avant le principe, il n’y a rien. Il n’existe pas de commencement du Principe. Si donc le Fils était au principe, on doit conclure qu’Il n’a pas commencé d’exister dans le temps, mais qu’Il EST de toute éternité avec le Père. C’est pourquoi Isaïe a dit : « Sa génération, qui la racontera ? Sa vie échappe à la terre[5] » (Is 53,8).
+ Marie-Mickaël
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Notes :
[1] Marie-Joseph Le Guillou, o.p. Préface du livre d’André Feuillet, Le Prologue du quatrième Evangile, DDB 1968, p. 7.
[2] Livre de vie pour les derniers temps, Communion de Refuges du Cœur Immaculé de Marie, Coollibri 2023, p.148 à 151. On peut télécharger l’ensemble du « Livre de vie » sur https.//refugedemarie.fr
[3] Bible Chrétienne, II Commentaires, p.6, Editions Anne Sigier,1988, p.6.
[4] « Tout fut par Lui, et sans Lui rien ne fut ! Ce qui fut en Lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes !» (Jn 1,3-4).
[5] Saint Cyrille d’Alexandrie, Sur Jean 1,1 / Patrologie grecque 73,25.