Le secret de Marie, Saint Louis-Marie Grignion de Montfort. Introduction

Après avoir médité durant quelques mois sur le Rosaire avec Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, nous vous proposons de méditer maintenant un de ses ouvrages majeurs : Le secret de Marie. Le but de cet ouvrage est simple : Devenir saint par la grâce de Dieu, avec Celle « qui a trouvé grâce devant Dieu »… Le plan en sera présenté plus bas.

Commençons tout de suite avec l’introduction :

Devenir saint par la grâce de Dieu, avec Celle « qui a trouvé grâce devant Dieu »]

[Un secret de sainteté]

[1] Ame prédestinée, voici un secret que le Très‑Haut m’a appris, et que je n’ai pu trouver en aucun livre ancien ni nouveau. Je [vous] le confie par le Saint‑Esprit, à condition:

1° Que vous ne le confierez qu’aux personnes qui le méritent par leurs oraisons, leurs aumônes, mortifications, persécutions, et zèle du salut des âmes et détachement;

2° Que vous vous en servirez pour devenir sainte et céleste; car ce secret ne devient grand qu’à mesure qu’une âme en fait usage. Prenez bien garde de demeurer les bras croisés, sans travail; car mon secret vous deviendrait poison et serait votre condamnation…

3° A condition que vous remercierez Dieu, tous les jours de votre vie, de la grâce qu’il vous a faite de vous apprendre un secret que vous ne méritez pas de savoir. Et à mesure que vous vous en servirez dans les actions ordinaires de votre vie, vous en connaîtrez le prix et l’excellence que vous ne connaîtrez d’abord qu’imparfaitement, à cause de la multitude et [de] la grièveté de vos péchés et de vos attaches secrètes à vous‑même.

[à recevoir dans la prière à l’Esprit-Saint et à Marie]

[2]       Avant de passer outre dans un désir empressé et naturel de connaître la vérité, dites dévotement, à genoux, l’Ave Maris Stella et le Veni, Creator, pour demander à Dieu la grâce de comprendre et goûter ce mystère divin… A cause du peu de temps que j’ai pour écrire, et du peu que vous avez à lire je dirai tout en abrégé…

[« L’acquisition de la sainteté de Dieu est votre vocation assurée »]

[3]       Ame, image vivante de Dieu et rachetée du Sang précieux de Jésus‑Christ, la volonté de Dieu sur vous est que vous deveniez sainte comme lui dans cette vie, et glorieuse comme lui dans l’autre.

L’acquisition de la sainteté de Dieu est votre vocation assurée; et c’est là que toutes vos pensées, paroles et actions, vos souffrances et tous les mouvements de votre vie doivent tendre; ou vous résistez à Dieu, en ne faisant pas ce pour quoi il vous a créée et vous conserve maintenant.

Oh! quel ouvrage admirable! la poussière changée en lumière, l’ordure en pureté, le péché en sainteté, la créature en le Créateur et l’homme en Dieu ! O ouvrage admirable! je le répète, mais ouvrage difficile en lui‑même et impossible à la seule nature; il n’y a que Dieu qui, par une grâce, et une grâce abondante et extraordinaire, puisse en venir à bout; et la création de tout l’univers n’est pas un si grand chef‑d’oeuvre que celui‑ci.

[Pour parvenir à la sainteté, il faut vivre l’Evangile]

[4] Ame, comment feras‑tu? Quels moyens choisiras‑tu pour monter où Dieu t’appelle? Les moyens de salut et de sainteté sont connus de tous, sont marqués dans l’Évangile, sont expliqués par les maîtres de la vie spirituelle, sont pratiqués par les saints et nécessaires à tous ceux qui veulent se sauver et arriver à la perfection; tels sont: l’humilité de coeur, l’oraison continuelle, la mortification universelle, l’abandon à la divine Providence, la conformité à la volonté de Dieu.

[Pour vivre l’Evangile, la grâce de Dieu est absolument nécessaire]

[5] Pour pratiquer tous ces moyens de salut et de sainteté, la grâce et le secours de Dieu est absolument nécessaire, et cette grâce est donnée à tous plus ou moins grande; personne n’en doute. Je dis: plus ou moins grande; car Dieu quoique infiniment bon, ne donne pas sa grâce également forte à tous, quoiqu’il la donne suffisante à tous. L’âme fidèle à une grande grâce fait une grande action, et avec une faible grâce fait une petite action. Le prix et l’excellence de la grâce donnée de Dieu et suivie de l’âme fait le prix et l’excellence de nos actions. Ces principes sont incontestables.

[L’AFFIRMATION FONDAMENTALE: « Je dis que pour trouver la grâce de Dieu, il faut trouver Marie »]

[6] Tout se réduit donc à trouver un moyen facile pour obtenir de Dieu la grâce nécessaire pour devenir saint ; et c’est celui que je veux [vous] apprendre. Et, je dis que pour trouver la grâce de Dieu, il faut trouver Marie.

 

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Voici le plan de l’ouvrage (entre parenthèse, les numéros des paragraphes) :

INTRODUCTION : Devenir saint par la grâce de Dieu, avec Celle « qui a trouvé grâce devant Dieu »

            Un secret de sainteté (1),

            à recevoir dans la prière à l’Esprit-Saint et à Marie (2).

            « L’acquisition de la sainteté de Dieu est votre vocation assurée » (3),

            Pour parvenir à la sainteté, il faut vivre l’Evangile (4),

            Pour vivre l’Evangile, la grâce de Dieu est absolument nécessaire (5),

            « un moyen facile pour obtenir de Dieu la grâce nécessaire pour devenir saint »:

            L’AFFIRMATION FONDAMENTALE:

            « Je dis que pour trouver la grâce de Dieu, il faut trouver Marie » (6)

PREMIERE PARTIE (7-22): LES FONDEMENTS THEOLOGIQUES DE LA VRAIE DEVOTION A MARIE

            DEMONSTRATION DE L’AFFIRMATION FONDAMENTALE

            (en dix points):« Parce que: 1°… » (6-22)

            La place de Marie dans la dynamique du christocentrisme trinitaire, en lien avec les Mystères de la Création, du Salut, de l’Eglise (cf le Symbole de Nicée-Constatinople)

                        Dixième point: En Marie, chaque membre du Corps Mystique peut réaliser sa vocation à la sainteté en étant pleinement configuré au Christ Tête par l’action de l’Esprit (16-22)

                                    Symbole du moule (16-18. VD 218-221)

« Marie est le grand moule de Dieu, fait par le Saint-Esprit, pour former au naturel un Homme Dieu par l’union hypostatique, et pour former un homme Dieu par la grâce » (17)

                                    Marie « Paradis de Dieu »:  lieu de l’union à Dieu en Jésus-Christ (19-20. VD 6, 45, 261-264)

                                    Marie est toute relative à Jésus (21. VD 225)

                                    Marie nous obtient de porter joyeusement la Croix: symbole du sucre ou de la « confiture » (22. VD 153-154)

 

DEUXIEME PARTIE (23-78): LA VRAIE DEVOTION A MARIE DANS SA FORME LA PLUS PARFAITE (VD 90-273)

            Reprise de l’affirmation fondamentale (6):

« La difficulté est donc de savoir trouver véritablement la divine Marie pour trouver toute grâce abondante » (23)

            Le sens de la Vraie Dévotion:

            Marie occupe la même place sur le chemin descendant de l’Incarnation et sur le chemin ascendant de notre divinisation: « Il faut, pour monter et s’unir à lui, se servir du même moyen dont il s’est servi pour descendre à nous, pour se faire homme et pour nous communiquer ses grâces; et ce moyen est une vraie dévotion à la Sainte Vierge » (23. VD 157).

            Les véritables dévotions à Marie (24)

            Les deux premiers degrés de la Vraie Dévotion (24-26)

            Le troisième degré (27):

            LA PARFAITE DEVOTION A MARIE (27-78. VD 118-273)

                        DEFINITION (28):

« elle consiste à se donner tout entier, en qualité d’esclave, à Marie et à Jésus par elle; ensuite, à faire toute chose avec Marie, en Marie, par Marie et pour Marie ».

                        EXPLICATION DE LA DEFINITION (28-65)

« J’explique ces paroles: » (28)

                                    A/ Le don total de soi-même à Jésus par Marie, comme « esclave d’Amour » (29-42. VD 68-77, 120-133)

                                                le baptême (34. VD 126-131)

                                                « les motifs qui doivent nous rendre cette dévotion recommandable » (35-42. VD 135-182)

                                                « Totus tuus/Tota mea »: « Marie se donne tout entière à celui qui lui donne tout » (38. VD 144)

                                                une grande liberté intérieure (41. VD 169-170)

                                                un chemin assuré (42. VD 159-163)

                                    B/ La « pratique intérieure » de cette dévotion:  l’union à Jésus avec Marie, en Marie, par Marie et pour Marie (43-59. VD 257-273)

                                                dans la pure foi de Marie (51-52. VD 214)

                                                dans l’esprit, l’âme et le sein de Marie (54. VD 199)

                                                Marie fait des merveilles cachées, « à l’insu de l’âme » (55)

                                                les « effets merveilleux » (56-57. VD 213-225)

                                                dans les derniers temps (58. VD 49-50)

                                                les « saints des derniers temps » (59. VD 54-59)

                                    C/ Les « pratiques extérieures » (60-65. VD 226-256)

CONCLUSION (66-78)

            Prière de renouvellement de la Consécration, adressée à Jésus, à l’Esprit-Saint et à Marie (66-69)

            Parabole finale (70-78): « La culture et l’accroissement de l’Arbre de Vie, autrement la manière de faire vivre et régner Marie dans nos âmes »




Son intercession ne peut être sans effet…

En ce début d’année 2025, confions toutes nos vies à la Mère de Dieu que nous venons de célébrer…

« Car il ne faut jamais craindre, il ne faut jamais désespérer, sous la conduite, sous les auspices, sous le patronage, sous la protection de Celle qui a pour nous un cœur de Mère, et qui, traitant elle-même l’affaire de notre salut, étend sa sollicitude sur tout le genre humain ; qui, établie par le Seigneur Reine du Ciel et de la terre, et élevée au-dessus de tous les chœurs des anges et de tous les rangs des  saints, se tient à la droite de son Fils unique, Notre-Seigneur Jésus-Christ, intercède efficacement par toute la puissance des prières maternelles, et trouve ce qu’elle cherche, et son intercession ne peut être sans effet. »

Bienheureux Pape Pie IX

In Constitution apostolique « Ineffabilis Deus » pour la définition et la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception, le 8 décembre 1854




St Louis-Marie Grignion de Montfort, Le secret admirable du Très Saint Rosaire – 49e et dernière rose : les indulgences liées au Rosaire

[151] Afin qu’en récitant votre [Rosaire] vous gagniez les indulgences [accordées] aux confrères du saint Rosaire, il est à propos de faire quelques remarques sur les indulgences. L’indulgence en général est une rémission ou relaxation des peines temporelles, dues pour les péchés actuels, par application des satisfactions surabondantes de Jésus-Christ, de la sainte Vierge et de tous les saints, qui sont renfermées dans les trésors de l’Église.

L’indulgence plénière est une rémission de toutes les peines dues au péché ; la non plénière, comme de 100, 1000 [ans], plus ou moins, est la rémission d’autant de peines, qu’on aurait pu expier pendant cent ou mille années, si l’on avait reçu aussi longtemps à proportion des pénitences taxées par les anciens canons de l’Église. Or, ces canons ordonnaient pour un seul péché mortel sept et quelquefois dix et quinze ans de pénitence, en sorte qu’une personne qui aurait fait vingt péchés mortels devait pour le moins faire sept, vingt années de pénitence, et ainsi du reste.

[152] Pour que les confrères du Rosaire en gagnent les indulgences, il faut : premièrement qu’ils soient vraiment pénitents et confessés et communiés, comme disent les bulles des indulgences ; deuxième ment qu’ils n’aient affection à aucun péché véniel, parce que l’affection au péché restant, la coulpe reste, et la coulpe restant, la peine n’est point remise ; troisièmement il faut qu’ils fassent les prières et autres bonnes œuvres marquées par la bulle; et si, selon l’intention des papes, on peut gagner une indulgence non plénière, par exemple de 100 ans, sans gagner la plénière, il n’est pas toujours nécessaire pour les gagner d’être confessé et communié, comme sont les indulgences attachées à la récitation du chapelet et Rosaire, aux processions, aux rosaires bénits, etc. Ne négligez pas ces indulgences.

[158] Flammin et un grand nombre d’auteurs rapportent qu’une demoiselle de bon lieu nommée Alexandre, ayant été miraculeusement convertie et enrôlée dans la confrérie du Rosaire par saint Dominique, lui apparut après sa mort et lui dit qu’elle était condamnée à être sept cents ans en purgatoire pour plusieurs péchés qu’elle avait commis et fait commettre à plusieurs par ses vanités mondaines, le priant de la soulager et faire soulager par les prières des confrères du saint Rosaire, ce qu’il fit. Quinze jours après, elle apparut à saint Dominique, plus brillante qu’un soleil, ayant été délivrée si promptement par les prières que les confrères du Rosaire avaient faites pour elle. [Elle] avertit aussi le saint qu’elle venait de la part des âmes du Purgatoire, pour exhorter à continuer à prêcher le Rosaire et faire en sorte que leurs parents leur fassent part de leurs Rosaires, dont elles les récompenseraient abondamment quand elles seraient avancées dans la gloire.

Ici s’achève la méditation de St Louis-marie sur le Rosaire. En annexe de l’ouvrage, il décrit ensuite quelques méthodes pour réciter le chapelet, que nous ne reproduisons pas ici.

Pour lire l’introduction et consulter le plan de l’ouvrage de Grignion de Montfort, cliquer ici.




« Laisse-moi poser mes mains sur ton sein ! »

Le texte ci-après est une méditation de la Vierge Marie, dictée à Maria Valtorta, après la vision qu’elle a eu de la naissance de Jean-Baptiste. Elisabeth, dans les douleurs de l’enfantement, demandait à Marie qui l’assistait de la laisser poser les mains sur son ventre, où celle-ci porte Jésus qui rayonne déjà la grâce à travers sa Mère.

 » Que de douleurs pour être mère ! » dit Elisabeth. Elle est grande en effet, mais ce n’est rien en comparaison de la mienne. « Laisse-moi poser mes mains sur ton sein. » Ah si vous me demandiez toujours cela quand vous souffrez !

Je suis celle qui porte éternellement Jésus. Il est en moi, tel l’hostie dans l’ostensoir. Celui qui vient à moi, c’est Lui qu’il trouve. Celui qui s’appuie sur moi, c’est en Lui qu’il se confie. Celui qui s’adresse à moi, c’est à Lui qu’il parle. Je suis son vêtement. Il est mon âme. Bien plus aujourd’hui que pendant les neuf mois où il se développait en mon sein, mon Fils est uni à sa Mère. Alors toute douleur se calme, l’espérance refleurit et toutes sortes de grâces descendent sur ceux qui viennent à moi poser leur tête sur mon sein.

Je prie pour vous. Souvenez-vous en. Le bonheur d’être au Ciel et d’y vivre dans le rayonnement de Dieu ne me fait pas oublier pour autant mes enfants qui souffrent sur la terre. et je prie. Le Ciel tout entier prie, car le Ciel aime. Le Ciel, c’est la charité vivante. Or la charité a pitié de vous. Mais même s’il n’y avait que moi, ma prière suffirait déjà aux besoins de ceux qui mettent leur espoir en Dieu. je ne cesse, en effet, de prier pour vous tous que vous soyez saints ou mauvais, pour accorder aux saints la joie et aux mauvais un repentir salutaire.

Venez, venez, vous les enfants de ma douleur. je vous attends au pied de la croix pour vous faire grâce. »

Maria Valtorta, l’Evangile tel qu’il m’a été révélé, tome 1, chapitre 23.




St Louis-Marie Grignion de Montfort, Le secret admirable du Très Saint Rosaire – 48e rose : prier le Rosaire avec persévérance

48° ROSE

[145] Mais à notre confiance joignons, en cinquième lieu, la persévérance dans la prière. Il n’y aura que celui qui persévérera à demander, à chercher et à frapper, qui recevra, qui trouvera et qui entrera. Il ne suffit pas de demander quelques grâces à Dieu pendant un mois, un an, dix ans, vingt ans ; il ne faut point s’ennuyer, et non deficere, il faut la demander jusqu’à la mort et être résolu ou à obtenir ce qu’on lui demande pour son salut ou à mourir, et même il faut joindre la mort avec la persévérance dans la prière et la confiance en Dieu et dire : Etiam si occident me, sperabo in eum : Quand il devrait me tuer, j’espèrerais en lui et de lui ce que je lui demande.

[146] La libéralité des grands et riches du monde paraît à prévenir par leurs bienfaits ceux qui en ont besoin, avant même qu’ils les leur demandent ; mais Dieu, tout au contraire, montre sa magnificence à faire longtemps chercher et demander les grâces qu’il veut accorder, et plus la grâce qu’il veut faire est précieuse et plus longtemps il diffère de l’accorder : 1° Afin, par là, de l’augmenter encore davantage ; 2° Afin que la personne qui la recevra en ait une grande estime ; 3° Afin qu’elle se donne de garde de la perdre après l’avoir reçue ; car on n’estime pas beaucoup ce qu’on obtient en un moment et à peu de frais. Persévérez donc, cher confrère du Rosaire, à demander à Dieu par le saint Rosaire tous vos besoins spirituels et corporels et particulièrement la divine Sagesse qui est un trésor infini : Thesaurus est infinitus (Sap. 7, 14), et vous l’obtiendrez tôt ou tard infailliblement, pourvu que vous ne le quittiez point et que vous ne perdiez point courage au milieu de votre course. Grandis enim tibi restat via (3 Reg. 19). Car vous avez encore beaucoup de chemin à faire, beaucoup de mauvais temps à essuyer, beaucoup de difficultés à surmonter, beaucoup d’ennemis à terrasser, avant que vous ayez assez amassé de trésors de l’éternité, des Pater et Ave pour acheter le paradis et gagner la belle couronne qui attend un fidèle confrère du Rosaire. Nemo accipiat coronam tuam ? : Prenez garde qu’un autre, plus fidèle que vous à dire son Rosaire tous les jours, ne vous l’enlève. Coronam tuam : elle était vôtre, Dieu vous l’avait préparée, elle était vôtre, vous l’aviez déjà demi gagnée par vos Rosaires bien dits, et parce que vous vous êtes arrêté en si beau chemin où vous couriez si bien, currebatis bene, Galat. 5. Un autre, qui vous a devancé, y est arrivé le premier ; un autre plus diligent et plus fidèle à acquis et payé, par ses Rosaires et bonnes œuvres, ce qui était nécessaire pour avoir cette couronne. – Quid vos impedivit ? Gal. 54 : Qui est-ce qui vous a empêché d’avoir la couronne du saint Rosaire ? Hélas ! les ennemis du saint Rosaire, qui sont en si grand nombre. [147] Croyez-moi, il n’y a que les violents qui la ravissent de force : Violenti rapiunt (Mat. 11) 5. Ces couronnes ne sont pas pour ces timides qui craignent les railleries et les menaces du monde. Ces couronnes ne sont pas pour ces paresseux et fainéants, qui ne disent leur Rosaire qu’avec négligence, ou à la hâte, ou par manière d’acquit, ou par intervalle, selon leur fantaisie. Ces couronnes ne sont pas pour ces poltrons qui perdent cœur et mettent les armes bas, quand ils voient tout l’enfer déchaîné contre leur Rosaire. Si vous voulez, cher confrère du Rosaire, entreprendre de rendre service à Jésus et Marie en récitant le Rosaire tous les jours, préparez votre âme à la tentation : Accedens ad servitutem Dei, prepara animam tuam ad tentationem : (Eccl. 2, 1). Les hérétiques, les libertins, les honnêtes gens du monde, les demi-dévots et faux prophètes, de concert avec votre nature corrompue et tout l’enfer, vous livreront de terribles combats, pour vous faire quitter cette pratique. [148] Pour vous prémunir contre les attaques, non pas tant des hérétiques et des libertins déclarés que des honnêtes gens selon le monde, et des personnes même dévotes à qui cette pratique ne revient pas, je veux vous rapporter ici simplement une petite partie de ce qu’ils pensent et disent tous les jours. Quid vult seminiverbius ille ? Venite, opprimamus eum, contrarius est enim ?, etc. : Que veut dire ce grand diseur de chapelets et de Rosaires, qu’est-ce qu’il marmotte toujours ? quelle fainéantise ! il ne fait rien autre chose que chapeleter, il ferait bien mieux de travailler, sans s’amuser à tant de bigoteries. Vraiment oui !… Il ne faut que dire son Rosaire, et les alouettes toutes rôties tomberont du ciel ; le Rosaire nous apportera bien de quoi dîner. Le bon Dieu dit : Aide-toi, je t’aiderai. Pourquoi aller s’embarrasser de tant de prières ? Brevis oratio penetrat cœlos ; un Pater et un Ave bien dits suffisent. Le bon Dieu ne nous a point commandé le chapelet ni le Rosaire ; cela est bon, c’est une bonne chose quand on a le temps, mais on n’en sera pas moins sauvé pour cela. Combien de saints qui ne l’ont jamais dit ?

Il y a des gens qui jugent tout le monde à leur aune, il y a des indiscrets qui portent tout à l’extrémité, il y a des scrupuleux qui mettent du péché où il n’y en a point, ils disent que tous ceux qui ne diront pas leur Rosaire seront damnés. Dire son chapelet, cela est bon pour des femmelettes ignorantes, qui ne savent pas lire. Dire son Rosaire ? Vaut-il pas mieux dire l’Office de la sainte Vierge où réciter les sept psaumes ? Y a-t-il rien de si beau que ces psaumes que le Saint-Esprit a dictés ?

Vous entreprenez de dire votre Rosaire tous les jours ; feu de paille que tout cela, cela ne durera pas longtemps ; ne vaut-il pas mieux en prendre moins et y être plus fidèle ? Allez, mon cher ami, croyez-moi, faites bien votre prière soir et matin et travaillez pour Dieu pendant la journée, Dieu ne vous demande pas davantage. Si vous n’aviez pas, comma vous avez, votre vie à gagner, encore passe, vous pourriez vous engager à dire votre Rosaire; vous pouvez le dire les dimanches et fêtes à votre loisir, mais non pas les jours ouvriers, il vous faut travailler.

Quoi ! avoir un si grand chapelet de bonne femme ! J’en ai vu d’une dizaine, il vaut autant qu’un de quinze dizaines. Quoi ! porter le chapelet à la ceinture, quelle bigoterie ; je vous conseille de le mettre à votre cou, comme font les Espagnols ; ce sont de grands diseurs de chapelets, ils portent un grand chapelet d’une main, tandis qu’ils ont dans l’autre une dague pour donner un coup de traitre. Lajssez là, laissez là ces dévotions extérieures, la vraie dévotion est dans le cœur, etc.

[149] Plusieurs habiles gens et grands docteurs, mais esprits forts et orgueilleux, ne vous conseilleront guère le saint Rosaire ; ils vous porteront plutôt à réciter les sept psaumes pénitentiaux ou quelques autres prières que celle-là… Si quelque bon confesseur vous a donné en pénitence un Rosaire à dire pendant quinze jours ou un mois, vous n’avez qu’à aller à confesse à quelqu’un de ces messieurs, pour que votre pénitence vous soit changée en quelques autres prières, jeûnes, messes ou aumônes.

Si vous consultez même quelques personnes d’oraison, qu’il y a dans le monde, comme elles ne connaissent point par leur expérience l’excellence du Rosaire, non seulement elles ne le conseilleront pas à personne, mais elles en détourneront les autres pour les appliquer à la contemplation, comme si le Rosaire et la contemplation étaient incompatibles, comme si tant de saints qui ont été dévots au Rosaire n’avaient pas été dans la plus sublime contemplation.

Vos ennemis domestiques vous attaqueront d’autant plus cruellement que vous êtes plus uni avec eux. Je veux dire les puissances de votre âme et les sens de votre corps, les distractions de l’esprit, les ennuis de la volonté, les sécheresses du cœur, les accablements et les maladies du corps, tout cela, de concert avec les malins esprits qui s’y mêleront, vous crieront : Quitte ton Rosaire, c’est lui qui te fait mal à la tête ; quitte ton Rosaire, il n’y a point d’obligation sous peine de péché ; n’en dis du moins qu’une partie, tes peines sont une marque que Dieu ne veut pas que tu le dises, tu le diras demain que tu seras mieux disposé, etc.

[150] Enfin, mon cher frère, le Rosaire quotidien a tant d’ennemis que je regarde comme une des plus signalées faveurs de Dieu que la grâce d’y persévérer jusqu’à la mort. Persévérez-y et vous aurez la couronne admirable qui est préparée dans les cieux à votre fidélité : Esta fidelis usque ad mortem et dabo tibi coronam.

Pour lire l’introduction et consulter le plan de l’ouvrage de Grignion de Montfort, cliquer ici.




L’évasion prodigieuse de saint Jean de la Croix avec l’aide de la Vierge Marie

Article d’Aliénor Goudet – publié le 13/12/20mis à jour le 08/12/21 publié sur Aleteia

Comme son amie et confidente, sainte Thérèse d’Avila (1515-1582), saint Jean de la Croix (1542-1591), fêté le 14 décembre, était un grand mystique et défenseur de la réforme du Carmel. Pour cette raison, les carmes chaussés, opposants de la réforme, le firent enlever et séquestrer afin de lui faire renoncer à celle-ci. Après des mois de maltraitances et de tourments, une alliée de taille vient lui annoncer sa délivrance…

Tolède, 15 août 1578. La chaleur torride de la journée commence enfin à retomber avec l’approche de la nuit. Mais si la fraîcheur du soir soulage le corps endolori du captif, elle n’allège pas le poids qui pèse sur son cœur. Jean de la Croix est recroquevillé dans un coin de l’étroite cavité qui lui sert de prison dans le couvent des carmes chaussés depuis maintenant presque neuf mois. Ce ne sont pas la privation de nourriture, ni les coups qu’on lui a fait subir la veille qui le tourmente le plus, mais les cruelles paroles du père Maldonado.

Pour la fête de Notre Dame, le captif avait demandé la permission de célébrer la messe. Son ravisseur lui a ri au nez avant de déclarer qu’il ne célébrerait aucune messe tant qu’il n’aurait pas renoncé à la réforme. Depuis, son cœur saigne. Ah, quelle épreuve que cette captivité, privé de la Bible et de la sainte communion ! Et avec la prière qui semble si vaine, tout ce qu’il peut faire, c’est traduire son désespoir en poème. Est-ce cette même tourmente que le Christ a ressenti lorsqu’il s’est écrié « mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonné ? »

À cette pensée, Jean rougit de honte. Comment concevoir un seul instant que sa souffrance ne soit comparable à celle de celui qui a porté les péchés du monde ? La culpabilité le ronge lorsqu’il pense à toutes les fois où Dieu lui a envoyé la lumière en pleine nuit pour le consoler. Ou bien quand il a pu étreindre le Christ. Malgré ces grâces dont il se sent indigne, il est si seul au milieu de ce désert, de cette nuit de la foi…

Jean pleure en silence jusqu’à la nuit tombée. C’est alors qu’une vive lumière blanche lui fait relever la tête et il écarquille les yeux, stupéfait. De toutes les lumières qui lui sont apparues, celle-ci est de loin la plus belle. Devant lui se tient une jeune femme d’une beauté époustouflante. Jean sait tout de suite de qui il s’agit, mais il est trop faible pour se lever.

– Aie patience, mon fils, lui dit la sainte Vierge, car tes épreuves finiront bientôt. Tu sortiras de prison, tu diras la messe et tu seras consolé.

– Mère de Dieu, répond-il, larmoyant, comment est-ce possible ? Je ne sais même pas où je suis.

La Vierge sourit et étend la main pour lui toucher le front. Une douce chaleur émane d’elle et une vision apparaît dans l’esprit de Jean. D’abord une pièce. Puis un couloir. Ensuite une fenêtre qui donne sur le fleuve du Tage avec dix mètres dessous, la pointe d’un rempart.

– C’est là le chemin que tu suivras, continue la Vierge. Ne crains pas je serai avec toi.

Il lui faudra donc une corde de sauvetage pour descendre sur le rempart. Son regard se pose alors sur les vieux manteaux qui lui servent de couverture. En taillant des bandes, il pourra s’en fabriquer une. Mais un autre problème s’impose.

– Reine des cieux, dit-il alors. Je n’ai pas de clef pour sortir de ma prison.

Marie lui montre alors la serrure, avant de saisir l’un des clous et de le dévisser sans grande difficulté. En effet, pas besoin de clef si le fer du cadenas ne tient pas. Un ou deux jours devraient suffire à le faire lâcher. Le cœur de Jean commence à s’emballer. Il va être libre et c’est la mère du Christ qui vient le lui annoncer.

– Douce Marie, demande-t-il encore. Pardonnez encore votre serviteur, mais je suis si faible, je peux à peine me lever. Et on ne me laisse jamais seul.

– Tu auras la force, promet-elle. Et le sommeil de tes geôliers ne te trahira pas.

Au mot de la sainte femme, la poitrine de Jean s’enfle de confiance et joie. Qui ne peut croire à une promesse de la bouche de la mère de Dieu ? Sentant une étrange vigueur le gagner, il se met à genoux et s’incline devant sa divine alliée. Lorsqu’il relève la tête, il ne reste que lui dans le cachot. Bouleversé par cette visite, il pleure à chaudes larmes.

Le lendemain, Jean passe la journée à déchirer ses manteau pour confectionner une corde, et à dévisser discrètement le fer de la serrure du cachot. Le soir même, un jeune moine lui amène une assiette pleine digne d’un vrai repas. Ce jeune geôlier, touché par la patience et la foi du prisonnier, avait grandement sympathisé avec Jean durant sa captivité. Curieusement, il se nomme Jean de Sainte-Marie.

La nuit du 17 au 18 août, tout se passa comme la sainte Vierge l’avait prédit. Jean de la Croix rend l’âme le 14 décembre 1591 à Ubeda en Espagne après un long combat pour la réforme et contre la calomnie de ses ennemis. Il est canonisé le 27 décembre 1726 par Benoît XIII et déclaré docteur de l’Église deux cents ans plus tard par Pie XI. Sa terrible captivité a nourri des écrits mystiques et spirituels chrétiens qui comptent parmi les plus beaux.




St Louis-Marie Grignion de Montfort, Le secret admirable du Très Saint Rosaire – 47e rose (suite) : prier le Rosaire avec foi, humilité et confiance

[142] Secondement, il faut réciter le Rosaire avec foi, selon les paroles de Jésus-Christ : Credite quia accipietis et fiet vobis . Croyez que vous recevrez de Dieu ce que [vous] lui demandez, et il vous exaucera. Il vous dira : Sicut credidisti, fiat tibi  : Qu’il vous soit fait comme vous avez cru. Si quis indiget sapientia, postulet a Deo ; postulet autem in fide nihil haesitans. (Jacob 1, 6) : Si quelqu’un a besoin de la sagesse, qu’il la demande à Dieu, avec foi, sans hésiter, en recitant son Rosaire, et elle lui sera donnée.

[143] Troisièmement, il faut prier avec humilité, comme le publicain ; il était à deux genoux à terre, et non un genou en l’air ou sur un banc comme les orgueilleux mondains ; il était au bas de l’église et non dans le sanctuaire comme le pharisien ; il avait les yeux baissés vers la terre, n’osant regarder le ciel, et non la tête levée regardant çà et là comme le pharisien ; il frappait sa poitrine, se confessant pécheur et demandant pardon : Propitius esto mihi peccatori (Luc, 18, 13) et non pas comme le pharisien qui se vantait de ses bonnes œuvres, qui méprisait les autres dans ses prières. Gardez-vous de l’orgueilleuse prière du pharisien qui le rendit plus endurci et plus maudit ; mais imitez l’humilité du publicain dans sa prière qui lui obtient la rémission de ses péchés.

Prenez bien garde de donner dans l’extraordinaire et de demander et de désirer même des connaissances extraordinaires, des visions, des révélations et autres grâces miraculeuses que Dieu quelquefois a communiquées à quelques saints dans la récitation de leur chapelet et Rosaire. Sola fides sufficit : la foi seule suffit présentement que l’Évangile et toutes les dévotions et pratiques de piété sont suffisamment établis.

N’omettez jamais la moindre partie de votre Rosaire dans vos sécheresses, dégoûts et délaissements intérieurs ; ce serait une marque d’orgueil et d’infidélité ; mais comme un brave champion de Jésus et Marie, sans rien voir, sentir, ni goûter, dites tout sèchement votre Pater et Ave, en regardant le mieux que vous pourrez les mystères.

Ne désirez point le bonbon et les confitures des enfants pour manger votre pain quotidien ; mais pour imiter Jésus-Christ plus parfaitement dans son agonie, prolongez quelquefois votre Rosaire, lorsque vous sentirez plus de peine à le réciter : Factus in agonia prolixius orabat, Luc 22, 43, afin qu’on puisse dire de vous ce qui est dit de Jésus-Christ, lorsqu’il était dans l’agonie de la prière : Il priait encore plus longtemps.

[144] Quatrièmement, priez avec beaucoup de confiance, laquelle est fondée sur la bonté et libéralité infinies de Dieu et sur les promesses de Jésus-Christ. Dieu est une source d’eau vive qui coule incessamment dans le cœur de ceux qui prient. Jésus-Christ est la mamelle du Père éternel toute pleine du lait de la grâce et de la vérité. Le plus grand désir qu’ait le Père éternel à notre égard, c’est de nous communiquer les eaux salutaires de sa grâce et de sa miséricorde, et il crie: Omnes sitientes venite ad aquas (Isa. 55) : Venez boire de mes eaux par la prière, et quand on ne le prie pas il se plaint de ce qu’on l’abandonne : Me dereliquerunt fontem aquae vivae (Jéré. 25). C’est faire plaisir à Jésus-Christ de lui demander ses grâces et plus grand plaisir qu’on ne ferait à une mère nourrice, dont les mamelles sont toutes pleines, en lui suçant son lait. La prière est le canal de la grâce de Dieu et le tétin des mamelles de Jésus-Christ. Si on ne les suce pas par la prière comme doivent faire tous les enfants de Dieu, il s’en plaint amoureusement: Usque modo non petistis quidquam, petite et accipietis, quaerite et invenietis, pulsate et aperietur vobis. Jusqu’à ici vous ne m’avez rien demandé. Ah! demandez-moi et je vous donnerai, cherchez chez moi et vous trouverez, frappez à ma porte et je vous l’ouvrirai. De plus, pour nous donner encore plus de confiance à le prier, il a engagé sa parole : que le Père éternel nous accorderait tout ce que nous lui demanderions en son nom.

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St Louis-Marie Grignion de Montfort, Le secret admirable du Très Saint Rosaire – 47e rose : prier le Rosaire tous les jours

47e ROSE

[138] Séparez-vous des méchants, peuple de Dieu, âmes prédestinées, et pour vous échapper et vous sauver du milieu de ceux qui se damnent par leur impiété, indévotion ou oisiveté, sans perdre le temps, récitez souvent le saint Rosaire avec foi, avec humilité, avec confiance et avec persévérance.

[Premièrement] quiconque pensera sérieusement au commandement que Jésus-Christ nous a fait de prier toujours, à l’exemple qu’il nous en a donné, aux besoins infinis que nous avons de la prière, à cause de nos ténèbres, ignorances et faiblesses et de la multitude de nos ennemis, certes, celui-là ne se contentera pas de réciter le Rosaire une fois tous les ans, comme la confrérie du Rosaire perpétuel demande, ni toutes les semaines comme le Rosaire ordinaire prescrit, mais le récitera tous les jours, sans y manquer, comme le Rosaire quotidien marque, quoiqu’il n’en ait pas d’autre  obligation que celle de son salut.

Oportet : il faut, il est nécessaire semper orare, toujours prier, et non deficere, ne point cesser de prier.

[137] Ce sont des paroles éternelles de Jésus-Christ, qu’il faut croire et pratiquer sous peine de damnation. Expliquez-les comme il vous plaira, pourvu que vous ne les expliquiez pas à la mode, afin de ne les pratiquer qu’à la mode. Jésus-Christ nous en a donné la vraie explication dans les exemples qu’il nous a laissés : Exemplum dedi vobis ut quemadmodum ego feci, Ita et vos faciatis. Jean 13, 5. Erat pernoctans in oratione Dei Luc 6,. 12. Comme si le jour ne lui eût pas suffi, il employait encore la nuit à la prière.

Il répétait souvent à ses apôtres ces deux paroles : Vigilate et orate. Veillez et priez. La chair est infirme la tentation est proche et continuelle. Si vous ne priez toujours, vous y tomberez. Apparemment qu’ils crurent que ce que Notre-Seigneur leur disait n’était que de conseil, ils interprétèrent ces paroles à la mode, c’est pourquoi ils tombèrent dans la tentation et dans le péché, étant même dans la compagnie de Jésus-Christ.

[188] Si vous voulez, cher confrère, vivre à la mode, et vous damner à la mode c’est-à-dire de temps en temps tomber dans le péché mortel, et puis aller à confesse, éviter les péchés grossiers et criants, et conserver les honnêtes, il n’est pas nécessaire que vous fassiez tant de prières, que vous disiez tant de Rosaires ; une petite prière le matin et le soir, quelques chapelets donnés en pénitence, quelques dizaines d’Ave Maria sur un chapelet à la cavalière, quand la fantaisie vous en prend, il n’en faut pas davantage pour vivre en honnête homme. Si vous en faisiez moins, vous approcheriez du libertinage; si vous en faites plus, vous approcheriez de la singularité et de la bigoterie.

[189] Mais si, comme un vrai chrétien qui veut se sauver en vérité et marcher sur les traces des saints, vous voulez ne point tomber du tout en péché mortel, rompre tous les pièges et éteindre tous les traits enflammés du diable, il faut que vous priiez toujours comme a enseigné et ordonné Jésus-Christ. Ainsi, il faut pour le moins que vous disiez votre Rosaire tous les jours ou quelques prières équivalentes.

Je dis encore pour le moins, car ce sera tout ce que vous pourrez faire avec votre Rosaire, tous les jours, que d’éviter tous les péchés mortels et de vaincre toutes les tentations, au milieu des torrents de l’iniquité du monde, qui emportent souvent les plus assurés ; au milieu des ténèbres épaisses qui aveuglent souvent les plus éclairés ; au milieu des esprits malins, qui, étant plus expérimentés que jamais, et ayant moins de temps à tenter, tentent avec plus de finesse et de ·succès.

Oh ! quelle merveille de la grâce du saint Rosaire, si vous échappez au monde, au diable et à la chair et au péché et vous sauvez dans le ciel !

[140] Si vous ne voulez pas croire ce que j’avance, croyez-en votre propre expérience. Je vous demande si, lorsque vous ne faisiez qu’un peu de prières qu’on fait dans le monde, et de la manière dont on les fait ordinairement, vous pouviez vous empêcher de faire de lourdes fautes et des péchés griefs qui ne vous paraissaient légers que par votre aveuglement. Ouvrez donc les yeux, et pour vivre et mourir en saint sans péché, du moins mortel, priez toujours ; récitez tous les jours votre Rosaire, comme tous les confrères faisaient autrefois dans l’établissement de la confrérie (voir à la fin de ce livre la preuve de ce

que j’avance). La sainte Vierge le donnant à saint Dominique lui ordonna de le dire et faire dire tous les jours ; aussi le saint ne recevait-il personne dans la confrérie qui ne fût dans la résolution de le dire tous les jours. Si, à présent, on ne demande dans la confrérie du Rosaire ordinaire que la récitation d’un Rosaire par semaine, c’est parce que la ferveur s’est ralentie, la charité s’est refroidie. On tire ce qu’on peut d’un mauvais prieur. Non fuit ab initio sic.

Il faut ici remarquer trois choses.

[141] La première que si vous voulez vous enrôler dans la confrérie du Rosaire quotidien et participer aux prières et mérites de ceux qui y sont, il ne suffit pas d’être enrôlé dans la confrérie du Rosaire ordinaire, ou de prendre seulement la résolution de réciter son Rosaire tous les jours. Il faut de plus donner son nom à ceux qui ont le pouvoir d’enrôler. Il est bon de se confesser et communier à cette intention ; la raison de ceci est que le Rosaire ordinaire ne renferme pas le Rosaire quotidien, mais le Rosaire quotidien renferme le Rosaire ordinaire.

La seconde chose à remarquer est qu’il n’y a, absolument parlant, aucun péché, même véniel, à manquer de réciter le Rosaire [de] tous les jours, ni de toutes les semaines, ni de tous les ans.

La troisième, c’est que lorsque la maladie ou une obéissance légitime, ou la nécessité, ou l’oubli involontaire, sont cause que vous ne pouvez pas réciter votre Rosaire, vous ne laissez pas d’en avoir le mérite et vous ne perdez pas la participation aux Rosaires des autres Confrères ; ainsi il n’est pas absolument nécessaire que le jour suivant vous récitiez deux Rosaires, pour suppléer à un que vous avez manqué sans votre faute, comme je suppose. Si cependant la maladie ne vous permet de réciter qu’une partie de votre Rosaire, vous la devez réciter. Beati qui stant coram te semper. Beati qui habitant in domo tua, Domine, in soecula aoeculorum laudabunt te. Bienheureux, Seigneur Jésus, les confrères du Rosaire quotidien qui, tous les jours, sont autour et dans votre petite maison de Nazareth, autour de votre croix sur le Calvaire, et autour de votre trône dans les cieux, pour méditer et contempler vos mystères joyeux, douloureux et glorieux . Oh! qu’ils sont heureux sur la terre par les grâces spéciales que vous leur communiquez, et qu’ils seront bienheureux dans le ciel où ils vous loueront d’une manière spéciale dans les siècles des siècles.

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St Louis-Marie Grignion de Montfort, Le secret admirable du Très Saint Rosaire – La manière sainte de réciter le Rosaire, 46e rose : la prière commune

[131] De toutes les manières de réciter le saint Rosaire, la plus glorieuse à Dieu, la plus salutaire à l’âme et la plus terrible au diable, c’est de le psalmodier ou réciter publiquement à deux chœurs.

Dieu aime les assemblées. Tous les anges et les bienheureux assemblés dans le ciel y chantent incessamment ses louanges. Les justes assemblés en plusieurs communautés sur la terre y prient en commun jour et nuit. Notre-Seigneur a expressément conseillé cette pratique à ses apôtres et disciples, et leur promit que toutes les fois qu’ils seraient au moins deux ou trois assemblés en son nom, il se trouverait au milieu de ceux qui sont assemblés pour prier en son nom et réciter sa même prière. Quel bonheur d’avoir Jésus-Christ en sa compagnie ! Pour le posséder il ne faut que s’assembler pour dire le chapelet. C’est la raison pourquoi les chrétiens s’assemblaient si souvent pour prier ensemble, malgré les persécutions des empereurs, qui leur défendaient les assemblées. Ils aimaient mieux s’exposer à la mort que de manquer à s’assembler pour avoir la compagnie de Jésus-Christ.

[132] Cette manière de prier est plus salutaire à l’âme :

1° parce que l’esprit est ordinairement plus attentif dans une prière publique que dans une particulière ;

2° quand on prie en commun, les prières de chaque particulier deviennent communes à toute l’assemblée et ne font toutes ensemble qu’une même prière, en sorte que, si quelque particulier ne prie pas si bien, un autre dans l’assemblée qui prie mieux supplée à son défaut. Le fort supporte le faible, le fervent embrase le tiède, le riche enrichit le pauvre, le mauvais passe parmi le bon. Comment vendre une mesure d’ivraie ? Il ne faut pour cet effet que la mêler avec quatre ou cinq boisseaux de bon blé ; le tout est vendu.

3° Une personne qui récite son chapelet toute seule n’a que le mérite d’un chapelet ; mais si elle le dit avec trente personnes, elle a le mérite de trente chapelets. Ce sont les lois de la prière publique. Quel gain ! quel avantage !

4° Urbain huitième, étant fort satisfait de la dévotion du saint Rosaire qu’on récitait à deux chœurs, en plusieurs lieux de Rome, particulièrement au couvent de la Minerve, donna cent jours d’indulgences toutes les fois qu’on le réciterait à deux chœurs : Toties quoties. Ce sont les termes de son bref qui commence : Ad perpetuam rei memoriam, an 1626. Ainsi, toutes les fois qu’on dit le chapelet en commun, on gagne cent jours d’indulgences.

5° C’est que cette prière publique est [plus] puissante, pour apaiser la colère de Dieu et attirer sa

miséricorde, que la prière particulière, et l’Église, conduite par le Saint-Esprit, s’en est servie dans tous les temps de calamités et de misères publiques.

Le pape Grégoire 13 déclare, par sa bulle, qu’il faut pieusement croire [que] les prières publiques et processions des confrères du saint Rosaire avaient beaucoup contribué à obtenir de Dieu la grande victoire que les chrétiens gagnèrent au golfe de Lépante sur l’armée navale des Turcs, le 1er dimanche d’octobre en 1571.

[133] Louis le Juste, d’heureuse mémoire, assiégeant La Rochelle, où les hérétiques révoltés tenaient leurs forts, écrivit à la reine sa mère de faire faire des prières publiques pour la prospérité de ses armes. La reine résolut de faire réciter le Rosaire publiquement dans l’église des Frères prêcheurs du faubourg Saint-Honoré de Paris, ce qui fut exécuté par les soins de Monseigneur l’archevêque. On commença cette dévotion le 20 mai 1628. La reine mère et la reine régnante s’y rendirent, avec Monseigneur le duc d’Orléans, les cardinaux de la Rochefoucault et de Bérulle, plusieurs prélats, toute la cour et une foule innombrable de peuple. Monseigneur l’archevêque lisait à haute voix les méditations sur les mystères du Rosaire, il commençait ensuite le Pater et l’Ave de chaque dizaine et les religieux avec les assistants répondaient ; après le chapelet, on portait l’image de la sainte Vierge en procession, [en] chantant ses litanies.

On continua cette dévotion tous les samedis avec une ferveur admirable et une bénédiction du ciel évidente, car le roi triompha des Anglais à l’île de Ré et entra victorieux dans La Rochelle, le jour de la Toussaint de la même année. On voit par là quelle est la force de la prière publique.

[134] Enfin le Rosaire récité en commun est bien plus terrible au démon, puisqu’on fait, par ce moyen, un corps d’armée pour l’attaquer. Il triomphe quelquefois fort facilement de la prière d’un particulier, mais si elle est unie à celle des autres, il n’en peut venir à bout que difficilement. Il est aisé de rompre une houssine toute seule ; mais si vous l’unissez avec plusieurs autres et en faites un faisceau, on ne peut plus la rompre. Vis unita fit fortior. Les soldats s’assemblent en corps d’armée pour battre leurs ennemis ; les méchants s’assemblent souvent pour faire leurs débauches et leurs danses ; les démons même s’assemblent pour nous perdre ; pourquoi donc les chrétiens ne s’assembleront-ils pas pour avoir la compagnie de Jésus-Christ, pour apaiser la colère de Dieu, pour attirer sa grâce et sa miséricorde, et pour vaincre et terrasser plus puissamment les démons ?

Cher confrère du Rosaire, si vous demeurez à la ville ou à la campagne, auprès de l’église de la paroisse ou d’une chapelle, allez-y au moins tous les soirs, avec permission de monsieur le recteur de ladite paroisse, et là en compagnie de tous ceux qui voudront y venir réciter le chapelet à deux chœurs ; faites la même chose dans votre maison ou celle d’un particulier du village, si vous n’avez pas la commodité de l’église ou de la chapelle.

[135] C’est une sainte pratique que Dieu, par sa miséricorde, a établie dans les lieux où j’ai fait des missions, pour en conserver et augmenter le fruit, pour empêcher le péché. On ne voyait dans ces bourgs et villages, auparavant que le chapelet y fût établi, que danses, débauches, dissolutions, immodesties, jurements, querelles, divisions ; on n’y entendait que des chansons déshonnêtes, paroles à double entente. A présent on n’y entend que le chant des cantiques et la psalmodie du Pater et de l’Ave ; on n’y voit que de saintes compagnies de 20, 30, 100 personnes et plus, qui chantent comme des religieux les louanges de Dieu à une heure réglée.

Il y a même des lieux où on récite le Rosaire en commun tous les jours, en trois temps de la journée.

Quelle bénédiction du ciel ! Comme il y a des réprouvés partout, ne doutez pas qu’il n’y ait, dans les lieux où vous demeurez, quelques méchants qui négligeront de venir au chapelet, qui s’en railleront peut-être même et feront tout ce qu’ils pourront, par leurs mauvaises paroles et leurs mauvais exemples, pour vous empêcher de continuer ce saint exercice ; mais tenez bon. Comme ces malheureux doivent être à jamais séparés de Dieu et de son paradis, dans l’enfer, il faut qu’ici-bas, par avance, ils se séparent de la compagnie de Jésus-Christ et de ses serviteurs et servantes.

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La conversion de Roy H. Schoeman

C’est au cours d’une longue promenade dans la nature que je reçus la grâce la plus exceptionnelle de ma vie. Je marchais seul, écoutant les oiseaux chanter lorsque je suis « tombé au ciel ». C’est-à-dire que je me suis retrouvé consciemment et matériellement en présence de Dieu.

Je vis ma vie jusqu’à ce jour étalée devant moi. Je sus en un instant que le but de ma vie était d’aimer et de servir mon Seigneur et mon Dieu ; je vis de quelle manière son amour m’enveloppait et me soutenait à chaque instant de mon existence ; je vis comment chacune de mes actions possédait un contenu moral, pour le bien ou pour le mal ; je vis comment tout ce qui était arrivé dans ma vie était ce qui pouvait m’arriver de mieux, la chose la plus parfaite arrangée pour mon bien par un Dieu très bon et très aimant, surtout les événements qui me causaient le plus de souffrance !

Je vis chaque heure que j’avais gaspillée à ne rien faire qui eût de valeur aux yeux de Dieu, quand à tout moment de mon existence je baignais dans la mer de l’immense amour inimaginable de Dieu.

La réponse aux questions que je me posais intérieurement m’était instantanément présentée, à une exception près, capitale : le nom de ce Dieu qui se révélait à moi ! Je priais pour connaître son nom, pour savoir quelle religion me permettrait de le servir et de le vénérer : « Faites-moi connaître votre nom – cela m’est égal si vous êtes Bouddha, Appolon ou Krishna pourvu que vous ne soyez pas le Christ et que je ne doive pas devenir Chrétien ! ». Et en conséquence, bien que Dieu eût entendu ma prière, je ne reçus aucune réponse à ce moment-là.
Un an et un jour après cette grâce, je reçus en rêve la seconde plus grande grâce de ma vie. Pourtant, quand je me suis couché, je ne savais pas grand-chose du Christianisme et je n’avais pas de sympathie pour lui ! Mais quand je me suis réveillé, j’étais devenu éperdument amoureux de la bienheureuse Vierge Marie et ne désirais rien d’autre que de devenir aussi totalement chrétien qu’il me serait possible.

Le « rêve » se déroulait comme suit : on m’avait conduit dans une salle où il me fut accordé une audience avec la plus belle jeune femme que je pouvais imaginer et je compris qu’il s’agissait de la Vierge Marie. Elle était prête à répondre à toutes mes questions ; je me revois debout, considérant nombre de questions possibles, et lui en adressant quatre ou cinq. Elle y répondit, puis me parla pendant plusieurs minutes puis l’audience prit fin. Je me rappelle tous les détails, y compris, bien sûr, les questions et les réponses ; mais tout cela pâlit devant l’extase d’avoir été simplement en présence de la Vierge, dans la pureté et l’intensité de son amour.

Extrait du livre Le salut vient des juifs  de Roy H. Schoeman (éditions – FX de Guibert 2005) traduit de l’américain par Judith Cabaud