La Salette : la règle des Apôtres des derniers temps : résurgences…

Mais sa Règle ne se perd pas dans l’oubli.
-Mgr Bernard, Missionnaire de la Salette et préfet apostolique émérite de Norvège, qui visite Mélanie en 1886 et 88, se rallie à la cause. La Règle donnée par la Mère de Dieu, est pour le corps des constitutions des Missionnaires apostoliques voulus [et] appelés par la Messagère divine une charpente de bois incorruptible et vivifié d’un souffle divin, que les vers rongeurs humains ne pourront piquer ni ronger jusqu’à la fin des temps, affirme-t-il.
-En 1895, le Père Berlioz, ancien supérieur de La Salette, invite prêtres et laïcs à se faire « apôtres des derniers temps » à l’école de ND. de La Salette :
« A l’heure suprême où nous vivons, à l’approche des derniers temps, la Mère des apôtres fait appel à la tribu sacerdotale. Elle veut multiplier le nombre des vrais apôtres, supra modum apostoli. Elle les appelle près d’Elle, au pied de la croix ; car il faut remonter à la source pour se retremper dans la perfection primitive. Le B. Grignion de Montfort avait pressenti cette intervention merveilleuse de la Mère de Dieu suscitant, dans les derniers temps, des apôtres qui, comme des géants de l’apostolat, doivent en quelque sorte préparer la mission d’Enoch et d’Elie, et à son heure la partager. [ … ] Nous pensons que la céleste Messagère figure ainsi un ordre apostolique d’une grande perfection, dont elle doit ordonner et conduire la formation, protéger l’existence, assurer la propagation et la durée. C’est à la Reine des Apôtres qu’il appartient de révéler sa pensée et de fonder son œuvre. De ce rôle apostolique, la Reine du Ciel passe à l’action de la vie chrétienne. [ … ] Voilà, selon nous, le signalement d’un vaste tiers ordre de pénitence et de réparation, uni à la vie d’immolation du désert et à l’apostolat, pour aider et le servir, enlaçant dans les chaînes mystiques de ses saintes observances, le peuple chrétien tout entier, sans distinction de classes et de nations.
Vous le ferez passer « à tout mon peuple ». Voilà ce que nous croyons apercevoir dans céleste vision. Et voilà ce qui, par la grâce de Dieu et la vertu de Marie, donnerait au monde chrétien une force nouvelle et opposerait au mal une puissante barrière. [ … ] demandons par Marie la réalisation de tous les desseins de sa miséricorde envers nous. Que les âmes appelées soient dociles à la voix de sa grâce. Dieu aime l’obéissance prompte et empressée. [ … ] Il y a un demi-siècle que la Vierge sainte les attend et nous dit tout en pleurs : Depuis le temps que je souffre pour vous». (La voix du désert et la réparation, Lyon, 1895 p. 281…)
– En France, le 5 juillet 1890, Henriette Deluy, fondatrice des Soeurs réparatrices de N. D. de La Salette, adopte la règle de Mélanie dans une nouvelle fondation. Ballottée çà et là la nouvelle œuvre se perpétuera dans la Somme, en Belgique, puis en Anjou : Maritain et Massignon en seront tertiaires. Mais lors de la seconde guerre mondiale, une décision de l’Ordinaire ferma la maison de Saint Lambert du Lattay et dispersa la vingtaine de soeurs. Ecrivant à un ami de cette oeuvre, Le Père Laurent, recteur du sanctuaire de La Salette à l’aube du centenaire, écrivait pourtant :
Pour notre chère Salette, les apparentes contradictions qui opposeraient missionnaires tels que nous sommes et missionnaires de la Mère de Dieu ne comptent guère. Il n’y a lieu que ce que la Providence a voulu, et c’est de consoler cette bonne Mère qui pleure, en se dévouant pour elle. Nous ne serons jamais assez nombreux pour cette tâche.
En Italie, en Sicile même, ce sont des saints qui collaborent au projet de Mélanie :
– Le Bienheureux Jacques Cusmano, de Palerme, visite Mélanie, l’accueille chez lui, la supplie de l’aider et adopte en secret, vers 1880, la «Régle de la Mère de Dieu». La persécution de la voyante et sa propre mort précoce l’empêchent d’oeuvrer explicitement pour La Salette, mais il en adopte l’esprit.
– En 1897, tandis que Mélanie relève à Messine sa fondation de religieuse dont elle restera co-fondatrice, Saint Annibale di Francia fonde les Pères «Rogationnistes». Leur zèle pour la cause des vocations doit préparer la venue des Apôtres des derniers temps dont il partage l’attente avec le Père Jordan, fondateur allemand des Salvatoriens.
Mélanie aima beaucoup la communauté naissante de Religieuses dites Filles du Divin Zèle du Coeur de Jésus, écrit Saint Annibale, en particulier pour la mission à laquelle elles se sentent consacrées par un quatrième voeu, à savoir de prier chaque joui à l’effet d’obtenir de bons ouvriers à la Sainte Eglise, en réponse au Commandement de Notre Seigneur Jésus-Christ: «Rogate ergo Dominum Messis» [Priez le maître de la moisson qu’il envoie des ouvriers : Lc 10, 2]. L’insigne qu’elles portent sur la poitrine est précisément le Sacré Coeur avec les paroles «Rogate … » [. .. ] Mélanie voyait dans cette prière le moyen de susciter les Apôtres des derniers temps. Un jour elle me dit : «J’appartiens à votre Congrégation» et elle portait sur son coeur, sous son,habit, ce saint emblème.

Maritain interpelle Rome
Ecrivant en 1948 à Mgr Montini , pour la gouverne de Pie XII, son opinion d’ambassadeur de France sur l’état du monde et les remèdes opportuns, après avoir parlé des réformes sociales et de la purification de la vie chrétienne, et sollicité la consécration de la Russie au Coeur Immaculé demandée à Fatima, Maritain réitérait la demande de ND. de La
Salette. Hélas, l’apparition était alors suspecte au Saint Office. Du moins contribue-t-il de toutes ses forces à la défendre.
« Comme votre Excellence le sait bien, c’est l’événement de la Salette, et le message que la Sainte Vierge y a confié à Mélanie et le désir qu’elle y a exprimé de voir surgir un nouvel ordre religieux, qui me semblent mériter une attention spéciale. Assurément les révélations particulières sont toujours sujettes à caution, et même authentiques ce n’est pas en elles qu’il faut chercher une règle d’action. Cependant il n’est pas bon de « mépriser les prophéties », et quand elles sont authentiques elles sont comme des signaux avertisseurs pour les jugements que selon les règles de la prudence la raison a à former. Devant la simple possibilité que la Sainte Vierge ait donné une mission et transmis un message spécialement grave à la voyante sur le témoignage de laquelle l’Eglise a admis le culte public de Notre Dame de la Salette, il me semble effrayant que depuis la divulgation du message secret aucune enquête n’ait été instituée aux fins de savoir si les affirmations qu’au prix de longues persécutions Mélanie a soutenues jusqu’à sa mort méritaient ou non créance. C’est pourquoi je crois que l’examen de l’événement de la Salette en son intégrité, et tout d’abord de la vie de
Mélanie, pour juger si elle a été une sainte ou une hystérique, ne serait pas aujourd’hui sans particulière importance.
Dans le message secret confié à Mélanie il est question d’un nouvel ordre religieux dont la Sainte Vierge demanderait la fondation, et aurait donné la règle. Mélanie s’est efforcée de grouper sous cette règle quelques âmes de bonne volonté. Je doute que les bons prêtres qui ont essayé de continuer son œuvre selon la lettre puissent fournir les éléments d’une telle fondation. Mais si, selon l’esprit de la Salette et de saint Grignion de Montfort, fondation a jamais paru appelée par les nécessités présentes de l’Eglise et du monde, c’est bien celle de cette congrégation que Grignion de Montfort nommait les apôtres des derniers temps, et dont il a tracé la physionomie en traits de feu dans sa Prière pour les demander à Dieu.
Plus je médite en simple philosophe sur l’état présent de l’humanité, et sur les faux prestiges qui de toutes parts éblouissent et aveuglent l’esprit des hommes, plus je me persuade que comme aux siècles apostoliques le monde a besoin d’une pure effusion de la bonne nouvelle évangélique prêchée dans la pauvreté et dans la liberté du Saint-Esprit, sequentibus signis. Le monde a besoin de miracles. Il a besoin de thaumaturges, il a besoin d’apôtres enflammés du pur amour de Dieu, détachés de tout, et vivant de la même vie de travail et de dénuement que le peuple qu’ils évangélisent, et qui témoignent de la vérité de Dieu non dans la vertu de l’éloquence et des raisonnements humains, mais par la puissance des signes. Que Votre Excellence m’excuse de Lui
livrer des pensées et des désirs qu’il convient plutôt d’exprimer à Dieu dans la prière et que je ferais peut-être mieux de garder pour moi : je pense que si le Saint-Père décidait de prendre une initiative absolument exceptionnelle, et d’appeler et rassembler un petit groupe de saints prêtres dignes de sa confiance et brulant de zèle apostolique, comme il en est sûrement de par le monde, et de les consacrer à Marie, et d’établir pour eux une règle de vie religieuse qui leur permette d’aller librement partout, en particulier dans les milieux prolétariens; s’il décidait de leur donner lui-même mission, au nom du Christ dont il est le Vicaire et en vertu du pouvoir des clefs, je crois que la puissance des miracles accompagnerait leur prédication, et que ces hommes, avec ceux qui se joindraient à eux dans ce nouvel Institut religieux adapté aux besoins profonds de notre siècle, seraient des instruments du Saint-Esprit pour renouveler et sauver notre monde en perdition. » (P. Chenaux, PAUL VI ET MARITAIN, Téqui, p. 108)

A suivre…




La Salette : la règle des Apôtres des derniers temps, attentes…

Après son secret, Mélanie affirme avoir reçu la règle de vie d’une nouvelle famille religieuse. Sur cette part du message, même à la différence du secret, elle est seule à témoigner.
Le mandement de Mgr de Bruillard du 1er mai 1852 prévoyait d’ailleurs, outre la construction du sanctuaire, la fondation d’une communauté missionnaire. L’Apparition elle-même appelait les consolateurs des larmes de Marie, vivant le mystère de la Croix, redisant le message «à tout son peuple». Ce fut compris d’emblée par l’Eglise ; les Missionnaires venus à La Salette partageaient cet idéal, tels leur premier supérieur :
« Mon Sauveur Jésus Christ, prosterné au pied de votre Croix, toute couverte de votre sang et des larmes de votre Ste Mère que je prends pour témoin de mes engagements, je fais vœu de me dévouer, dès ce moment et pour toujours, à l’œuvre Expiatrice et Réconciliatrice que Marie est venue commencer elle-même sur la Ste Montagne de la Salette. »
Puis surtout le Père Giraud, qui écrit « Prêtre et hostie ». Ou encore le Père Berlioz : « … il faut à la Salette un Institut religieux très sérieux, peut-être un des plus sérieux qui aient été jamais fondés jusqu’ici, et un institut essentiellement expiatoire, pour les hommes comme pour les femmes… Le Père Denaz, l’un des plus éclairés dans les voies de Dieu, m’écrivait il y a quelques jours: «Je reste convaincu que Jésus et Marie demandent une fondation dans le sens expiatoire, et qu’ils veulent et attendent des victimes volontaires sur ce nouveau calvaire.»
Des femmes généreuses se portent aussi volontaires : « Je ne puis voir cette impiété qui règne en tant de cœurs et chez tant d’autres cette indifférence chrétienne, sans que le souvenir de l’apparition de notre bonne mère Marie à la Salette ne fasse brûler mon cœur d’un désir toujours plus ardent d’aller sur cette Ste Montagne consacrer ma vie en expiation de tant d’iniquités et y prier pour la conversion de tous ces malheureux pécheurs[. . .] Le besoin de l’Eglise ne réclame-t-il pas des sacrifices, des dévouements, des bons exemples, et les prières faites à l’ombre du Sanctuaire dans une maison religieuse ne sont-elles pas faites avec plus de recueillement et d’ardeur ?  Et tandis que les méchants s’unissent pour attaquer la religion, ne devons-nous pas, nous unir pour obtenir de Dieu qu’il veuille la soutenir, aussi par le passé dans les plus grande calamités de l’Eglise ne l’avons-nous pas toujours vu tirer la consolation de la formation de Congrégations et couvents ? »
Toutes ces intuitions sont confirmées par la Règle de Vie donnée à Mélanie. Saint Annibale Maria di Francia nous dit quand et comment elle la reçut :
« La Très Sainte Vierge, dès qu’elle lui eût confié un secret, lui aurait ensuite révélé qu’il sortirait de la Sainte Eglise un insigne ordre religieux, dit des nouveaux Apôtres, ou des Missionnaires de la Mère de Dieu , et que ceux-ci se répandront dans le monde entier en faisant un bien immense à la Catholicité. Cette congrégation comportera un second ordre et un tiers Ordre ; ses membres seront enflammés, pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, d’une ardeur semblable à celle des premiers Apôtres.[. . .]
La Très Sainte Vierge, après avoir annoncé cet événement futur, donna à Mélanie la règle que devait suivre ce nouvel ordre religieux. Cette règle, Mélanie la conserva de mémoire dans son esprit [ …] Plus tard, le moment marqué par la Très Saint Vierge pour la divulgation du secret étant arrivé, Mélanie écrivit cette règle. Mais alors il lui devint impossible de bien la conserver présente à la mémoire. Cette règle fut soumise au jugement d’une commission de cardinaux de fa Sainte, Eglise et jugée irréprochable. Elle est comme un chapitre de l’Evangile et contient la quintessence de la perfection chrétienne mise en pratique avec la plus grande douceur et avec charité.
Or Mélanie souffrit pendant toute sa vie une agonie spirituelle, dans l’attente de voir l’accomplissement des paroles de la Très Sainte Vierge, et l’organisation des nouveaux Apôtres de la Sainte Eglise. Loin de là, elle fut témoin des persécutions que fa dévotion à Notre-Dame de La Salette eut à supporter, par la volonté de Dieu ; au point qu’à chaque persécution, cette dévotion semblait devoir s’anéantir. Ses regards étaient toujours tournés vers Rome, attendant que la suprême autorité de l’Eglise couronnât de gloire et d’honneur la Salette, et qu’il en sortit enfin la fondation après laquelle elle soupirait. Mais la prudence du Saint-Siège en pareille affaire et la divine Providence qui règle et dispose tout avaient amené cette sainte créature à une continuelle et parfaite résignation à la volonté divine.
Aussi aura-t-elle dit, avec Ezéchias ; «Ecce in pace amaritudo mea amarissima!» Souvent, elle se considérait elle-même comme un obstacle à l’accomplissement du plan divin ; et alors elle s’anéantissait devant Dieu, se mortifiait de différentes manières et souhaitait la mort, soupirai après elle, la demandait dans ses prières.[… ]
Si celle qui apparut sur la montagne de la Salette a bien été la Très Sainte Vierge Marie, la Mère immaculée de DIEU ; si ce fut cette mère incomparable qui confia son secret à Mélanie et à Maximin et donna une règle très sainte pour un nouvel ordre religieux de très nombreux et derniers apôtres, qui pourra douter que la promesse de la Reine du Ciel ne doive recevoir son plein accomplissement?
Alors, réjouis-toi, ô innocente Bergère de La Salette, réjouis-toi en Dieu, ô âme choisie entre mille ; ton long martyre n’a été qu’une préparation à une grâce ineffable. Le sacrifice de ta vie simple, offerte en holocauste à travers les souffrances et les mortifications de toutes sortes, sera béni de Jésus et de Marie, et son fruit sera une génération d’élus. Et qui pourra les compter ?»

C’est en 1853 que Mélanie révèle pour la première fois la Règle de Marie :
«A peine eus-je entendu du P. Sibillat [ … ] que plusieurs prêtres du diocèse de Grenoble se réunissaient pour former un ordre de missionnaires de Notre-Dame de la Salette, et qu’on allait travailler à faire une Règle, je dis aussitôt au P. Sibillat que la Sainte-Vierge avait donné tout ce qu’il fallait pour les Religieux, et que s’il voulait m’attendre un instant, j’irais vite écrire quelque peu des Règles. Après que je lui en eus remis quelques articles, il partit ; quelques jours après, il revint, et me dit que Mgr Ginoulhiac me prenait pour une orgueilleuse, une illusionnée, et une folle. »
Partie pour l’Angleterre en 1854, Mélanie est invitée à commencer l’œuvre demandée. Elle s’en ouvre hélas dans une lettre …
« Les personnes qui voudraient être religieuses sont bien riches et moi je fais difficulté pour recevoir [c]elles[-ci], parce que, il faut que la maison de la Sainte Vierge soit fondée sur l’humilité, la pauvreté et toutes les vertus solides, mais beaucoup croient avoir la vocation et ne l’ont pas. Mais quand on a la vocation, je reçois tous, les pauvres et les riches ; la semaine prochaine, j’entre dans le Couvent des Carmélites pour apprendre plus vite l’Anglais, pour ne pas faire de fautes en parlant aux postulantes, mais je voudrais bien pouvoir me défaire d’être chargée de cela ; je regarde bien souvent que je ne suis rien… »
Mais après que son secrétaire ait détourné cette lettre à son profit, le peu édifiant Mgr Ginoulhiac fit arrêter net ce projet. Ce n’est qu’en Italie, trente ans après l’apparition, qu’on interpelle enfin Mélanie sur ce sujet. Elle répond :
« 1. Il est bien vrai que dans l’Apparition du 19 septembre 1846 sur la Montagne de la Salette, la Très Sainte Vierge m’a manifesté qu’Elle voulait la création d’un nouvel Ordre Religieux, qu’Elle même a désigné sous le nom d’Apôtres des derniers temps. La preuve en est, soit dans la Règle quelle m’a donnée Elle-même de vive voix, à la suite du secret, et que depuis longtemps vous possédez, soit dans la vue de cette œuvre, vue que je décrirai tout à l’heure.
Cet Ordre comprendra; 1. des prêtres, qui seront les Missionnaires de la Sainte Vierge et les Apôtres des derniers temps ; 2. des Religieuses qui dépendront des Missionnaires ; 3. les fidèles engagés dans le siècle qui voudront s’unir et se rattacher à l’œuvre.
2. Le but de ce nouvel Ordre religieux est de travailler à la sanctification du clergé, à la conversion des pécheurs, et d’étendre le Règne de Dieu par toute la terre. – Les Religieuses sont appelées comme les Missionnaires à travailler avec zèle au salut des âmes, par la prière et par les œuvres de miséricorde spirituelle et corporelle. – Quant à l’esprit de l’Ordre, ce doit être l’esprit des premiers Apôtres. La Sainte Vierge a suffisamment caractérisé cet esprit, soit dans la Règle qu’Elle m’a donnée, soit dans l’appel aux Apôtres des derniers temps qui termine le secret.
3. Les œuvres auxquelles cet Ordre sera employé sont indiquées dans la Règle donnée par la Très Sainte Vierge et dans la vue que j’ai maintenant à faire connaître :

[Vision prophétique des Apôtres des derniers temps]
En même temps que la Très Sainte Vierge me donnait les Règles et me parlait des Apôtres des derniers temps, je voyais une immense plaine avec des monticules. Mes yeux voyaient tout. J’ignore si c’était les yeux du corps… Mais je serais mieux selon la vérité si je disais que je vis la terre au-dessous de moi, de manière que je voyais l’univers entier avec ses habitants, vaquant à leurs occupations, chacun selon son état (non pas tous par justice mais bien par ambition. Et, par un juste châtiment de Dieu, ils étaient en guerre avec eux mêmes).
Je vis donc cette immense plaine avec ses habitants. [… hommes de toutes races] Je vis les Apôtres des derniers temps avec leur costume […] [Il est à peu près semblable à celui des prêtres de son époque] Sur un des bouts de la ceinture, il y avait ces trois lettres, en couleur rouge ; M P. J (Mourir pour Jésus). Sur l’autre bout il y avait ces trois lettres en couleur bleue E. D. M (Enfant de Marie).
Je vis que les Missionnaires prêchaient, confessaient, assistaient les mourants, donnaient des retraites ; aux prêtres, aux rois et à ceux qui composaient leur cour, aux grands, aux soldats, aux employés, aux pauvres, aux enfants, aux religieux, aux religieuses, aux femmes et aux vierges. Je vis, en certains endroits, des Missionnaires auprès des malades, des pauvres, des prisonniers, et baptisant des enfants et des grandes personnes. En d’autres endroits, je vis les Disciples des Apôtres auprès des malades, des pauvres, des blessés, des prisonniers, auprès des réunions d’hommes, auprès des sectes, etc. Cette vue était bien claire, bien précise et ne me laissait aucun doute sur ce que je voyais ; et j’admirais la grandeur de Dieu, son Amour pour les hommes, et je voyais que son amour ne peut pas être compris sur la terre, parce qu’il dépasse tout ce que les hommes les plus saints peuvent concevoir. Je compris bien clairement que ces Messieurs que j’appelle les Disciples faisaient partie de l’Ordre. C’étaient des hommes libres ; des jeunes gens qui, ne se sentant pas appelés au sacerdoce, voulant cependant embrasser la vie chrétienne, faire leur salut, [ils] accompagnaient les Pères dans quelques missions et travaillaient de tout leur pouvoir à leur propre sanctification et au salut des âmes. Ils étaient très saints et très zélés pour la gloire de Dieu. Ces disciples étaient auprès des malades qui ne voulaient pas se confesser, auprès des pauvres, des blessés, des réunions, des prisonniers, des sectes, etc., etc … J’en vis même qui mangeaient et buvaient avec des impies […]
Je vis donc que l’Evangile de Jésus-Christ était prêché dans toute sa pureté par toute la terre et à tous les peuples. Je vis que les Religieuses étaient occupées à toutes sortes d’œuvres spirituelles et corporelles, et s’étendaient comme les Missionnaires par toute la terre. Avec elles il y avait des femmes et des filles remplies de zèle, qui aidaient les religieuses dans leurs œuvres.
Je compris en Dieu que les Apôtres des derniers temps devaient marcher sur les traces des Apôtres de la primitive Eglise de Jésus-Christ, avec cette différence que le Supérieur général avait soin de rappeler (quand cela se pouvait faire), chaque année, les membres de l’Ordre dans la Maison centrale, pour faire une retraite de dix jours.
Je vis que notre doux Sauveur regardait les ouvriers de cet Ordre avec beaucoup de complaisance, parce qu’ils servaient le bon Dieu avec un entier et complet dévouement, sans recherche d’eux-mêmes. Etant entièrement détachés de toutes les choses de la terre, ils étaient totalement entre les mains de la Providence de Dieu, remplis de foi et de confiance en Dieu.
Je vis les âmes du Purgatoire comme en fête, pour les bienfaits qu’elles recevaient des Apôtres des derniers temps et des Religieuses; et je vis que les âmes souffrantes du Purgatoire, qui étaient délivrées ou qui avaient encore quelque chose à expier, et qui en avaient le pouvoir, priaient beaucoup, et que de nombreuses conversions se faisaient par leurs prières.
Car je vis que Dieu voulait que les Missionnaires et les Religieuses de cet Ordre missent toutes leurs prières, pénitences et bonnes œuvres entre les mains de Marie, leur première Supérieure et leur Maîtresse, pour les âmes du Purgatoire, en faveur de la conversion des pécheurs du monde entier.
Je vis et je compris que le bon Dieu voulait que cet Ordre luttât contre tous les abus qui ont amené la décadence du Clergé et de l’état religieux et la ruine de la Société chrétienne. Cet Ordre ne recevait jamais pour Missionnaires ni pour Religieuses des personnes dont les parents avaient besoin de la charité d’autrui, ou besoin de ce fils et de cette fille pour les servir. Et quand les parents de quelqu’un des membres étaient tombés dans la misère, la Communauté donnait abondamment, selon ses besoins, à cette famille. Et cela se faisait avec une grande charité.
Dans sa description plus compète de 1879, Mélanie ajoute :
Je vis que les membres de l’Ordre de la Mère de Dieu faisaient tous leurs efforts pour se dépouiller entièrement de l’esprit du siècle corrompu, s’avancer dans l’amour de Dieu et acquérir les vertus de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ils avaient de très bas sentiments d’eux-mêmes. Ils étaient très unis entre eux, n’ayant ni ambition, ni envie, ni jalousie, ne désirant en toutes choses que de plaire à leur Divin Maître, ne désirant rien hors du Cœur de Jésus, où ils habitaient plus ou moins étroitement, selon que leur am0ur était plus pur et plus généreux. Cet amour de Jésus produisait en eux les fruits d’une grande obéissance, d’une profonde humilité et simplicité, d’une très grande mortification, d’un zèle très ardent, et d’un parfait abandon entre les mains du Divin Maître. Je vis que cet Ordre était comme le foyer de toutes les œuvres, et comme un autel perpétuel où la prière était incessante pour les divers besoins de la Sainte Eglise, pour les âmes tièdes et pour la conversion des pécheurs du monde entier.

Et elle conclut sur ce sujet :

4. Oui, malgré mon indignité, je crois avoir reçu une mission pour l’œuvre en question. Je la désire de tout mon coeur pour la gloire de Dieu et le bien des âmes ; je la désire à cause des besoins urgents de la société entière ; je la désire parce qu’elle est nécessaire pour ranimer dans le clergé l’esprit sacerdotal. Je ne puis assurer aux autres que ce qui me pousse à faire cette fondation soit de l’esprit de Dieu ; c’est à mes supérieurs à en juger ; ce que je puis assurer, c’est que moi, dans le fond de moi-même, je suis vivement poussée, et persuadée que c’est le bon Dieu qui veut cette œuvre si utile à l’Eglise et au salut des âmes. Mais si une autorité, un supérieur, un confesseur me disait de rester en paix et de ne plus penser à cela, oh ! on me ferait une charité, car je suis comme
écrasée (quoique agréablement) de la grandeur et de la sublimité de cette arche de salut, pour le monde entier ; mais je croirais pécher et manquer grandement de fidélité et d’obéissance a Dieu, si je laissais cette fondation de côté et si je ne faisais pas tous mes efforts afin qu’elle se fasse.

5. J’ai sollicité récemment de sa Grandeur, Monseigneur l’évêque de Castellammare, l’autorisation de travailler sans plus de retard à la fondation de cette œuvre, parce que tout dans le monde semble me dire que le moment est venu, arrivé. Et que je me sens puissamment poussée d’y travailler sans retard. Je me sens comme entraînée d’une manière irrésistible à hâter cette œuvre, et il me semble toujours entendre une voix inférieure qui me demande les combattants de Jésus-Christ et de sa doctrine.

Si le grain ne meurt …

A Castellammare, Mgr Petagna, évêque du lieu, autorisa Mélanie et Mère Présentation, sa compagne, ainsi que des prêtres devenus leurs voisins, à vivre la Règle. Cette décision avait été longuement mûrie ; la Règle avait été examinée favorablement par deux évêques : lui-même et Mgr Zola, et par deux théologiens, dont le secrétaire du Cardinal de Naples.
Mais peu après la mort de Maximin, Mgr Fava, troisième évêque depuis le 19 septembre 1846 arrive à Grenoble. Dans sa Lettre pastorale pour le trentième anniversaire de l’apparition, il fait la part belle aux voyants qu’ils compare aux Bergers de Noël, premiers annonciateurs de la Bonne Nouvelle : « Ces deux petits, insouciants de leur dignité d’Apôtres, descendirent avec leur troupeau au village prochain. […] Quand les anges, aux champs de la Judée, annoncèrent l’Evangile, c’est à dire la Bonne Nouvelle, n’est-ce pas à des bergers qu’ils ont parlés ? C’est la marche ordinaire du Tout Puissant ; il choisit les faibles du monde pour confondre les forts. Infirma mundi eligit Deus ut confundat fortes (1 Co 1). Daigne ce grand Dieu se servir encore une fois de ce moyen pour que nous puissions glorifier Jésus et sa Mère. Notre but, nos très chers frères, est de réveiller de plus en plus votre foi, votre espérance et votre charité en rappelant à votre attention les instructions données à La Salette, par la Sainte Vierge, dans ce discours qu’on pourrait appeler : son sermon sur la montagne. Il nous a semblé, en effet, qu’elle s’y est présentée comme Apôtre et Reine des Apôtres.

Il n’en accepte pas pour autant la Règle de vie apostolique que Mélanie affirme avoir reçu de Marie. Le pape Léon XIII le voudrait bien, lui qui reçoit Mélanie le 3 novembre 1878 et il lui demande de retourner à Grenoble pour en écrire des consolations explicatives. La voyante lui ayant fait part de l’opposition de l’évêque, le pape la confie à la Visitation de Rome. Mélanie édifie la communauté qui la reçoit, mais Mgr Fava travaille contre elle, souhaitant qu’elle reste à jamais au cloître. Le 27 mai 1879, les missionnaires de La Salette organisés selon la règle de Mgr Fava reçoivent le traditionnel «décret de louange», cependant on leur transmet aussi la Règle et les Constitutions de Mélanie pour qu’ils y puisent. Quant à la voyante, souffrante, elle a été autorisée à revenir à Castellammare.
Mgr Petagna est mort ; la fondation a perdu son protecteur : l’arche de la Miséricorde de Marie est remisée…

A suivre…




La Salette : réflexions sur l’apparition

Le danger de mort de l’apostasie

On a beaucoup écrit sur la Salette. Suivons Claudel sur la voie du  » SYMBOLISME DE LA SALETTE  » :
« On est obligé de l’avouer : le message de la Salette laisse à première vue décontenancé. Quoi ! la Mère de Dieu a quelque chose de si important à nous dire, il s’est passé chez son peuple quelque chose de si intolérable, qu’il lui faut elle-même se déranger au mépris de la nature, pour nous donner avertissement. Elle parle, et de quoi s’agit-il ? De jurons de charretiers qui ne savent ce qu’ils disent, d’infractions à des lois disciplinaires qui n’entraînent pas une perversion profonde de l’âme.Il faut qu’il y ait eu autre chose. – Notons d’abord que la gravité d’une offense s’évalue non pas seulement sur l’intention de celui qui la commet ni sur le dommage causé mais sur la qualité de la personne à l’égard de qui elle a été commise. Or, que signifient ces blasphèmes, cet oubli des commandements de l’Eglise, sinon les signes appropriés à des intelligences rustiques, de la grande apostasie du XIXème siècle, qui des couches supérieures de la Sorbonne en gagne les bases profonde, et qui peut se formuler ainsi : tout s’arrange très bien sans le bon Dieu. »
A travers les offenses que le peuple des fils inflige à son Père : à son Nom, insulté sur les routes ou dans les champs, à son Jour consacré dès la Genèse, et au sacrifice du Fils unique commémoré parmi de nouvelles railleries, tandis qu’on tourne le dos à la pénitence liturgique, Marie pleure sur la déchristianisation de tout « son peuple »: sur l’endurcissement de cœur du peuple élu et ses conséquences inaperçues. A cette Eglise oublieuse de ses grâces et promesses, comme les Prophètes à Israël infidèle, la Dame montre du doigt les calamités qui en résultent -révolte de la nature en retour de celle de l’homme- . Avec Moïse elle voudrait pourtant lui donner, si on se convertissait, l’abondance de la Terre promise. Pressée par la tyrannie du péché bien que fondue dans la lumière divine, la Vierge (couronnée de roses aux couleurs françaises) pleure sur son peuple comme Jésus sur Jérusalem ou Lazare (Jn 11,36), et les chrétiens peuvent dire d’elle comme de son Fils :
« voyez comme elle nous aime ! » Son amour maternel nous porte dans son coeur : la peine qu’elle se donne pour nous est incessante, la miséricorde divine est infatigable et inouïe chez elle.
Enfin, à l’heure où se trament l’athéisme et les révolutions -La Salette est à son berceau, Fatima sera à son explosion-, avant d’être emportée de son poste de vigie au centre de l’Europe, sur le sommet où le Père guette par elle le retour des fils perdus, la Vierge fixe les yeux vers l’Orient, du côté de Rome et de son nouveau Pontife. (Mélanie a précisé de quel côté Marie était tournée quand elle s’est élevée pour disparaitre, et c’était vers Rome).
La mort spirituelle des chrétiens retournant au paganisme et vivant comme des bêtes (« comme des chiens »), c’est donc la première et triste nouvelle de Marie : nouveau Calvaire de ses autres fils. Une vraie mère ne peut davantage cacher ses larmes, qu’omettre d’interpeller vivement ses enfants. S’ils ignorent le danger ou s’ils le méprisent, ne sont-ils pas davantage en péril ? Un des premiers rôles de l’Esprit-Saint, médecin qui soigne, redresse, fortifie, guérit, est de diagnostiquer la maladie : le péché est la pire (cf. Jn 5, 14). Jean Paul Il a rappelé la force et l’urgence chrétienne d’une telle catéchèse de l’Esprit par l’encyclique « DOMINUM ET VIVIFICANTEM » (N » 27). Ce procès du mal radical est le propre de l’Esprit divin, qui apprend à l’homme ce qui
dépasse son expérience. L’Esprit-Saint est aussi apte à lui donner un nom que le voyant a signaler l’obstacle à l’aveugle (cf.Lc 6, 39).
La dénonciation du péché est une tâche cruciale du prophète, dont les mots évoquent l’absolue négativité. Dans l’Ecriture, les critiques du mal sont des diatribes. L’idolâtre se prostitue (1 ch. 5, 25; Ap 2, 20 … ), l’impie est une gueule dévorante, et l’hypocrite, une pourriture ou une vipère. Quand les mots ne suffisent pas, on a recours aux actes : Elie foudroie ses ennemis, Mattathias fond sur le renégat (2 M 2, 25) et le Christ miséricordieux chasse au fouet les vendeurs du temple. Une chose est le péché par ignorance des païens ou du peuple Juif, voire, de tant de chrétiens de nom, et une autre, celui des pasteurs : eux qui sont sel de la terre et lumière du monde (Mt 5, 13-14).

Notre Réconciliatrice.

Les symptômes de l’apostasie moderne, si graves soient-ils, et les malheurs qui s’y rattachent mystérieusement ne peuvent cependant pas être la principale nouvelle de la Salette.
« Si nous sommes infidèles, Dieu reste fidèle, » (2 Tim 2,13) proclame Mgr De Bruillard : « son bras ne s’est pas raccourci, sa puissance est la même aujourd’hui que dans les siècles passés. »
C’est donc pour nous sauver qu’après les prophètes, les apôtres, les saints, et l’apparition à la sœur anonyme de la rue du Bacc, Dieu envoie publiquement, au moins devant deux (La Salette) ou trois (Fatima) témoins , la Mère de son Fils. Les Bergers de La Salette évoqueraient-ils aussi les messagers de la grande Nouvelle d’Emmaüs? A la Salette, Marie paraît sortir du silence de la longue attente : pleurant au ravin de la Sezia comme les Juifs au bord des fleuves de Babylone, elle se lève et montre les signes glorieux de sa propre compassion : intercession maternelle infinie dans la puissance divine … Puis elle gravit son chemin de croix, et s’élève enfin aux yeux des enfants, leur laissant son esprit en partage comme Elie à Elisée, et le Christ aux apôtres.

Depuis le temps que je souffre pour vous autres ! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse Ne s’interpose-t-elle pas en Réconciliatrice, ne continue-t-elle pas ‘à prendre sur elle, avec son Fils, les offenses faites à Dieu ? Unie à jamais au bras du Seigneur, elle est Juge de son peuple avec Déborah, et mère comme Rachel. Et lorsque le développement du salut dans l’histoire semble compromis, elle monte sur la haute montagne comme Moïse et s’imprègne de la lumière divine, précise aux hommes le phare de la nouvelle qui les guide, boit avec David au torrent des cœurs purs, et relève la tête. Sur les pas de la reine Esther, celle qui se tient auprès du Sauveur poursuit sa plus grande intercession. Pour être soutenue par les siens (cf. Is 4, 18), elle en fait porter la nouvelle « à tout son-peuple », nouvelle qu’il n’y a qu’à accueillir, méditer, remercier : Vous aurez beau prier, beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la peine que j’ai prise pour vous autres.
La montagne s’étant bientôt couverte de pèlerins, à cette glorieuse souffrante, prêtres et fidèles ont donné le grand nom de « RECONCILIATRICE DES PECHEURS ». Ce vocable approuvé ne figure pas dans le message public mais résume l’intervention de Marie : « alors se fera la paix et la réconciliation de Dieu avec les hommes », prédit le secret donné à Mélanie. Plus concrètement, sous la plume de Maximin, il prédit le retour à Dieu de l’Angleterre et des autres nations avec elle.

Le langage de Marie

De même que l’Eglise garde sur sa mission une certaine discrétion, Marie s’est présentée dans la continuation des figures de la Révélation. Avec le style de la Bonne Nouvelle, elle reste humble et brève dans ses paroles fortes et riches. L’Ecriture juive est sa méthode : clef de son langage aux multiples résonances. En gloire, Marie se fait œcuménique et chère au cœur de tous ses enfants. Le message de La Salette n’est pas un nouveau titre à connaître, inscrit sur une statue quelconque. Sa portée surpasse autant les mots que ses larmes. Dans l’Ecriture, celui qui n’aime pas ne connaît pas (cf. 1 Jn 4, 8). Dans son apparition , Marie récapitule l’intercession de Moise pour son peuple à Rephidim (EX 17, 8-16) Mélanie et Maximin ont préparé les pierres où elle appuie sa perpétuelle
intercession. Mais le message évoque aussi l’évangile du premier avènement, et les paroles de l’ange du Seigneur aux bergers enveloppés de sa clarté: « N’ayez pas peur … je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle.. . pour tout le peuple ». (cf. Lc 2, 8-10) Nous verrons Mgr Fava convenir de ce rapprochement. La maladie des petits enfants rappelle les Saints Innocents : eux aussi sont les victimes du péchés! Depuis Pâques et la Pentecôte, l’Esprit souffle comme il veut (Jn 3, 8). Comme à Bethléem, à La Salette, Lourdes, Pontmain, Fatima, Banneux et Beauraing, Marie choisit le temple universel de la nature et les plus oubliés des hommes.
Le vrai culte n’est plus lié aux œuvres des artistes ou aux sermons tonitruants, mais à la connaissance de Dieu »en esprit et vérité » (Jn 4 , 23). Le ou les fils de Dieu ne naissent pas « du vouloir des hommes » (Jn 1, 13) : les temples nouveaux, libres de compromissions , sont élevés par Dieu dans le Christ ressuscité.

L’heure des Fils de Marie.

Une seconde partie du message de Mélanie, dédié à la vie apostolique, a inspiré les fondateurs qui firent sa rencontre en Italie. Les « apôtres des derniers temps » qu’elle désirait susciter, sur les paroles de sa Dame, étonnaient les autorités ignorantes d’une telle formule, celle de plusieurs saints. L’apostolat aux derniers temps avait été évoqué par Vincent Ferrier, et même par Vincent de Paul. Et le rôle que Marie devait y prendre avait été expliqué par le plus marial des Saints de l’Ecole française : le Père de Montfort. C’est lui qui invente les « apôtres des derniers temps », dans le célèbre TRAITE DE LA VRAIE DEVOTION, retrouvé quatre ans avant La Salette. Dix ans plus tôt, face aux hérésies modernes, Grégoire XVI avait exprimé son espérance en Marie : levons les yeux et les mains vers la très sainte Vierge. Seule elle a détruit toutes les hérésies ; en elle nous mettons une immense confiance, elle est même tout l’appui qui soutient notre espoir.

Le lien est étroit entre Montfort et La Salette. A la l’aube d’un monde sécularisé, il est le prophète de la divine Sagesse dont il demande à Marie le secret : celui de la Croix. Or le 19 septembre 1846, Marie se montre parée symboliquement, à la juive, des chaînes brillantes de la Sagesse, et des autres ornements préconisés par le livre de l’Ecclésiastique (Siracide, 6, 22-31 ). Quant au crucifix, vivant et plus brillant qu’elle, il est solidement attaché à son cou. Et Montfort de demander à Marie de former à la suite du Christ « des apôtres véritables des derniers temps » (Traité de la Vraie dévotion , n° 55) Dans sa « Prière embrasée » (n° 25) il compare Marie à la « Montagne sur les flancs des monts », immaculée de neige ou grasse de pâturages, où ces apôtres seront nourris et formés pour apprendre « de la bouche même de Jésus-Christ, qui y demeure toujours, l’intelligence de ses huit béatitudes. C’est sur cette montagne de Dieu qu’ils seront transfigurés avec lui comme sur le Thabor, qu’ils mourront avec lui comme sur le calvaire et qu’ils monteront au ciel avec lui comme sur la montagne des Oliviers » A l’aube de La Salette, deux doctrines et deux camp se disputent le sort de l’humanité en crise. Lorsque Karl Marx devient rédacteur du JOURNAL DU RHIN, le TRAITE DE LA VRAIE DEVOTION sort de l’ombre. En 1844, Jean Baptiste Fontaine écrit « DE LA CONNAISSANCE DE MARIE ». En 1846, année de La Salette, Marx publie une satire: LA SAINTE FAMILLE. En France naissent les « Sœurs de la Sainte Famille ». Les fondations religieuses mariales fleurissent au siècle de La Salette : les Assomptionistes du Père d’Alzon, les Maristes du bienheureux Champagnat … Trois autres fondateurs marchent encore sur les traces de Grignion de Montfort : les Pères Noailles, Chaminade et Colin. « Un f it est acquis pour nos trois fondateurs : ces derniers temps correspondent pour eux au XIXe siècle, à leur temps. [ … ] A l’action plus active de Satan en ce monde doit s’opposer [ … ] une action plus intense de Marie. Le P. Chaminade fonde ici son affirmation non sur Apocalypse 12 qui décrit la lutte entre le dragon et la Femme, mais sur Genèse 3,15-17. Il établit donc un lien entre le péché d’origine et ces derniers temps qui sont les siens. Analogiquement le P. Colin remonte, lui, à la première Eglise, celle de Jérusalem où Marie était activement présente. La présence de Marie dans l’Eglise primitive se prolonge, d’un certaine façon, dans l’Eglise des derniers temps, comme la « nouvelle Jérusalem » descendue du ciel (cf. Ap 21). Cette cité sainte est Marie. La Salette est comme un Thabor marial, une anticipation de la cité ecclésiale ou Dieu et les hommes cohabitent, réconciliés par Marie. La femme apocalyptique vêtue de soleil, enfantant dans les larmes l’Eglise de Dieu (Ap 12, 1-3), combattant à ses côtés le mal suprême du péché, apparaît empourprée du sang de l’Agneau : belle, lumineuse, resplendissante devant deux bergers comme le buisson ardent devant Moïse, l’Arche dans le Tabernacle, ou le Nouveau temple d’où coule l’eau vive.
Mère universelle du Peuple de Dieu, autant que sa parfaite figure, « en ces temps qui sont les derniers » (Hé 1 ,2), Marie enseigne à l’Eglise l’Evangile du Fils, non pas serré dans des livres, mais cloué pour ainsi dire sur son cœur, afin qu’elle le porte authentiquement, comme elle, « dans toute sa pureté, par toute la terre » (Règle, art. 22) .
Alors, dans le désert de La Salette, au coeur des Ecritures, ne serions-nous pas, après l’Exode, comme à la porte de la « terre promise », à l’aube d’une évangélisation nouvelle, universelle ? Le christianisme a déjà apporté à plusieurs peuples un certain progrès : qu’en serait-il si l’Eglise se renouvelait jusqu’à devenir véritablement, « une, sainte, et universelle » ? La demeure eschatologique aura-t-elle alors, ici-bas, une anticipation rayonnante ? Les larmes de la Mère, et des corps, et des âmes, ne trouveraient-elles pas une grande consolation ? (cf Is 25, 6-8)
Quels que soient les niveaux qu’embrasse l’Espérance, retenons le signe de la « demeure » préparée sur terre : nous avons vu comment les enfants, nos guides vers Dieu, avaient élevé une maisonnette à l’endroit de l’apparition. Quant à l’espérance mariale des trois fondateurs cités, elle a été continuée au XXème dans les fondations du Père Kolbe avec sa cité de l’immaculée, les mouvements de la Légion de Marie, des « Foccolarini » et leurs « Mariapolis », le Mouvement Sacerdotal Marial, etc.
La Salette n’est pas un hasard. L’apparition vient s’insérer en signe de ralliement d’un vaste mouvement spirituel, en icône d’un traité de théologie revitalisée , en confirmation de la mission première et dernière de la Mère De Dieu au cœur de son peuple (selon la perspective mariale de Vatican Il). Il nous reste plus qu’à apprendre de la catéchiste des fils de Dieu le secret de l’intercession et de la mission.




La Salette : l’accueil de l’évènement

Tel est le récit des Bergers de La Salette (voir les articles des dernières semaines). Leur témoignage exhaustif montre qu’il ne s’agit ni d’une leçon confiée à de simples perroquets, ni d’une apparition mineure. En 1846, analphabètes et ignorants du Français, pouvaient-ils en expliquer toute la portée ! L’apparition approuvée et Mgr de Bruillard parti, pourquoi les avoir transformés en simples marionnettes d’exaltés ou en illusionnés réduits à l’éloignement ? Un autre témoin de l’Apparition, plus lointain et moins entraîné à sa suite sur le chemin du calvaire, aurait-il existé ?
Voici la vision de M. Le Beaumont, cultivateur du hameau des Chambons :
Vers 3 h. 1/2 le 19 septembre 1846 il se reposait, le dos tourné vers Corps, regardant ses bœufs. Il se sent poussé à se retourner… au-dessus de Corps, il aperçut un grand cercle de lumière tirant sur le rouge, il le contemple en extase : oh que c’est beau ! … Puis un éclair part du côté de la Salette, tirant sur le jaune. L’éclair s’approche du cercle. Le cercle s’ouvre, l’éclair entre dedans… Il regarde un moment : comme c’est beau!… tout disparaît. III
Le cultivateur dételle ses bœufs et rentre chez lui, littéralement muet de stupeur. Croyant à un malaise, les siens le couchent jusqu’à ce qu’il reprenne ses sens… Mais ce témoin ne s’est pas manifesté. C’est une parente qui consigna son témoignage, longtemps après.

L’accueil de l’évènement

Aussitôt raconté par les deux jeunes bergers, l’événement de la Salette frappa vivement les auditeurs : paysans du hameau des Ablandins qui n’iront pas travailler aux champs le lendemain, dimanche, comme d’habitude, et le vieux curé de la Salette qui en instruira aussitôt ses paroissiens en chaire.

Deux semaines plus tard, l’Abbé Mélin, qui fait fonction d’archiprêtre à Corps, avertit son évêque de l’émoi du peuple en exprimant son impression positive :

« Le récit de ces deux enfants a produit un effet extraordinaire dans les environs, même chez les hommes. Je les ai interrogés séparément et chez moi, et sur les lieux même[s] où je suis arrivé après quatre heures de marche pénible ; les autorités les ont menacé[s] pour les faire taire ; on leur a offert de l’argent pour leur faire dire le contraire de ce qu’ils affirmaient, ni les menaces, ni, les promesses n’ont pu faire varier leur langage ; ils disent toujours les mêmes choses et à qui veut l’entendre.
Je suis allé très lentement dans les informations que j’ai pu prendre, je n’ai rien pu découvrir qui dénote le moins du monde la supercherie ou le mensonge. La première idée de toute la contrée a été de faire bâtir un oratoire dans cet endroit […]
L’interprétation des fidèles a été tout naturellement que c’était la bonne Mère qui venait avertir le monde, avant que son Fils ne laisse tomber sur lui ses vengeances. Ma conviction personnelle, d’après tout ce que j’ai pu recueillir de preuves, ne diffère pas de celle des fidèles, et je crois que cet avertissement est une grande faveur du Ciel. Je n’ai pas besoin d’autre prodige pour croire, mon désir bien sincère, serait que le bon Dieu, dans sa miséricorde opérât quelque  nouvelle merveille pour confirmer la première. »

La nouvelle de l’apparition se répandit vite , mais suscite bientôt de préoccupantes oppositions, politiques et/ou ecclésiastiques. L’autorité diocésaine met donc cinq ans à l’étudier.
Les nombreux interrogatoires des deux bergers, pris séparément puis confrontés, établirent le discours que la « belle Dame » leur adresse ensemble, en français puis en patois : le « message public ». Au terme de l’enquête, Rome fut consultée, les légats de l’évêque de Grenoble remirent aussi en main propre au Pape Pie IX le « message secret » écrit et scellé par chacun des témoins. Après quoi, par le mandement du 19 sept. 1851 , Mgr de Bruillard put déclarer que : l’apparition de la Très Sainte Vierge à deux bergers, le 19 septembre 1846 […] porte en elle-même tous les caractères de la vérité, et que les fidèles sont fondés à la croire indubitable et certaine.

Ce décret ne mit pas fin à l’incrédulité de quelques membres du clergé local soutenus par l’Archevêque de Lyon ou l’évêque de Gap. Devant le langage terre à terre de la belle Dame, son vocabulaire plus bibliques que théologique, les esprits forts se faisaient sceptiques et le grand Lacordaire s’exclamait : « Absurde, ridicule, impossible » !
Tout en gardant au sens premier du message sa vérité frappante, d’autres penseurs retrouveront, à travers le concret de la lettre et du geste, la « grande nouvelle » mariale adressée au monde tout entier.

Le message de Marie proclamé sur la montagne déborde son contexte immédiat. L’apparition a lieu l’après-midi du samedi 19 septembre 1846. Dans la liturgie, l’heure était à la
pénitence (des « Quatre-Temps » du début dé l’automne) : plus exactement, aux premières vêpres de la Fête de N.D. des Sept Douleurs célébrée le lendemain.

A suivre…




La Salette : description de la Vierge

Maximin :
« Lorsque je dois parler de la Belle-Dame qui m’est apparue sur la Sainte Montagne, j’éprouve l’embarras que devait éprouver saint Paul en descendant du troisième ciel. Non, l’oeil de l’homme, n’a jamais vu, son oreille n’a jamais entendu ce qu’il m’a été donné de voir et d’entendre.
Comment des enfants ignorants, appelés à s’expliquer sur des choses si extraordinaires, auraient-ils rencontré une justesse d’expression que des esprits d’élite ne rencontrent pas toujours pour peindre des objets vulgaires! Qu’on ne s’étonne donc pas si ce que nous avons appelé bonnet, couronne, fichu, chaînes, roses, tablier, robe, bas, boucles et souliers en avait à peine la forme. Dans ce beau costume, il n’y avait rien de terrestre ; les rayons seuls et de lumières différentes s’entrecroisant, produisaient un magnifique ensemble que nous avons amoindri et matérialisé.
Une expression n’a de valeur que par l’idée qu’on y attache ; mais où trouver dans notre langue, des expressions pour rendre des choses dont les hommes n’ont nulle idée. C’était une lumière, mais lumière bien différente de toutes les autres ; elle allait directement à mon cœur sans passer par mes organes, et cependant avec une harmonie que les plus beaux concerts ne sauraient reproduire, que dis-je ? avec une saveur que les plus douces liqueurs ne sauraient avoir.
Je ne sais quelles comparaisons employer, parce que les comparaisons prises dans le monde sensible sont atteintes du défaut que je reproche aux mots de notre langue : elles n’offrent pas à l’esprit l’idée que je veux rendre. Lorsqu’à la fin d’un feu d’artifice la foule s’écrie : « voici le bouquet ! » y a-t-il un rapport bien grand entre une réunion de fleurs et un ensemble de fusées qui éclatent ? Non, assurément ; eh bien! la distance qui sépare les comparaisons que j’emploie et les idées que je veux rendre est infiniment plus considérable encore. »

Mélanie :
« La Très Sainte Vierge était grande et bien proportionnée. Elle paraissait être si légère qu’avec un souffle on l’aurait fait remuer, cependant elle était immobile et bien posée. Sa physionomie était majestueuse, imposante, mais non imposante comme le sont les Seigneurs d’ici-bas. Elle imposait une crainte respectueuse. En même temps que Sa Majesté imposait du respect mêlé d’amour, elle attirait à elle. Son regard était doux et pénétrant ; ses yeux semblaient parler avec les miens, mais la conversation venait d’un profond et vif sentiment d’amour envers cette beauté ravissante qui me liquéfiait. La douceur de son regard, son air de bonté incompréhensible faisaient comprendre et sentir qu’elle attirait à elle et qu’elle voulait se donner ; c’était une expression d’amour qui ne peut s’exprimer avec la langue de chair ni avec les lettres de l’alphabet.
Le vêtement de la Très Sainte Vierge était blanc argenté et tout brillant. II n’avait rien de matériel : il était composé de lumière et de gloire, variant et scintillant ; sur la terre il n’y a pas d’expression ni de comparaison à donner.
La Sainte Vierge était toute belle et toute formée d’amour. En la regardant, je languissais de me fondre en elle. Dans ses atours comme dans sa personne tout respirait la majesté, la splendeur, la magnificence d’une Reine incomparable. Elle paraissait blanche, immaculée, cristallisée, éblouissante, céleste, fraîche, neuve, comme une Vierge ; il semblait que la parole, Amour, s’échappait de ses lèvres argentées et toutes pures. Elle me paraissait comme une bonne Mère, pleine de bonté, d’amabilité, d’amour pour nous, de compassion, de miséricorde.
La couronne de roses qu’elle avait mise sur la tête était si belle, si brillante qu’on ne peut pas s’en faire une idée ; les roses de diverses couleurs n’étaient pas de la terre ; c’était une réunion de fleurs qui entouraient la tête de la Très Sainte Vierge en forme de couronne ; niais les roses se changeaient et se remplaçaient, puis, du cœur de chaque rose il sortait une si belle lumière qu’elle ravissait, et rendait les roses d’une beauté éclatante. De la couronne de roses s’élevaient comme des branches d’or et une quantité d’autres petites fleurs mêlées avec des brillants. Le tout formait un très
beau diadème, qui brillait tout seul plus que notre soleil de la terre.
La Sainte Vierge avait une très jolie croix suspendue à son cou. Cette croix paraissait être dorée, -je dis doré pour ne pas dire une plaque d’or ; car j’ai vu quelquefois des objets dorés avec diverses nuances d’or, ce qui faisait à mes yeux un bien plus bel effet qu’une simple plaque d’or-. Sur cette belle croix toute brillante de lumière était un Christ, était Notre Seigneur, les bras étendus sur la croix. Presque aux deux extrémités de la croix, d’un côté il y avait un marteau, de l’autre une tenaille. Le Christ était couleur de chair naturelle, mais il brillait d’un grand éclat; et lumière qui sortait de tout son corps paraissait comme des dards très brillants qui me fendaient le cœur du désir de me fondre en lui. Quelquefois, le Christ paraissait être mort ; il avait la tête penchée et le corps était comme affaissé, comme pour tomber, s’il n’avait été retenu par les clous qui le retenaient à la croix.
J’en avais une vive compassion, et j’aurais voulu dire au monde entier son amour inconnu, et infiltrer dans les âmes des mortels l’amour le plus senti et la reconnaissance la plus vive envers un Dieu qui n’avait nullement besoin de nous pour être tout ce qu’il est, ce qu’il était et ce qu’il sera toujours; et pourtant, Ô amour incompréhensible à l’homme, il s’est fait homme, et il à voulu mourir, oui ! mourir, pour mieux écrire dans nos âmes et dans notre mémoire l’amour fou qu’il a pour nous ! Oh ! que je suis malheureuse de me trouver si pauvre en expressions pour redire l’amour de notre bon Sauveur pour nous ; mais, d’un autre côté, que nous sommes heureux de pouvoir sentir mieux ce que nous ne pouvons exprimer !
D’autre fois, le Christ semblait vivant ; il avait la tête droite, les yeux ouverts, et paraissait être sur la croix par sa propre volonté. Quelquefois aussi, il paraissait parler: il semblait montrer qu’il était en croix pour nous, par amour pour nous, pour nous attirer à son amour, qu’il a toujours un amour nouveau pour nous, que son amour du commencement et de l’année 33 est toujours celui d’aujourd’hui et qu’il sera toujours.
La Sainte Vierge pleurait presque tout le temps qu’elle me parla. Ses larmes coulaient une à une, lentement jusqu’à ses genoux, puis, comme des étincelles de lumière, elles disparaissaient. Elles étaient brillantes, et pleines d’amour. J’aurais voulu la consoler et qu’elle ne pleurât plus. Mais il me semblait qu’elle avait besoin de montrer ses larmes pour mieux montrer son amour oublié des hommes. J’aurais voulu me jeter dans ses bras et lui dire: « Ma bonne Mère, ne pleurez pas ! je veux vous aimer pour tous les hommes de la terre. » Mais il me semblait qu’elle me disait: « II y en a tant qui ne me connaissent pas ! »
J’étais entre la mort et la vie, en voyant d’un côté tant d’amour,tant de désir d’être aimée, et d’un autre côté tant de froideur et d’indifférence … Oh ! ma Mère, Mère toute belle et tout aimable, mon amour, cœur de mon cœur !
Les larmes de notre tendre Mère, loin d’amoindrir son air de Majesté, de Reine et de Maîtresse, semblaient au contraire l’embellir, la rendre plus belle, plus puissante, plus remplie d’amour, plus maternelle, plus ravissante, et j’aurais mangé ses larmes qui faisaient sauter mon cœur de compassion et d’amour. Voir pleurer une mère, et une telle Mère, sans prendre tous les moyens imaginables pour la consoler, pour changer ses douleurs en joie, cela se comprend-il ? O Mère plus que bonne, vous avez été formée de toutes les prérogatives dont Dieu est capable ; vous avez
comme épuisé la puissance de Dieu ; vous êtes;bonne, et puis bonne de la bonté de Dieu même. Dieu s’est agrandi en vous formant son chef-d’œuvre terrestre et céleste.
La Très Sainte Vierge avait un tablier jaune. Que dis-je, jaune ? Elle avait un tablier plus brillant que plusieurs soleils ensemble. Ce n’était pas une étoffe matérielle, c’était un composé de gloire, et cette gloire était scintillante et d’une beauté ravissante. Tout en la Sainte Vierge me portait fortement et me faisait comme glisser à adorer et à aimer mon Jésus dans tous les états de sa vie mortelle.
La Très Sainte Vierge avait deux chaînes, l’une un peu plus large que l’autre. A la plus étroite était suspendue la croix dont j’ai fait mention plus haut. Ces chaînes (puisqu’il faut leur donner le nom de chaînes) étaient comme des rayons de gloire d’un grand éclat, variant et scintillant.
Les souliers (puisque souliers il faut dire) étaient blancs, mais d’un blanc argenté, brillant ; il y avait des roses autour. Ces roses étaient d’une beauté éblouissante, et du cœur de chaque rose sortait une flamme de lumière très belle et très agréable à voir. Sur les souliers il y avait une boucle en or, non en or de la terre, mais bien de l’or du paradis.
La vue de la Sainte Vierge était elle-même un paradis accompli . Elle avait en elle tout ce qui pouvait satisfaire, car la terre était oubliée. La Sainte Vierge était entourée de deux lumières. La première lumière, plus près de la Très Sainte Vierge, arrivait jusqu’à nous ; elle brillait d’un éclat très beau et très scintillant. La seconde lumière s’étendait un peu plus autour de la Belle Dame et nous nous trouvions dans celle-là ; elle était immobile (c’est-à-dire qu’elle ne scintillait pas) mais bien plus brillante que notre pauvre soleil de la terre. Toutes ces lumières ne faisaient pas mal aux yeux et ne fatiguaient nullement la vue.
Outre toutes ces lumières, toute cette splendeur, il sortait encore des groupes ou faisceaux de lumière ou des rayons de lumière, du corps de la Sainte Vierge, de ses habits et de partout.
La voix de la Belle Dame était douce ; elle enchantait, ravissait, faisait du bien au cœur ; elle rassasiait, aplanissait tous les obstacles, elle calmait, adoucissait. Il me semblait que j’aurai toujours voulu manger de sa belle voix, et mon cœur semblait danser ou vouloir aller à sa rencontre pour se liquéfier en elle.
Les yeux de la très Sainte Vierge, notre Tendre Mère, ne peuvent pas se décrire par une langue humaine. Pour en parler, il faudrait un séraphin, il faudrait plus, il faudrait le langage de Dieu même, de ce Dieu qui a formé la Vierge immaculée, chef-d’œuvre de sa toute puissance. Les yeux de l’auguste Marie paraissaient mille et mille fois plus beaux que les brillants, les diamants, les pierres précieuses les plus recherchées ; ils brillaient comme deux soleils, ils étaient doux, de la douceur même, clairs comme un miroir. Dans Ses yeux, on voyait le paradis. ils attiraient à elle, il semblait
qu’Elle voulait se donner et attirer. Plus je la regardais, plus je la voulais voir ; plus je la voyais, plus je l’aimais et je l’aimais de toutes mes forces.
« Les yeux de la belle Immaculée étaient comme la porte de Dieu, d’où l’on voyait tout ce qui peut enivrer l’âme. Quand mes yeux se rencontraient avec ceux de la Mère de Dieu et la mienne j’éprouvais au dedans de moi-même une heureuse révolution d’amour et une protestation de l’aimer et de me fondre d’amour ! En nous regardant, nos yeux se parlaient à leur mode, et je l’aimais tant que j’aurais voulu l’embrasser dans le milieu de ses yeux qui attendrissaient mon âme et semblait l’attirer et la faire fondre avec la mienne. Ses yeux me plantèrent un doux tremblement dans tout mon être ; et je craignais de faire le moindre mouvement qui pût lui être désagréable tant soit peu.
Cette seule vue des yeux de la plus pure des Vierges aurait suffi pour être le Ciel d’un bienheureux ; aurait suffi pour faire entrer une âme dans la plénitude des volontés du Très Haut parmi les événements qui arrivent dans le cours de la vie mortelle ; aurait suffi pour faire faire à cette âme de continuels actes de louange, de remerciement, de réparation et d’expiation. Cette seule vue concentre l’âme en Dieu, et la rend comme une morte vivante, ne regardant toutes les choses de la terre, même les choses qui paraissent les plus sérieuses, que comme des amusements d’enfants : elle ne voudrait entendre parler que de Dieu et de ce qui touche à sa Gloire.
Le péché est le seul mal qu’Elle voit sur la terre. Elle en mourrait de douleur si Dieu ne la soutenait. Amen ! »




La Salette, suite. retour au bercail et première enquête

Mélanie poursuit son récit :

« Le soir du 19 septembre, nous nous retirâmes un peu plus tôt qu’à l’ordinaire. Arrivée chez mes maîtres, je m’occupais à attacher mes vaches et à mettre tout en ordre dans l’écurie. Je n’avais pas terminé que ma maîtresse vint à moi en pleurant et me dit :
« Pourquoi, mon enfant, ne venez-vous pas me dire ce qui vous est arrivé sur la montagne ?
Maximin, n’ayant pas trouvé ses maîtres qui ne s’étaient pas encore retirés de leurs travaux, était venu chez les miens et avait raconté tout ce qu’il avait vu et entendu. Je lui répondit : « Je voulais bien vous le dire, mais je voulais finir mon ouvrage auparavant. »
Un moment après, je me rendis dans la maison, et ma maîtresse me dit : « Racontez ce que vous avez vu ; le berger de Bruite (c’était le surnom de Pierre Selme, maître de Maximin) m’a tout raconté. »
Je commence, et, vers la moitié du récit, mes maîtres arrivèrent de leurs champs. Ma maîtresse, qui pleurait en entendant les plaintes et les menaces de notre tendre Mère, dit : « Ah ! vous vouliez aller ramasser le blé demain (dimanche) ; gardez-vous en bien, venez entendre ce qui est arrivé au aujourd’hui à cette enfant et au berger de Pierre Selme.  »
Et, se tournant vers moi, elle dit : « Recommencez tout ce que vous avez dit. »
Je recommence et, quand j’eus terminé, mon maître dit :
« C’est la Sainte Vierge ou bien une grande sainte, qui est venue de la part du Bon Dieu, mais c’est comme si le Bon Dieu était venu lui-même , il faut faire ce que cette Sainte a dit. Comment allez-vous faire pour dire tout cela à tout son peuple ? »
Je lui répondis : « Vous me direz comment je dois faire, et je le ferai. »
Ensuite il ajouta en regardant sa mère, sa femme et son frère : « Il faut y penser. »
Puis chacun se retira à ses affaires. C’était après le souper, Maximin et ses maîtres vinrent chez les miens pour raconter ce que Maximin leur avait dit et pour savoir ce qu’il y avait à faire.
« Car dirent-ils, il nous semble que c’est la Sainte Vierge qui a été envoyée par le Bon Dieu ; les paroles qu’Elle a dites le font croire. Et Elle leur a dit de le faire passer à tout son peuple ; il faudra peut-être que ces enfants parcourent le monde entier pour faire connaître qu’il faut que tout le monde observe les commandements du Bon Dieu, sinon de grands malheurs vont arriver sur nous. »
Après un moment de silence, mon maître dit, en s’adressant à Maximin et à moi :
« Savez-vous ce que vous devez faire, mes enfants ? Demain, levez-vous de bon matin, allez tous deux à M. le Curé, et racontez-lui tout ce que vous avez vu et entendu ; dites-lui bien comment la chose s’est passée, il vous dira ce que vous avez à faire. »

Visite au Curé

Le 20 septembre, lendemain de l’Apparition, je partis de bonne heure avec Maximin. Arrivés à la cure, je frappe à la porte, La domestique de M. le Curé vint ouvrir et demanda ce que nous voulions, je lui dis (en Français, moi qui ne l’avais jamais parlé) :
« Nous voudrions parler à M le Curé. »
– Et que voulez-vous lui dire ? nous demanda-t-elle,
« Nous voulons lui dire, Mademoiselle, qu’hier nous sommes allés garder nos vaches sur la montagne des Baisses, et après avoir dîné, etc, .. , etc ». »
Nous lui racontâmes une bonne partie du discours de la Très Sainte Vierge. Alors la cloche de l’église sonna ; c’était le dernier coup de la messe.
M, l’Abbé Perrin, curé de la Salette, qui nous avait entendus, ouvrit sa porte avec fracas; il pleurait ; il se frappait la poitrine; il nous dit :
« Mes enfants, nous sommes perdus, Dieu va nous punir. Ah ! mon Dieu, c’est la Sainte Vierge qui vous est apparue ! »
Et il partit pour dire la Sainte Messe. Nous nous regardâmes avec Maximin et la domestique ; puis Maximin me dit :
« Moi, je m’en vais chez mon père à Corps, » Et nous nous séparâmes.
N’ayant pas reçu d’ordre de mes maîtres de me retirer aussitôt après avoir parlé à M. le Curé, je crus ne pas faire mal en assistant à la Messe. Je fus donc à l’église. La messe commence et après le premier Evangile, M. le Curé se tourne vers le peuple, et essaie de raconter à ses paroissiens l’Apparition qui venait d’avoir lieu, la veille, sur une de leurs montagnes, et les exhorte à ne plus travailler le dimanche ; sa voix était entrecoupée par des sanglots, et tout le peuple était très, très ému.
Après la sainte messe, je me retirai chez mes maîtres. M. Peytard, qui est encore aujourd’hui maire de la Salette y vint m’interroger sur le fait de l’Apparition, et, après s’être assuré de la vérité de ce que je lui disais, il se retira convaincu.
Je continuai de rester au service de mes maîtres jusqu’à la fête de la Toussaint. Ensuite je fus mise comme pensionnaire chez les religieuses de la Providence, dans mon pays, à Corps.




La Salette : suite de message, la Règle, derniers avis…

Après la relation du secret, Mélanie poursuit son récit de l’apparition :

Ensuite, la Sainte Vierge me donna, aussi en français, la Règle d’un nouvel Ordre religieux.
Après m’avoir donné la Règle de ce nouvel Ordre religieux, la Sainte Vierge reprit ainsi la suite du discours [aux deux bergers ensemble] :

« S’ils se convertissent, les pierres et les rochers se changeront en blé et les pommes de terre se trouveront ensemencées dans les terres.

« Faites-vous bien votre prière, mes enfants?
Nous répondîmes tous les deux: « Oh! non, Madame, pas beaucoup.
« Ah! mes enfants, il faut bien la faire, soir et matin. Quand vous ne pourrez pas mieux faire, dites un Pater et un Ave Maria ; et quand vous aurez le temps et que vous pourrez mieux faire, vous en direz davantage.

« Il ne va que quelques femmes un peu âgées à la messe ; les autres travaillent tout l’été le dimanche ; et l’hiver, quand ils ne savent que faire, ils ne vont à la messe que pour se moquer de la religion. Le carême, ils vont à la boucherie comme des chiens.

« N’avez-vous pas vu du blé gâté, mes enfants ? »
Tous deux, nous avons répondu : « Oh! non Madame.  »
La Sainte Vierge, s’adressant à Maximin :
« Mais toi, mon enfant, tu dois bien en avoir vu une fois vers le Coin, avec ton père. L’homme de la pièce dit à ton père : Venez voir comme mon blé se gâte. Vous y allâtes. Ton père prit deux ou trois épis dans sa main, il les frotta, et ils tombèrent en poussière. Puis, en vous en retournant, quand vous n’étiez plus qu’à une demi-heure de Corps, ton père te donna un morceau de pain en te disant : « Tiens, mon enfant, mange cette année, car je ne sais pas qui mangera l’année, prochaine si le blé se gâte comme cela. »
Maximin répondit : « C’est bien vrai, Madame, je ne me le rappelais pas.  »

La Très Sainte Vierge a terminé son discours en français.
« Eh bien ! mes enfants, vous le ferez passer a tout mon peuple. »

La très belle Dame traversa le ruisseau,et, à deux pas du ruisseau, sans se retourner vers nous qui la suivions (parce qu’elle attirait à elle par son éclat et plus encore par sa bonté qui m’enivrait, qui semblait me faire fondre le cœur), elle nous a dit encore : « Eh bien! mes enfants, vous le ferez passer à tout mon peuple.  »

Puis elle a continué à marcher jusqu’à l’endroit où j’étais montée pour regarder où étaient nos vaches. Ses pieds ne touchaient que le bout de l’herbe sans la faire plier. Arrivée sur la petite hauteur, la belle Dame s’arrêta, et vite je me plaçai devant elle pour bien, bien la regarder, et tâcher de savoir quel chemin elle inclinait le plus à prendre… Car c’était fait de moi, j’avais oublié et mes vaches et les maîtres chez lesquels j’étais en service ; je m’étais attachée pour toujours et sans conditions à ma Dame ; oui, je voulais ne plus jamais, jamais la quitter ; je la suivais sans
arrière pensée et dans la disposition de la servir tant que je vivrai. Avec ma Dame, je croyais avoir oublié le paradis ; je n’avais plus que la pensée de la servir en tout ; et je croyais que j’aurais pu faire tout ce qu’elle m’aurait dit de faire, car il me semblait qu’Elle avait beaucoup de pouvoir. Elle me regardait avec une tendre bonté qui m’attirait à Elle ; j’aurais voulu, avec les yeux fermés, m’élancer dans ses bras.


Elle ne m’a pas donné le temps de le faire. Elle s’est élevée insensiblement de terre à une hauteur d’environ un mètre et plus ; et, restant ainsi suspendue en l’air un tout petit instant, ma belle Dame regarda le ciel, puis la terre à sa droite et sa gauche, puis elle me regarda avec des yeux si doux, si aimables et si bons que je croyais qu’Elle m’attirait dans son intérieur, et il me semblait que mon cœur s’ouvrait au sien. Et tandis que mon cœur se fondait en une douce dilatation, la belle figure de ma bonne Dame disparaissait peu à peu ; il me semblait que la lumière en mouvement se
multipliait ou bien se condensait autour de la Très Sainte Vierge, pour m’empêcher de la voir plus longtemps. Ainsi la lumière prenait la place des parties du corps qui disparaissaient à mes yeux ; ou bien il me semblait que le corps de ma Dame se changeait en lumière en se fondant. Ainsi la lumière en forme de globe s’élevait doucement en direction droite. Je ne puis pas dire si le volume de lumière diminuait à mesure qu’Elle s’élevait, ou bien si c’était l’éloignement, qui faisait que je voyais diminuer la lumière à mesure qu’elle s’élevait; ce que je sais, c’est que je suis restée longtemps la tête levée et les yeux fixés sur la lumière, même après que cette lumière, qui allait toujours s’éloignant et diminuant de volume, eût fini par disparaître…  »

De son côté, Maximin raconte :

« Immobiles comme des statues, les yeux fixés sur la Belle-Dame, nous la voyons les pieds réunis, comme le patineur, glisser sur la cime de l’herbe sans la faire fléchir. Revenus de notre ravissement, nous courons après elle ; nous l’atteignons bientôt ; Mélanie se place devant et moi derrière, un peu sur la droite. Là, en notre présence, la Belle-Dame s’éleva insensiblement, resta quelques minutes, entre le ciel et la terre, a une hauteur de deux mètres environ ; puis la tête, le corps, les jambes et les pieds se confondirent avec la lumière qui l’encadrait. Nous ne vîmes
plus qu’un globe de feu s’élever et pénétrer dans le firmament.
Dans notre langage naïf, nous avons appelé ce globe le second soleil. Nos regards furent longtemps attachés sur l’endroit où le globe lumineux avait disparu. Je ne puis dépeindre ici l’extase dans laquelle nous nous trouvions, Je ne parle que de moi ; je sais très bien que tout mon être était anéanti, que tout le système organique était arrêté en ma personne. Lorsque nous eûmes le sentiment de nous-mêmes, Mélanie et moi nous nous regardions sans pouvoir prononcer un seul mot ; tantôt levant les yeux vers le ciel, tantôt les portant à nos pieds et autour de nous, tantôt interrogeant du regard tout ce qui nous environnait. Nous semblions chercher le personnage resplendissant que je n’ai plus revu.
Ma compagne, la première, interrompit le silence et dit :
Cela doit être, Mémin, le bon Dieu ou la Sainte Vierge de mon père, ou peut-être quelque grande sainte,
-Ah ! lui répondis-je, si je l’avais su, je lui aurais bien dit de m’emmener avec elle au ciel ! « 




La Salette : le secret complet de Mélanie

En publiant en 1879 son récit complet, Mélanie écrit enfin tout son secret.

Rédaction du secret en 1851

Sommée de le révéler au Pape Pie IX en 1851 , assistée de l’aide de Marie, elle ne lui en avait dévoilé en effet qu’un résumé, que voici, retrouvé en 1999 avec celui de Maximin, tel qu’il figure dans les archives du Saint Office à Rome :
« Mélanie, je vais vous dire quelque chose que vous ne direz à personne :
Le temps de la colère de Dieu est arrivé ! Si, lorsque vous aurez dit aux peuples ce que je vous ai dit tout à l’heure, et ce que je vous dirai de dire encore, si, après cela, ils ne se convertissent pas, (si on ne fait pas pénitence, et si on ne cesse pas de travailler le Dimanche, et si on continue à blasphémer le Saint Nom de Dieu), en un mot, si la face de la terre ne change pas,  Dieu va se venger contre le peuple ingrat et esclave du démon, Mon Fils va faire éclater sa puissance !
Paris, cette ville souillée de toutes sortes de crimes, périra infailliblement. Marseille sera détruite en peu de temps.
Lorsque ces choses arriveront, le désordre sera complet sur la terre, Le monde s’abandonnera à ses passions impies.
Le Pape sera persécuté de toutes parts : on lui tirera dessus, on voudra le mettre à mort, mais on ne lui pourra rien, le Vicaire de Dieu triomphera encore cette fois-là.
Les prêtres et les religieuses, et les vrais serviteurs de mon Fils seront persécutés, et plusieurs mourront pour la foi de Jésus Christ. Une famine régnera en même temps.
Après que toutes ces choses seront arrivées, beaucoup de personnes reconnaîtront la main de Dieu sur elles, se convertiront, et feront pénitence de leurs péchés. Un grand roi montera sur le trône, et régnera pendant quelques années. La religion refleurira et s’étendra par toute la terre et la fertilité sera grande ; le monde content de ne manquer de rien recommencera ses désordres, abandonnera Dieu, et se livrera à ses passions Criminelles.
[Parmi] les ministres de Dieu, et les Epouses de Jésus Christ, il y en a qui se livreront au désordre, et c’est ce qu’il y aura de [plus] terrible, .Enfin, un enfer régnera sur la terre.
Ce sera alors que l’antéchrist naîtra d’une religieuse ; Mais, malheur à elle ! Beaucoup de personnes croiront à lui, parce qu’il se dira le venu du ciel, malheur à ceux qui le croiront.
Le temps n’est pas éloigné, il ne passera pas deux fois 50 ans. »

(Le délai indiqué reste énigmatique. Mélanie précisera que c’est elle qui a ajouté cette indication d’après la vision des évènements prédits qu’elle contemplait en recevant le secret).
Suit l’interdiction formelle de la part de la Vierge de ne rien dire à personne de ce secret… ‘jusqu’à ce que je vous dise de le dire’.

Rédaction du secret en 1879

« Mélanie, ce que je vais vous dire maintenant ne sera pas toujours secret ; vous pourrez le publier en 1858.

[A la racine des maux, la médiocrité de combien de pasteurs]

« Les prêtres, ministres de mon Fils, les prêtres, par leur mauvaise vie, par leur irrévérence et leur impiété à célébrer les saints mystères, par l’amour de l’argent, l’amour de l’honneur et des plaisirs, les prêtres sont devenus des cloaques d’impureté. Oui, les prêtres demandent vengeance, et la vengeance est suspendue sur leurs têtes. Malheur aux prêtres et aux personnes consacrées à Dieu lesquelles par leur infidélité et leur mauvaise vie crucifient de nouveau mon Fils ! Les péchés des personnes consacrées à Dieu crient vers le Ciel et appellent la vengeance, et voilà que la vengeance est à leur porte, car il ne se trouve plus personne pour implorer miséricorde et pardon pour le peuple; il n’y a plus d’âmes généreuses, il n’y a plus personne digne d’offrir la Victime sans tâche à l’Eternel en faveur du monde .

« Dieu va frapper d’une manière sans exemple. Malheur aux habitants de la terre ! Dieu va épuiser sa colère, et personne ne pourra se soustraire à tant de maux réunis.

« Les chefs, les conducteurs du peuple de Dieu ont négligé la prière et la pénitence, et le démon a obscurci leur intelligence ; ils sont devenus ces étoiles errantes que le vieux diable traînera avec sa queue pour les faire périr. Dieu permettra au vieux serpent de mettre des divisions parmi les régnants, dans toutes les sociétés et dans toutes les familles. On souffrira des peines physiques et morales ; Dieu abandonnera les hommes à eux-mêmes et enverra des châtiments qui se succéderont pendant plus de trente-cinq ans.
« La Société est à la veille des fléaux les plus terribles et des plus grands événements ; on doit s’attendre à être gouverné par une verge de fer et à boire le calice de la colère de Dieu.

[Avis pour le pape. De l’apostasie à la guerre]

« Que le vicaire de mon Fils, le Souverain Pontife Pie IX ne sorte plus de Rome après l’année 1859 ; mais qu’il soit ferme et généreux, qu’il combatte avec les armes de la foi et de l’amour ; je serai avec lui. Qu’il se méfie de Napoléon, son cœur est double, et quand il voudra être à la fois Pape et Empereur, bientôt Dieu se retirera de lui ; il est cet aigle qui, voulant toujours s’élever, tombera sur l’épée dont il voulait se servir pour obliger les peuples à se faire élever.
« L’Italie sera punie de son ambition en voulant secouer le joug du Seigneur des Seigneurs ; aussi elle sera livrée à la guerre le sang coulera de tous côtés ; les Eglises seront fermées ou profanées ; les prêtres, les religieux seront chassés ; on les fera mourir, et mourir d’une mort cruelle. Plusieurs abandonneront la foi, et le nombre des prêtres et des religieux qui se sépareront de la vraie religion sera grand ; parmi ces personnes il se trouvera même des évêques.
« Que le Pape se tienne en garde contre les faiseurs de miracles ; car le temps est venu que les prodiges les plus étonnants auront lieu sur la terre et dans les airs.
« En l’année 1864, Lucifer avec un grand nombre de démons seront détachés de l’enfer ; ils aboliront la foi peu à peu et même dans les personnes consacrées à Dieu ; ils les aveugleront de telle manière, qu’à moins d’une grâce particulière, ces personnes prendront l’esprit de ces mauvais anges ; plusieurs maisons religieuses perdront entièrement la foi et perdront beaucoup d’âmes.
« Les mauvais livres abonderont sur la terre, et les esprits de ténèbres répandront partout un relâchement universel pour tout ce qui regarde le service de Dieu ; ils auront un très grand pouvoir sur la nature ; il y aura des églises pour servir ces esprits. Des personnes seront transportées d’un lieu à un autre par ces esprits mauvais, et même des prêtres, parce qu’ils ne se seront pas conduits par, le bon esprit de l’Evangile qui est un esprit d’humilité, de charité et zèle pour la gloire de Dieu. On fera ressusciter des morts et des justes. (C’est-à-dire que ces morts prendront la figure des âmes justes qui avaient vécu sur la terre, afin de mieux séduire les hommes ; ces soi-disant morts ressuscités qui ne seront autre chose que le démon sous ces figures, prêcheront un autre Evangile contraire à celui du vrai Christ Jésus, niant l’existence du Ciel) ; soit encore les âmes des damnés. Toutes ces âmes paraîtront comme unies à leur corps. Il y aura en tous lieux des prodiges extraordinaires, parce que la vraie foi s’est éteinte et que la fausse lumière éclaire le monde. Malheur aux Princes de l’Eglise qui ne seront occupés qu’à entasser richesses sur richesses, qu’à sauvegarder leur autorité et à dominer avec orgueil !
« Le Vicaire de mon Fils aura beaucoup à souffrir, parce que pour un temps l’Eglise sera livrée à de grandes persécutions ; ce sera le temps des ténèbres ; l’Eglise aura une crise affreuse.
« La sainte foi de Dieu étant oubliée, chaque individu voudra se guider par lui-même et être supérieur à ses semblables. On abolira les pouvoirs civils et ecclésiastiques ; tout ordre et toute justice seront foulés aux pieds ; on ne verra qu’homicides, haine, jalousie, mensonge et discorde sans amour pour la patrie ni pour la famille.
« Le Saint Père souffrira beaucoup. Je serai avec lui jusqu’à la fin pour recevoir son sacrifice.
« Les méchants attenteront plusieurs fois à sa vie sans pouvoir nuire à ses jours ; mais ni lui ni son successeur, {qui ne règnera pas longtemps}, ne verront le triomphe de l’Eglise de Dieu.
« Les gouvernants civils auront tous un même dessein qui sera d’abolir et de faire disparaître tout principe religieux, pour faire place aux matérialisme, à l’athéisme, au spiritisme et à toutes sortes de vices.
« Dans l’année 1865, on verra l’abomination dans les lieux saints ; dans les couvents, les fleurs de l’Eglise seront putréfiées et le démon se rendra comme le roi des cœurs. Que ceux qui sont à la tête des communautés religieuses se tiennent en garde pour les personnes qu’ils doivent recevoir, parce que le démon usera de toute sa malice pour introduire dans les ordres religieux des personnes adonnées au péché, car les désordres et l’amour des plaisirs charnels seront répandus, par toute la terre.
« La France, l’Italie, l’Espagne et l’Angleterre seront en guerre ; le sang coulera dans les rues ; le Français se battra avec le Français, l’Italien avec l’Italien ; ensuite il y aura une guerre générale qui sera épouvantable. Pour un temps, Dieu ne se souviendra plus de la France ni de l’Italie parce que l’Evangile de Jésus Christ n’est plus connu. Les méchants déploieront toute leur malice ; on se tuera, on se massacrera mutuellement jusque dans les maisons.

[Première intervention divine]

« Au premier coup de son épée foudroyante, les montagnes et la nature entière trembleront d’épouvante parce que les désordres et les crimes des hommes percent la voûte des cieux. Paris sera brûlé et Marseille englouti ; plusieurs grandes villes seront ébranlées et englouties par des tremblements de terre ; on croira que tout est perdu ; on ne verra qu’homicides, on n’entendra que bruits d’armes et que blasphèmes.
« Les justes souffriront beaucoup ; leurs prières, leur pénitence et leurs larmes monteront jusqu’au Ciel, et tout le peuple de Dieu demandera pardon et miséricorde, et demandera mon aide et mon intercession. Alors Jésus-Christ, par un acte de sa justice et de sa grande miséricorde pour les justes, commandera à ses Anges que tous ses ennemis soient mis à mort. Tout à coup, les persécuteurs de l’Eglise de Jésus-Christ et tous les hommes adonnés au péché périront et la terre deviendra comme un désert. Alors se fera la paix, la réconciliation de Dieu avec les hommes ; Jésus Christ sera servi, adoré et glorifié ; la charité fleurira partout. Les nouveaux rois seront le bras droit de la Sainte Eglise, qui sera forte, humble, pieuse, pauvre, zélée et imitatrice des vertus de Jésus Christ. L’Evangile sera prêché partout, et les hommes feront de grands progrès dans la foi, parce qu’il y aura unité parmi les ouvriers de Jésus-Christ et que les hommes vivront dans la crainte de Dieu.

[La deuxième épreuve]

« Cette paix parmi les hommes ne sera pas longue ; vingt-cinq ans d’abondantes récoltes leur feront oublier que les péchés des hommes sont cause de toutes les peines qui arrivent sur la terre.
« Un avant-coureur de l’Antéchrist, avec ses troupes de plusieurs nations, combattra contre le vrai Christ, le seul Sauveur du monde ; il répandra beaucoup de sang, et voudra anéantir le culte de Dieu pour se faire regarder comme un Dieu.
« La terre sera frappée de toutes sortes de plaies (outre la peste et la famine qui seront générales) ; il y aura des guerres jusqu’à la dernière guerre qui sera alors faite par les dix rois de l’Antéchrist, lesquels rois auront tous un même dessein et seront les seuls qui gouverneront le monde. Avant que ceci arrive il y aura une espèce de fausse paix dans le monde ; les méchants se livreront à toutes sortes de péchés; mais les enfants de la sainte Eglise, les enfants de la foi, mes vrais imitateurs, croîtront dans Amour de Dieu et dans les vertus qui me sont les plus chères. Heureuses les âmes humbles conduites par l’Esprit-Sain t! Je combattrai avec, elles jusqu’à ce qu’elles arrivent à la plénitude de l’âge.
« La nature demande vengeance pour les hommes et elle frémit d’épouvante dans l’attente de ce qui doit arriver à la terre souillée de crimes. Tremblez, terre, et vous qui faites profession de servir Jésus-Christ, et qui au dedans, vous adorez vous-mêmes ; tremblez, car Dieu va vous livrer à son ennemi parce que les lieux saints sont dans la corruption ; beaucoup de couvents ne sont plus les maisons de Dieu, mais les pâturages d’Asmodée et des siens. Ce sera pendant ce temps que naîtra l’Antéchrist d’une religieuse hébraïque, d’une fausse vierge qui aura communication avec le vieux serpent, le maître de l’impureté son père sera Evèque ; en naissant il vomira des blasphèmes ; il aura des dents, en un mot, ce sera le diable incarné ; il poussera ries cris effrayants, il fera des prodiges, il ne se nourrira que d’impuretés. Il aura des frères qui, quoiqu »ils ne soient pas comme lui des démons incarnés, seront des enfants de mal ; à douze ans ils se feront remarquer par leurs vaillantes victoires qu’ils remporteront ; bientôt ils seront chacun à la tête des armées, assistés par des légions de l’enfer.
« Les saisons seront changées, la terre ne produira que de mauvais fruits, les astres perdront leurs mouvements réguliers, la lune ne reflétera qu’une faible lumière rougeâtre ; l’eau et le feu donneront au globe de la terre des mouvements convulsifs et d’horribles tremblements de terre qui feront engloutir des montagnes, des villes, etc …
« Rome perdra la foi et deviendra le siège de l’Antéchrist.
« Les démons de l’air avec l’Antéchrist feront de grands prodiges sur la terre et dans les airs, et les hommes se pervertiront de plus en plus : Dieu aura soin de ses fidèles serviteurs et des hommes de bonne volonté, l’Evangile sera prêché partout, tous les peuples et toutes les nations auront connaissance de la vérité.

[Appel aux apôtres des derniers temps, victoire de la foi]

« J’adresse un pressant appel à la terre ; j’appelle les vrais disciples du Dieu vivant et régnant dans les cieux ; j’appelle les vrais imitateurs du Christ fait homme, le seul et vrai Sauveur des hommes ; j’appelle mes enfants et mes vrais dévots, ceux qui se sont donnés à moi pour que je les conduise à mon divin Fils, ceux que je porte pour ainsi dire dans mes bras, ceux qui ont vécu de mon esprit enfin j’appelle les Apôtres des derniers temps, les fidèles disciples de Jésus-Christ qui ont vécu dans un mépris du monde et d’eux-mêmes, dans la pauvreté et dans l’humilité, dans le mépris et dans le silence, dans l’oraison, et la mortification, dans la chasteté et l’union avec Dieu, dans la souffrance et inconnus du monde. Il est temps qu’ils sortent et viennent éclairer la terre. Allez et montrez-vous comme mes enfants chéris ; je suis avec vous et en vous, pourvu que votre foi soit la lumière qui vous éclaire dans ces jours de malheurs. Que votre zèle vous rende comme des affamés pour la gloire et l’honneur de Jésus-Christ. Combattez, enfants de lumière, vous, petit nombre qui y voyez ; car voici le temps des temps, la fin des fins.

« L’Eglise sera éclipsée, le monde sera dans la consternation. Mais voilà Enoch et Elie remplis de l’Esprit de Dieu ; ils prêcheront avec la force de Dieu, et les hommes de bonne volonté croiront en Dieu, et beaucoup d’âmes seront consolées ; ils feront de grands progrès par la vertu du Saint-Esprit et condamneront les erreur diaboliques de l’Antéchrist. Malheur aux habitants de la terre ! il y aura des guerres sanglantes et des famines, des pestes et des maladies contagieuses ; il y aura des pluies d’une grêle effroyable d’animaux ; des tonnerres qui ébranleront les villes, des tremblements de terre qui engloutiront des pays ; on entendra des voix dans les airs ; les hommes se battront la tête contre les murailles, ils appelleront la mort, et d’un autre côté la mort fera leur supplice ; le sang coulera de tous côtés. Qui pourra vaincre si Dieu ne diminue le temps de l’épreuve ? Par le sang, les larmes et les prières des justes Dieu se laissera fléchir – Enoch et Elie seront mis à mort ; Rome païenne disparaîtra ; le feu du ciel tombera et consumera trois villes ; tout l’univers sera frappé de terreur, et beaucoup se laisseront séduire parce qu’ils n’ont pas adoré le vrai Christ vivant parmi eux. Il est temps le soleil s’obscurcit ; la foi seule vivra.

« Voici le temps l’abîme s’ouvre. Voici le roi des rois des ténèbres, voici la Bête avec ses sujets, se disant le Sauveur du monde. Il s’élèvera avec orgueil dans les airs pour aller jusqu’au ciel ; il sera étouffé par le souffle de Saint Michel Archange. Il tombera, et la terre qui, depuis trois jours sera en de continuelles évolutions, ouvrira son sein plein de feu ; il sera plongé pour jamais avec tous les siens dans les gouffres éternels de l’enfer. Alors l’eau et le feu purifieront la terre et consumeront toutes les œuvres de l’orgueil des hommes et tout sera renouvelé ; Dieu sera
servi et glorifié.  »

A suivre…




La Salette : le secret de Maximim

Secret de Maximin adressé au Pape Pie IX le 3 juillet 1851.

Préambule de Maximin : » Le 19 septembre 1846, nous avons vu une belle Dame. Nous n’avons jamais dit que cette dame fut la Ste Vierge mais nous avons toujours dit que c’était une belle Dame. Je ne sais pas si c’est la sainte Vierge ou une autre personne. Moi je crois aujourd’hui que c’est la sainte Vierge. Voilà ce que cette Dame m’a dit :

« Si mon peuple continue, ce que je vais vous dire arrivera plus tôt, s’il change un peu, ce sera [pour] un peu plus tard.

La France a corrompu l’univers, un jour elle sera punie. La foi s’éteindra dans la France : Trois parties de la France ne pratiqueront plus de religion, ou presque plus, l’autre partie la pratiquera sans bien la pratiquer.
Puis, après, les nations se convertiront, la foi se rallumera par tout. Une grande contrée dans le nord de l’Europe, aujourd’hui protestante, se convertira : par l’appui de cette contrée, toutes les autres contrées du monde se convertiront.
Avant que tout cela arrive, de grands troubles arriveront, dans l’église, et partout.
Puis, après [cela], notre Saint Père le pape sera persécuté. Son successeur sera un pontife que personne [n’] attend. 5
Puis, après [cela], une grande paix arrivera, mais elle ne durera pas longtemps.
Un monstre viendra la troubler.

Tout ce-que je vous dit là arrivera dans l’autre siècle, [au] plus tard aux deux mille ans. « 




L’Apparition de la Très-Sainte-Vierge sur la Montagne de La Salette le 19 septembre 1846

Nous reproduisons une revue parue en 2006 (l’Impartial n°199), publiée par le Père Michel Corteville, spécialiste de La Salette.

L’Apparition de la Très-Sainte-Vierge sur la Montagne de La Salette

le 19 septembre 1846

Récit de Mélanie complété par Maximin

Imprimatur de l’évêché de Lecce, Italie, 1879. Sur la couverture, ce titre est suivi de la parole du message : « Eh bien! Mes enfants, vous le ferez passer à tout mon Peuple. »

1. la rencontre des deux bergers

Le 18 septembre, veille de la Sainte Apparition de la Sainte Vierge, j’étais seule, comme à mon ordinaire, à garder les vaches de mes Maîtres. Vers les onze heures du matin, je vis venir auprès de moi un petit garçon. A cette vue je m’effrayai, parce qu’il me semblait que tout le monde devait savoir que je fuyais toutes sortes de compagnies. Cet enfant s’approcha de moi et me dit : « Petite, je viens avec toi, je suis aussi de Corps. » A ces paroles, mon mauvais naturel se lit bientôt voir, et, faisant quelques pas en arrière, je lui dis : « Je ne veux personne, je veux rester seule. » Mais cet enfant me suivait en me disant : « Va, laisse-moi avec toi, mon Maître m’a dit de venir garder mes vaches avec les tiennes : je suis de Corps. » Moi, je m’éloignai de lui, en lui faisant signe que je ne voulais personne, et, après m’être éloignée, je m’assis sur le gazon. Là, je faisais ma conversation avecles petites fleurs du Bon Dieu. Un moment après, je regarde derrière moi, et je trouve Maximin assis tout près de moi. Il me dit aussitôt: « Garde-moi, je serai bien sage. » Mais mon mauvais naturel n’entendit pas raison. Je me relève avec précipitation et je m’enfuis un peu plus loin sans rien lui dire, et je me remis à jouer avec les petites fleurs du Bon Dieu. Un instant après, Maximin était encore là, à me dire qu’il serait bien sage, qu’il ne parlerait pas, qu’il s’ennuierait d’être tout seul, et que son Maître renvoyait près de moi, etc …
Cette fois, j’en eus pitié, je lui fis signe de s’asseoir, et, moi, je continuai avec les petites fleurs du Bon Dieu. Maximin ne tarda pas à rompre le silence, il se mit à rire (je crois qu’il se moquait de mai), je le regarde et il me dit : « Amusons-nous, faisons un jeu. » Je ne lui répondis rien, car j’étais si ignorante que je ne comprenais rien au jeu avec une autre personne, ayant toujours été seule. Je m’amusais avec les fleurs, toute seule, et Maximin, s’approchant tout à fait de moi ne faisait que rire en me disant que les fleurs n’avaient pas d’oreilles pour m’entendre et que nous devions jouer ensemble. Mais je n’avais aucune inclination pour le jeu qu’il me disait de faire. Cependant je me mis à lui parler, et il me dit que les dix jours qu’il devait passer avec son Maitre allaient bientôt finir et qu’ensuite il s’en irait à Corps chez son père, etc… Tandis qu’il me parlait, la cloche de la Salette se fit entendre, c’était l’Angelus ; je fis signe à Maximin d’élever son âme à Dieu. Il se découvrit la tête et garda un moment le silence. Ensuite je lui dis :  » Veux-tu dîner ?  – Oui, me répondit-il. Allons.  »


Nous nous assîmes, je sortis de mon sac les provisions que m’avaient données mes Maîtres et, selon mon habitude, avant d’entamer mon petit pain rond, avec la pointe de mon couteau je fis une croix sur mon pain, et, au milieu, un petit trou, en disant « Si le diable y est qu’il en sorte, et si le Bon Dieu y est qu’il y reste ! » et vite, vite, je recouvris le petit trou. Maximin partit d’un grand éclat de rire et donna un coup de pied à mon pain, qui s’échappa de mes mains, roula jusqu’au bas de la montagne et se perdit. J’avais un autre morceau de pain ; nous le mangeâmes ensemble ; ensuite nous fîmes un jeu ; puis, comprenant que Maximin devait avoir besoin de manger, je lui indiquai un endroit de la montagne couvert de petits fruits. Je l’engageai à aller en manger, ce qu’il fit aussitôt ; il en mangea et en rapporta plein son chapeau. Le soir nous descendîmes ensemble de la montagne et nous nous promîmes de revenir garder nos vaches ensemble.

[Deuxième rencontre: le jour de l’apparition]

Le lendemain, 19 septembre, je me retrouvai en chemin avec Maximin. Nous gravissions ensemble la montagne. Je trouvais que Maximin était très bon, très simple, et que volontiers il parlait de ce dont je voulais parler, il était aussi très souple, ne tenant pas à son sentiment ; il était seulement un peu curieux ; car, quand je m’éloignais de lui, dès qu’il me voyait arrêtée, il accourait vite pour voir ce que je faisais et entendre ce que je disais avec les fleurs du Bon Dieu ; et s’il n’arrivait pas à temps, il me demandait ce que j’avais dit. Maximin me dit de lui apprendre un jeu. La matinée était déjà avancée. Je lui dis de ramasser des fleurs pour faire le « Paradis ». Nous nous mimes tous les deux à l’ouvrage ; nous eûmes bientôt une quantité de fleurs de diverses couleurs. L’Angélus du village se fit entendre, car le ciel était beau, il n’y avait pas de nuages. Après avoir dit au Bon Dieu ce que nous savions, je dis à Maximin que nous devions conduire nos vaches sur un petit plateau près du ravin, où il y aurait des pierres pour bâtir le « Paradis ». Nous conduisîmes nos vaches au lieu désigné, et ensuite nous prîmes notre petit repas ; puis nous nous mimes à porter des pierres et à construire notre petite maison,- qui consistait en un rez-de-chaussée qui, soi disant, était notre habitation, puis un étage au-dessus qui était selon nous le « Paradis ». Cet étage
était tout garni de fleurs de différentes couleurs, avec des couronnes suspendues par des tiges de fleurs. Ce « Paradis » était couvert d’une seule et large pierre que nous avions recouverte de fleurs ; nous avions aussi suspendu des couronnes tout autour. Le « Paradis » terminé nous le regardions ; le sommeil nous vint, nous nous éloignâmes de là à environ deux pas, et nous nous endormîmes sur le gazon.

La Belle Dame s’assied sur notre Paradis, sans le faire croûler… »

Maximim, de son côté, commence le récit par une prière :

 » Très Sainte Vierge Marie Immaculée, Notre-Dame de La Salette, permettez-moi de venir déposer à vos pieds ces quelques pages ; faites qu’aujourd’hui que je suis devenu homme, ma voix soit aussi pure, aussi véridique que le 19 septembre 1846, quand je descendis de votre sainte montagne pour annoncer, à tout Votre Peuple, la grande nouvelle dont vous m’avez chargé. Je n’aurais jamais écrit, bonne et très excellente Mère, si l’on ne mettait point en doute mon témoignage, si l’on ne le tournait point contre vous-même, si l’on ne me prêtait point des paroles lorsque je garde le plus profond silence. Je vous prie et je vous supplie, ô très sainte Vierge Marie, implorée sous votre titre de Notre-Dame de La Salette, de m’accorder, jusqu’à la fin de mes jours, la grâce de confesser votre apparition, comme tous les témoins de l’Eglise ont fait pour la divinité même de Notre-Seigneur Jésus-Christ. »

Maximin enchaîne avec le récit :
« II est midi. Ce n’est point l’heure des ténèbres si favorable aux illusions ; le ciel est serein ; les nuages dans leurs formes étranges ne nous feront voir aucun fantôme ; le soleil brille du plus vif éclat ; il sera facile aux deux témoins de comparer sa splendeur avec celle de la très sainte Vierge. Je dis ces choses, car, pour le plaisir de nous combattre, quelles hypothèses n’a-t-on pas inventées ? Assis au sommet de la Sainte Montagne, sur des pierres placées les unes sur les autres et formant une espèce de banc, près d’une fontaine tarie qui a coulé le jour même, qui depuis coule toujours et porte le nom de fontaine miraculeuse, Mélanie et moi faisons notre frugal repas. Nos vaches boivent et se dispersent. Fatigué, je m’étends sur le gazon et je dors. Quelques instants après j’entends la voix de Mélanie m’appelant : Mémin (diminutif de Maximin), Mémin, viens vite que nous allions voir où sont nos vaches. Je me réveille en sursaut, je saisis mon bâton et je suis Mélanie qui me servait de guide. Nous franchissons la Sézia, nous gravissons rapidement le versant d’un monticule et nous apercevons sur l’autre versant, nos bestiaux qui reposaient tranquillement.

II. Début de l’apparition

Nous revenions vers le banc de pierre où nous avions laissé nos panetières quelques instants auparavant, quand tout à coup Mélanie s’arrête, son bâton lui échappe des mains ; effrayée, elle se tourne vers moi en disant :
– Vois-tu là-bas cette grande lumière ?
– Oui, je la vois, lui répondis-je ; mais va, prends ton bâton.
Et alors brandissant le mien avec menace :
– Si elle nous touche, ajoutai-je, je lui en donnerai un bon coup.
Cette lumière, devant laquelle celle du soleil semble pâlir, parait s’entrouvrir et nous distinguons dans son intérieur la forme d’une dame encore plus brillante. Elle avait l’attitude d’une personne profondément affligée ; elle était assise sur l’une des pierres du petit banc, les coudes appuyés sur ses genoux et le visage caché dans ses mains.


Quoique à une distance de vingt mètres environ, nous entendons une voix douce comme si elle sortait d’une bouche voisine de nos oreilles, disant ;
– Avancez, mes enfants, n’ayez pas peur, je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle .
La crainte respectueuse qui nous avait tenus en arrêt s’évanouit ; nous courons à elle comme à une bonne et très excellente mère. »

Reprise du récit de Mélanie :
« Ces douces et suaves paroles me firent voler jusqu’à elle, et mon cœur aurait voulu se coller à elle pour toujours. Arrivée bien près de la Belle Dame, devant elle à sa droite, elle commence le discours, et des larmes commencent aussi à couler de ses beaux yeux :
« Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller la main de mon Fils. Elle est si lourde et pesante que je ne puis plus la retenir. Depuis le temps que je souffre pour vous autres ! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse. Et, pour vous autres, vous n’en faites pas cas. Vous aurez beau prier, beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la peine que j’ai prise pour vous autres.
Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis réservé le septième, et on ne veut pas me l’accorder. C’est ce qui appesantit tant le bras de mon Fils.
Ceux qui conduisent les charrettes ne savent pas parler sans y mettre le nom de mon Fils au milieu.
Ce sont les deux choses qui appesantissent tant le bras de mon Fils. Si la récolte se gâte, ce n’est qu’à cause de vous autres. Je vous l’ai fait voir l’année passée par les pommes de terre, vous n’en avez pas fait cas ; c’est au contraire quand vous en trouviez de gâtées, vous juriez, et vous mettiez le nom de mon Fils. Elles vont continuer à se gâter, à la Noël il n y en aura plus.  »
Ici je cherchais à interpréter la parole : pommes de terre ; je croyais comprendre que cela signifiait : pommes. La Belle et Bonne Dame, devinant ma pensée reprit ainsi.
« Vous ne comprenez pas, mes enfants, je vais vous le dire autrement.  »
La traduction en français [du discours que la Vierge continue maintenant en patois] est celle-ci :
« Si la récolte se gâte, ce n’est rien que pour vous autres ; je vous l’ai fait voir l’année passée par les pommes de terre, et vous n’en avez pas fait cas ; c’était, au contraire, quand vous en trouviez de gâtées, vous juriez et vous mettiez le nom de mon Fils. Elles vont continuer à se gâter et, à la Noël, il n’y en aura plus. Si vous avez du blé, il ne faut pas le semer. Tout ce que vous sèmerez, les bêtes le mangeront, et ce qui viendra tombera tout en poussière quand vous le battrez. Il viendra une grande famine. Avant que la famille vienne, les petits enfants au-dessous de sept ans, prendront
un tremblement et mourront entre les mains des personnes qui les tiendront ; les autres feront pénitence par la faim. Les noix deviendront mauvaises ; les raisins pourriront.  »

Ici, la Belle Dame, qui me ravissait, resta un moment sans se faire entendre ; je voyais cependant qu’elle continuait comme si elle parlait, de remuer gracieusement ses aimables lèvres. Maximin recevait alors son secret.

A suivre…