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« Toucher la frange de son manteau ! » 1. Le toucher de la guérison

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« On le priait de les laisser toucher seulement la frange de son manteau,

et tous ceux qui le touchaient étaient guéris ! »

Marc 6,56

    Il est  judicieux ici de s’arrêter d’abord sur un passage unique de l’Ancien Testament qui nous introduit magnifiquement : il s’agit de la transmission du manteau d’Elie à Elisée qui manifeste combien ce dernier a reçu « l’esprit d’Elie »: « Les frères prophètes le virent à distance et dirent : « L’esprit d’Elie s’est reposé sur Elisée ! » Ils vinrent à sa rencontre et se prosternèrent à terre devant lui… » (2 R 2,15)

Cet épisode étonnant nous fait déjà toucher que le vêtement peut être doté d’une puissance symbolique : ici, le manteau devient le signe éclatant d’une « transmission d’esprit » entre Elie et Elisée… et elle inaugure une « mission prophétique » :

« Or, comme ils marchaient en conversant, voici qu’un char de feu et des chevaux de feu se mirent entre eux deux, et Elie monta au ciel dans le tourbillon… Elisée ramassa le manteau d’Elie, qui avait glissé, et revint se tenir sur la rive du Jourdain. Il prit le manteau et frappa les eaux en disant : « Où est le Seigneur, le Dieu d’Elie ? » Il frappa les eaux, qui se divisèrent d’un côte et de l’autre, et Elisée traversa… » (2 R 2,13-14)

Digne d’un film fantastique, cet épisode nous laisse deviner la signification « unique » qu’exprime un vêtement quand il devient le signe d’une action miraculeuse et prophétique !

Dans le Nouveau Testament, il ne manque pas de références au « toucher » du manteau ou à la tunique de Jésus… Souvenons-nous de la guérison de « l’hémorroïsse » : elle avait « entendu parler de Jésus ; et venant par derrière dans la foule, elle toucha son manteau. Car elle se disait : « Si je touche au moins quelque partie de son vêtement, je serai guérie… et aussitôt, elle sentit dans son corps qu’elle était guérie ! » (Mc 5,27-29). Que signifie cette expression « si je touche » si ce n’est qu’elle a cru[1] » commente Saint Augustin.

Et comment ne pas faire ici référence au commentaire de Saint Jean Chrysostome ? Cela nous invite à nous mettre à nouveau « à l’école » des Pères de l’Eglise en ces temps où les excès de l’exégèse moderne réduit notre approche des Ecritures à une peau de chagrin ! Alors, écoutons la sagesse de l’Esprit à travers un des plus beaux visages de la patrologie… il nous plonge avec bonheur dans la splendeur de l’Evangile qui vient illuminer notre foi :

« Cette femme n’osait s’approcher publiquement du Sauveur, parce que la Loi la déclarait immonde ! Elle s’approche donc par derrière et en secret, parce qu’elle n’osait le faire ouvertement… et encore ne touche-t-elle pas le vêtement, mais la frange du vêtement du Sauveur ; ce n’est pas du reste la frange du vêtement, mais ses dispositions intérieures qui ont été la cause de sa guérison… et les paroles qui suivent : « Jésus eut conscience qu’une force était sortie de lui » (Mc 5,30) nous apprennent que ce n’est pas à son insu que cette femme fut guérie, mais qu’il le savait fort bien ! S’il pose cependant cette question : « Qui m’a touché ? » bien qu’il sache parfaitement que c’était cette femme, c’est pour faire connaître son action, proclamer sa foi, et graver dans l’esprit de tous le souvenir de cette action miraculeuse !…

Et il regardait autour de lui pour voir celle qui l’avait touché ? » (Mc 5,32). Car Notre Seigneur voulait faire connaître cette femme : d’abord pour faire l’éloge de sa foi et aussi dissiper la frayeur dont elle était saisie, et puis pour inspirer au chef de la synagogue la confiance que sa petite fille serait guérie[2]… »

Telle est la puissance invincible de la foi à travers la prière persévérante ! Et l’on peut remarquer également que ce « toucher » du manteau de Jésus semblait une pratique fréquente pour les malades, comme le note l’Evangile de Saint Marc (6,56) et également de Saint Matthieu, quand Jésus accoste à Génésareth : « Les gens de l’endroit, l’ayant reconnu… on lui amena tous les malades : on le priait de les laisser simplement toucher la frange de son manteau, et tous ceux qui la touchèrent furent guéris ! » (Mt 14,35-36).

En concordance avec les précisions géographiques de l’Evangile, Génésareth pourrait être dérivé du mot hébreu « gan » qui signifie jardin, et « Nesar », qui signifie prince ou richesse. Faisant allusion à la richesse et la fertilité de la région, il pourrait donc signifier « Jardin du Prince » ou « Jardin des richesses »… mais par-dessus tout, la référence à Génésareth souligne la compassion puissante de Jésus et symbolise un lieu privilégié de l’intervention du Maître ! Là, les limites humaines sont transcendées par la puissance de la grâce… car en « touchant » Jésus, la foi des pauvres et des malades découvre l’infinie miséricorde de Dieu qui s’offre aux plus petits !

Souvenons-nous ici du cri insistant de la Syro-phénicienne (Mc 7,26) quand elle supplie Jésus de guérir sa fille (Mt 15,22-27). Au cœur de sa détresse, elle a ce « génie de la foi » et cette beauté des pauvres qui n’ont plus que Dieu seul ! Et au moment où les paroles du Maître devraient la décourager (Mt 15,26), elle rebondit avec cette confiance dont l’humilité créative bouleverse le Cœur de Dieu :

« Oui, Seigneur ! dit-elle, et justement les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ! » Alors, Jésus lui répondit : « O femme, grande est ta foi ! Qu’il t’advienne selon ton désir ! Et dés ce moment, sa fille fut guérie… » (Mt 15,27-28).

 

                                                                           +M Mickaël

 

[1] Saint Augustin, Commentaire de l’Evangile selon Saint Jean, 26,3.

[2] Saint Jean Chrysostome, Commentaires de l’Evangile de Marc, traduction de l’Abbé J-M Péronne, Louis Vivés Editeur, 1868.

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