Partager la publication "Sainte Thérèse d’Avila : l’oraison est un regard…"
« Pensez-vous qu’il se taise, bien que nous ne l’entendions pas ? Non, certes.
Il parle au cœur quand c’est le cœur qui le prie… »
Sainte Thérèse d’Avila, Chemin, 26
Celle qu’on appelle « la Madre » est devenue la première femme proclamée « Docteur de l’Eglise » par le Pape Paul VI, le 27 septembre 1970. Ce titre, qui la rend encore plus universelle, est une évidence de l’Eglise pour celle qui a eu des révélations « uniques » sur le mystère intérieur de l’homme dans le livre des demeures ou le « Château de l’âme ». Même génie quand elle décrit les voies de l’oraison du cœur dans le Camino[1]. Alors, pour sa fête célébrée le 15 octobre, méditons quelques textes splendides qui vont éclairer et fortifier notre pratique concrète de l’oraison ou prière du cœur…
En effet, Thérèse de Jésus conçoit « l’oraison » ou prière du cœur comme l’expérience fondamentale de la foi qui touche le Ressuscité. Pour elle, l’oraison est « une relation intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec Celui dont on se sait aimé[2]. » Cette splendide définition nous ouvre à un monde spirituel où est exaltée le fondement de l’oraison silencieuse : une « relation » unique avec Dieu, présent au fond de mon cœur… car Teresa veut nous faire saisir qu’il n’y a pas d’oraison véritable sans une authentique attention du cœur. Pour elle, il est donc primordial de « parler à Dieu avec toute l’attention qui convient à un tel Maître pour comprendre en présence de qui nous sommes. Il parle au cœur quand c’est le cœur qui le prie[3] ! » Ainsi, le cœur de l’oraison c’est l’attention du cœur…
De là, toute prière doit tendre à un dialogue vivant, et la Madre insiste fort pour ne pas opposer prière vocale et oraison silencieuse, parole et intériorité :
« Sachez que l’oraison n’est pas vocale ou mentale parce que nous avons la bouche ouverte ou fermée. Si, quand je prie vocalement, je suis entièrement occupé de Dieu, à qui je m’adresse, si je songe à Lui avec plus de soin qu’aux paroles mêmes que je prononce, j’unis l’oraison mentale à l’oraison vocale[4]. »
C’est pourquoi le Rosaire de Notre Dame est une école de l’attention du cœur. Sa première exigence est d’éveiller en nous « une spiritualité du regard » : Regard sur Marie, « pleine de grâce » … Regard sur « Jésus », fruit béni du sein de Marie ! Regard sur la Très Sainte Trinité à travers le « Gloria » à la fin de chaque dizaine. En réalité, même si cela nous stupéfie : Jésus attend sans cesse de nous ce regard sponsal qui le cherche… car l’oraison est un mystère d’amour ! Dans une civilisation où nous sommes envahis par le bruit omniprésent, la domination des médias et la frénésie de la consommation, nous sommes devenus les prisonniers de l’extériorité !
En réalité, comment ne pas voir que l’enseignement magistral de la Madre sur l’oraison du cœur est « prophétique » pour notre époque ? C’est peut-être aussi pour cette raison que l’Eglise nous la présente comme Docteur de la prière silencieuse pour notre époque si esclave du bruit ! Nous sommes en effet sous la « dictature du relativisme » comme le disait si justement le si cher Pape Benoît XVI… Alors, écoutons un passage phare du Camino où la Madre nous plonge au cœur de l’oraison avec cette sagesse qui vient de l’expérience et cette simplicité qui est la marque de l’Evangile ! Relisons-le souvent car il nous encouragera à faire oraison chaque jour en étant fidèles d’abord à un quart d’heure de silence du cœur :
« Je ne vous demande pas de fixer votre pensée sur Lui, ne de faire de nombreux raisonnements, ou de hautes et savantes considérations. Je ne vous demande qu’une chose : le regarder !
Qu’est-ce qui vous empêche de porter sur Notre Seigneur le regard de l’âme, ne serait-ce qu’un instant, si vous ne pouvez faire plus ?… Car votre Epoux, Lui, ne vous perd jamais de vue ; il a supporté de vous mille péchés affreux sans que son regard ne vous ait jamais quittés. Est-ce donc trop pour vous que de détourner votre regard des objets extérieurs pour le contempler lui-même quelquefois ?
Considérez qu’il n’attend de vous qu’un regard, comme il le dit à l’Epouse : et selon que vous l’aurez aimé, vous le trouverez ! Car il estime tant ce regard qu’il ne négligera rien de son côté pour l’avoir[5]… »
+M Mickaël
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[1] Le Camino ou « Chemin de la perfection », un des ses plus beaux écrits pour fonder la vie d’oraison.
[2] Autobiographie, Chapitre 8.
[3] Chemin de la perfection, Chapitre 28.
[4] Chemin de la perfection, Chapitre 24.
[5] Chemin de la perfection, Chapitre 28.