Partager la publication "Méditation sur l’icône de « Marie, Refuge des derniers temps » (2) : quelques clefs d’entrée dans le livre de l’Apocalypse."
Ainsi, en prenant une certaine hauteur, on peut « proposer » quelques clefs d’entrée du livre prophétique de l’Apocalypse qui, redisons-le, est l’annonce d’une « Révélation » finale qui s’offre à notre intelligence de la foi. Il semble donc que trois visions fondamentales dominent le récit de l’Apôtre Jean :
1 – La vision préparatoire du Christ glorieux et les 7 Eglises : Ap 1 à Ap 3
D’abord cette annonce où la fraternelle douceur et la foi puissante de l’Apôtre bien-aimé se laisse deviner : « Moi, Jean, votre frère et votre compagnon dans l’épreuve, la royauté et la constance, en Jésus ! Je me trouvais dans l’île de Patmos à cause de la Parole de Dieu et du témoignage de Jésus. Je tombai en extase, le Jour du Seigneur, et j’entendis derrière moi une voix clamer, comme une trompette : « Ce que tu vois, écris-le dans un livre pour l’envoyer aux sept Eglises… » (Ap 1,9-11)
Et puis survient la vision éblouissante du « Fils de l’homme » : « Son visage, c’est comme le soleil qui brille dans tout son éclat !… A sa vue, je tombai à ses pieds comme mort ; mais il posa sur moi sa main droite en disant : « Ne crains pas, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant ; je fus mort et me voici vivant pour les siècles des siècles, détenant la clef de la Mort et de l’Hadès. Ecris donc ce que tu as vu : le présent et ce qui doit arriver plus tard… » (Ap 1,16-19). Car Il est l’Agneau qui va briser les sept sceaux (Ap 4 à Ap 8).
2 – La vision de la Femme et du Dragon : Ap 12,1-17
Ce chapitre 12 est en quelque sorte le chapitre-Cœur : « l’un des plus centraux de L’Apocalypse, de par l’importance de son contenu. En regard des chapitres précédents ou suivants, il apparaît comme autonome, bien qu’il soit, bien sûr, inclus dans le contexte général. Il comporte une série d’images essentielles se rapportant aux destinées du monde[1]…
En effet, tout commence par le « signe grandiose apparut au ciel : une Femme ! » (Ap, 12,1). Cette « Femme » est à la fois Marie et l’Eglise liées à jamais pour engendrer le mystère du Christ dans l’humanité : « Elle est enceinte et crie dans les douleurs et le travail de l’enfantement » face à « l’énorme Dragon rouge feu… qui s’apprête à dévorer son enfant… » (Ap 12,3-4). Mais l’Enfant-Dieu est vainqueur sur la Croix du salut et « Il fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône ! » (Ap 12,5) : Jean évoque ici le mystère de l’Ascension du Seigneur, d’une manière différente des Evangiles. Il garde le mot « enfant » comme si ce Mystère d’élévation était celui du plus « Petit » qui est resté jusqu’au bout sans défense : « L’Agneau de Dieu[2] ! » Telle est la victoire cachée de Jésus sur la Croix ! Car ici-bas, pas d’autre triomphe que l’amour blessé…
Une Femme enveloppée par le Soleil !
Ainsi, ce chapitre 12 fonde la foi en Jésus des enfants de Dieu à travers le mystère d’une « Femme » où se profile à la fois la Vierge et l’Eglise : « Le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête !… » Cette Femme est d’abord « enveloppée par le soleil », c’est-à-dire transparente et rayonnante de la Lumière de l’Agneau, Soleil divin de la miséricorde infinie de Dieu ! En la Mère de Jésus s’accomplit en plénitude la victoire du Christ sur le péché et sur la mort : son Immaculée Conception en est le fruit suprême ! Et dans la foi, l’espérance, l’amour et l’humilité de Marie, « pleine de grâce » (Lc 1,28), l’Eglise marche dans la voie d’enfance mariale et espère cette sainteté qui, seule, ouvre les portes du Ciel par une victoire finale sur les ténèbres ! C’est pourquoi la Femme écrase la tête du Dragon car « la lune est sous ses pieds ». Et les « douze étoiles qui couronnent sa tête » (Ap 12,1) annoncent que sa victoire finale est inéluctable, confirmant la prophétie centrale de ses Apparitions à Fatima : « A la fin, mon Cœur Immaculé triomphera ! »
C’est ici que l’interprétation de l’Icône prend tout son sens : Jean a peu à peu découvert à travers l’édification de l’Eglise primitive que cette Eglise est en réalité déjà portée et protégée par la prière et l’intercession de Celle qui en est la Mère… Le Pape Saint Paul VI le confirme magnifiquement : « le signe grandiose que Saint Jean vit dans le ciel : une Femme enveloppée de soleil, la liturgie l’interprète, non sans fondement, comme se rapportant à la très Sainte Vierge Marie, Mère de tous les hommes par la grâce du Christ Rédempteur… et nous exhortons tous les fils de l’Eglise à renouveler personnellement leur propre consécration au Cœur Immaculé de la Mère de l’Eglise[3] ! »
En cette extrême fin des temps, il nous faut être plus que jamais enveloppés dans ce Cœur de la Mère par la fidélité au saint Rosaire, une vie sacramentelle intense et une attention fraternelle renouvelée par l’Esprit-Saint. Le « Voici ta Mère ! » du Sauveur (Jn 19,27) résonne aujourd’hui à la puissance mille pour traverser en sécurité l’incendie mondial du péché normalisé : La déchéance post-moderne nous soumet à la déferlante du Mal où l’humanité devient du consommable à tous les âges et à toutes les étapes de la société ! Mais si nous nous tournons chaque jour vers Marie par le Rosaire, ce sera un 13 mai permanent[4] ! Nous permettrons à la Vierge d’étendre sur nos vies « sa main protectrice » qui arrêtera toutes les balles mortelles d’une civilisation décadente dominée par le pouvoir transitoire de la Bête[5]…
La Femme s’envole au Refuge du désert…
C’est ici que le chapitre 12 de l’Apocalypse insiste par deux fois sur la fuite au désert : « La Femme s’enfuyait au désert, où Dieu lui a ménagé un refuge pour qu’elle y soit nourrie mille deux cent soixante jours. » (Ap 12,6). Et plus loin, cet autre passage encore plus explicite : « Le Dragon se lança à la poursuite de la Femme, la Mère de l’Enfant-mâle. Mais elle reçut les deux ailes du grand Aigle pour voler au désert jusqu’au Refuge où, loin du Serpent, elle doit être nourrie, un temps et des temps et la moitié d’un temps. » (Ap 12,13-14). Ainsi, le mystère du désert si présent dans la Bible est autant le lieu de l’intimité avec Dieu (Ex 19,1-25) que le lieu de l’épreuve ! (Ex 32,1-35). Mais ici, on est plus proche de l’expérience d’Elie au torrent de Kérith, où Dieu veille sur la sécurité et la nourriture du Père des prophètes. (1 R 17,1-6). Il se manifestera à lui plus tard à l’Horeb dans la « brise légère » (1 R 19,1-14) où l’on peut deviner le « passage » de l’Esprit Saint !
Alors, comment ne pas penser ici à la fuite de Marie, protégée par Jean, vers les hauteurs d’Ephèse[6] ? Elle est déjà le mystère de la Femme, « Refuge » de la bienveillance de Dieu pour l’Eglise, car « au désert, Dieu lui a ménagé un refuge pour qu’elle y soit nourrie… » (Ap 12,14). Alors, en faisant un bond vers la fin des temps, on voit combien le Cœur de Marie est devenu ce « Refuge » comme Elle l’affirme clairement à Lucie de Fatima : « Ne te décourage pas, je ne t’abandonnerai jamais ! Mon Cœur Immaculé sera ton Refuge et le Chemin qui te conduira jusqu’à Dieu[7]… » Cette Parole de la Vierge révèle la tendresse sans fond de son Cœur pour chacun de nous à travers le mystère de l’Eglise. Car rien n’arrête l’élan maternel de son Cœur Immaculé : ni nos péchés répétés ou les horreurs de nos vies, ni notre orgueil caché à nos yeux aveugles, ni la dureté de nos cœurs : nous pourrions être sur le chemin de l’Enfer éternel, loin de Dieu et révoltés contre tout !… Si nous crions « Marie » comme notre ultime espoir ! Elle viendra vers nous et nous enveloppera de sa tendresse ! Elle nous sauvera de la désespérance car c’est le sens perpétuel de ses Apparitions : être proche de nous à chaque instant car Son Cœur est l’ultime Refuge !
Marie est la sécurité des humbles !
On peut tous se reprocher d’avoir si souvent tourné le dos à la miséricorde de Jésus et la tendresse de Marie. Mais qui comprendra l’inépuisable patience et douceur de notre Mère envoyée par Jésus ? Un seul cri d’enfant « perdu » vers Elle et Elle vient ! La folle bonté de son Cœur est inimaginable ! Et nous n’épuiserons jamais l’immense abîme de ses entrailles qui s’est ouvert au pied de la Croix par la Parole du Verbe fait chair… Ce mystère s’adresse désormais à chacun de nous[8] : « Voici ta Mère ! » (Jn 19,27). Sa maternelle douceur est insondable : Dieu seul la connaît ! Elle nous est pourtant offerte à chaque instant…
Il nous est donc urgent d’ouvrir la porte de la « sécurité des humbles ». Certes, nous sommes encore faibles et nul n’est à l’abri de tomber. Mais si nous faisons confiance à la Vierge, elle nous évitera les chutes fatales d’un ennemi principal caché en nous : cet orgueil qui nous pousse à désespérer en refusant les bras de la Miséricorde. Regardons l’Evangile en vérité : « Pierre et Paul sont les colonnes de l’Eglise ; l’un a trahi, l’autre a persécuté… mais il y a une seule catégorie de gens préservés de ce danger, ce sont ceux qui ressemblent à la Sainte Vierge par leur innocence et leur humilité. S’ils évitent les catastrophes, c’est justement parce qu’ils sont convaincus d’être capables du pire par eux-mêmes, alors ils s’enfoncent dans la petitesse des enfants avec une telle profondeur que Dieu les tient à l’abri dans le creux du rocher… C’est la sécurité des humbles, des gens qui ne se croient pas plus fort que la tempête[9]… »
3 – La Jérusalem céleste et le Fleuve de cristal : Apocalypse 21 et 22
A suivre…
[1] Serge Boulgakov, L’Apocalypse de Jean, Parole et silence, 2014, p.107.
[2] Dans le livre de l’Apocalypse, le mot « Agneau » revient une trentaine de fois.
[3] Saint Paul VI, Exhortation apostolique Signum Magnum, Sur la vénération et l’imitation de Marie, 13 mai 1967.
[4] 13 mai 1981 : Jour de l’attentat contre Jean-Paul II où la main de Marie l’a protégé…
[5] Dans le livre de l’Apocalypse, la Bête reçoit son pouvoir du Dragon (Ap 13,1-10). En gardant la prudence dans l’interprétation de ce livre mystérieux mais offert à notre « intelligence de la foi », il faut relire et méditer régulièrement les chapitres 12-13 et 14 pour mieux saisir l’extrême fin des temps dangereuse où nous entrons… En référence à Ap 12,7-12, confions-nous chaque jour à la protection de Saint Michel Archange : « Prince de la Milice céleste, Vainqueur de Satan, Terreur des démons et Gardien de l’Eglise ! » (Litanies de St Michel) ainsi qu’à nos saints Anges gardiens…
[6] Pour en savoir plus à ce sujet, voir le livre : La Maison de Marie à Ephèse, Extraits du journal du Père Eugène Poulin, Pierre Tequi éditeur, 2006.
[7] Fatima, 2° Apparition, 13 juin 1917.
[8] « Le contexte scripturaire et le caractère singulier de l’appellation « Femme » semblent indiquer que l’Evangéliste voit ici un acte qui dépasse la simple piété filiale : la proclamation de la maternité spirituelle de Marie, nouvelle Eve, à l’égard des croyants représentés par le disciple bien-aimé. » (Note de la Bible de Jérusalem, Edition 1973 – 1991).
[9] Marie-Dominique Molinié, Qui comprendra le Cœur de Dieu, Saint Paul, 1994, p.89-90.