Partager la publication "Méditation Evangile Mariale, pour le 14ème dimanche, Mt 11,25-30. « Ce qui plait au Bon Dieu, c’est de me voir aimer ma petitesse… »"
Quatorzième Dimanche : 9 juillet 2023
Evangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu : 11,25-30
Méditation Evangélique Mariale
« Ce qui plaît au Bon Dieu dans ma petite âme,
c’est de me voir aimer ma petitesse et ma pauvreté,
c’est l’espérance aveugle que j’ai en sa miséricorde… Voilà mon seul trésor !…
Pourquoi ce trésor ne serait-il pas le vôtre ? »
Sainte Petite Thérèse, Lettre 197
Notre appel premier d’enfants de Dieu est la sainteté : un Saint, une Sainte, sont en Jésus-Christ « la Lumière du monde » (Jn 8,12) et sauvent tant d’âmes sur le chemin de la perdition ! L’histoire de l’Eglise le démontre dans tous les secteurs de la vie humaine : la sainteté rayonne un Amour que tout le monde cherche… mais il faut bien saisir dès le début où est le vrai chemin évangélique dont Luc précise qu’il a fait « tressaillir de joie » Jésus « sous l’action de l’Esprit-Saint ! » (Lc 10,21). Voici la Révélation de l’Œuvre du Père qui doit sans cesse retentir en nos cœurs :
« Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits ! Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir… » (Mt 11,25-26)
Tel est notre appel évangélique quotidien sur lequel nous devons tous nous ajuster : se disposer à cette humilité du cœur des enfants non seulement « petits », mais « tout petits » ; cela indique un chemin vers la dépendance totale au Père et nous rend peu à peu semblables à Jésus qui a proclamé avec force : « Si vous ne vous convertissez pour devenir comme des petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. Celui qui s’abaisse comme ce petit enfant-là est le plus grand dans le Royaume des Cieux ! » (Mt 18,4)
Et il faut reconnaître ici que Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus est venue bouleverser l’Eglise par une sorte de « démocratisation de la sainteté » qui colle encore plus à l’Evangile. Cela n’a rien à voir avec une simplification facile, même si la simplicité évangélique fait partie de cette intuition géniale. Mais justement, Thérèse, qui s’est proclamée « petite » nous emporte vers cette profondeur d’enfance dont le secret bouleverse le Cœur de Dieu…
Nous sommes là au centre des questions les plus profondes et les plus déroutantes de l’Œuvre du Dieu-Amour en nos vies. Venons-en donc à cette citation de Thérèse dans une lettre « unique » qui, à mon humble avis, a le mieux explicité « l’intuition majeure » de toute sa vie. C’est un peu long mais c’est vital pour mieux cerner « la confiance illimitée qu’elle sent en son cœur… » Et ne croyons pas trop vite comprendre ! Ce que le petit Docteur de l’Eglise exprime implique un chemin de conversion à 360 degrés où tout sera bouleversé dans nos manières de voir et d’agir souvent erronées sur le sujet majeur des voies vers la sainteté. Il ne s’agit pas de s’accrocher à des « pratiques » ou des « intuitions décevantes », mais de beaucoup « perdre » pour recevoir de l’Esprit cette « disposition du cœur qui nous rend humbles et petits entre les bras de Dieu, conscients de notre faiblesse, et confiants jusqu’à l’audace en sa bonté de Père [1]! »
Nous sommes si blessés et si aveugles, et bien trop souvent nous avons secrètement renoncé au désir le plus beau qu’est le chemin vers la sainteté… N’est-il pas cette indicible joie d’entrer pas après pas dans l’infinie tendresse du Cœur de Dieu ? C’est le vrai bonheur d’une vie ! Demandons à Thérèse de découvrir comme elle que « l’unique bonheur sur la terre, c’est de s’appliquer à toujours trouver délicieuse la part que Jésus nous donne [2]… et mon petit moyen, c’est d’être toujours joyeuse, de toujours sourire, aussi bien quand je tombe que lorsque je remporte une victoire[3] ! » Quelle liberté dans ces paroles où Thérèse évite de trop se regarder, tout en prenant terriblement l’amour de Dieu au sérieux…
Alors, écoutons-là nous instruire pour transfigurer nos fragilités, nos chutes et résister à « l’orgueil des ténèbres » en ces temps post-modernes où la nuit s’impose comme la lumière. Et quand elle dit « comprenez », saisissons qu’il s’agit d’une « intelligence du cœur » qu’il faut supplier l’Esprit Saint de recevoir pour entrer peu à peu dans la plénitude de l’Enfance spirituelle :
« Comprenez que pour aimer Jésus, plus on est faible, sans désirs, ni vertus, plus on est propre aux opérations de cet Amour consumant et transformant… Le seul désir suffit, mais il faut consentir à rester pauvre et sans force et voilà le difficile car « le véritable pauvre d’esprit, où le trouver ? Il faut le chercher bien loin » a dit le psalmiste… Il ne dit pas qu’il faut le chercher parmi les grandes âmes, mais « bien loin », c’est-à-dire dans la bassesse, dans le néant… Ah ! Restons bien loin de tout ce qui brille, aimons notre petitesse, aimons à ne rien sentir, alors nous serons pauvres d’esprit et Jésus viendra nous chercher si loin que nous soyons, il nous transformera en flammes d’amour… Oh ! Que je voudrais pouvoir vous faire comprendre ce que je sens !… C’est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l’Amour[4] ! »
Par ce « rien que la confiance », nous sommes là au cœur du cœur de la voie d’enfance où la confiance devient la voie unique vers l’Amour, moyennant l’effort constant de la fidélité dans les « petites choses » : « Faisons tout nos petits efforts et espérant tout de sa miséricorde, nous recevrons autant que les grands Saints [5] ! » On sent ici que le choix incessant de la pauvreté offerte à la miséricorde est décisif car il a comme libéré l’envol de la confiance : c’est tout ce qui nous reste… mais cette confiance épurée est la puissante propulsion vers le Refuge ultime des bras de Dieu !… La sainteté n’est plus une performance d’exception mais une victoire de la confiance sur le Cœur de Dieu : elle déclenche sur les « tout-petits » l’envahissement de sa Miséricorde…
En même temps, ces paroles de Thérèse peuvent nous choquer, et l’on peut avoir le réflexe de tourner la page en se disant : ce n’est pas pour moi… Pourtant, si nous les laissons un peu « résonner » en silence, nous sentons combien elles viennent illuminer notre regard de foi… mais combien aussi, notre nature pécheresse, et secrètement orgueilleuse, résiste à la puissance de l’enfance spirituelle qui attaque directement cette racine première et redoutable du péché originel.
C’est ici que l’Esprit Saint qui a conduit en tout la Vierge Marie, nous confie à Elle pour une opération première qui fonde toute notre foi dans l’humilité : « la Sainte Vierge écrase tout de suite la tête du Serpent. Quitte à ce qu’on soit mordu au talon et qu’on le sente passer… Elle attaque immédiatement le cœur de la place et nous passe tout, sauf l’orgueil ! [6] » C’est l’âme du Magnificat : « Il a jeté un regard sur l’humilité de sa servante… Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent ! » (Lc 1,48 et 50). Ainsi, redisons-le : la vraie humilité est la seule terre d’où naît une folle confiance qui attire le Feu de la Pentecôte ! Voilà pourquoi Marie nous forme dans l’apparente pauvreté du Rosaire où se prépare en secret la fulgurante Renaissance de l’Eglise !
+ M-Mickaël
[1] Thérèse de Lisieux, Œuvres complètes, Derniers entretiens, Cerf-DDB, 1992, p.1074. Notons au passage que dans la voie d’enfance « made in Thérèse », la conscience toujours plus profonde de notre « faiblesse » fait naître paradoxalement en nos cœurs cette « confiance audacieuse » où nos yeux s’ouvrent sur « la bonté du Père ». C’est là que se fait ou pas cette « Pâques » de l’enfance spirituelle…
[2] Lettre 257.
[3] Conseils et souvenirs de Sœur Geneviève, 23.
[4] Lettre 197.
[5] Conseils et souvenirs de Sœur Geneviève, 167.
[6] Marie-Dominique Molinié, Qui comprendra le Cœur de Dieu, Saint Paul, 1994, p.117.