Partager la publication "Méditation sur l’icône de « Marie, Refuge des derniers temps » (3) : quelques clefs d’entrée dans le livre de l’Apocalypse, suite…"
3 – La Jérusalem céleste et le Fleuve de cristal : Apocalypse 21 et 22
La chute de Babylone !
La perspective radieuse définitive de la « Jérusalem céleste » que décrit Jean dans l’Apocalypse au chapitre 21 se situe après la chute de la Babylone, la prostituée universelle : « car au vin de ses prostitutions se sont abreuvées toutes les nations… et les trafiquants de la terre se sont enrichis de son luxe effréné !… Hélas, hélas ! Immense cité, Ô Babylone, cité puissante… car une heure a suffi pour ruiner tout ce luxe ! » (Ap 18,3-10-17).
On est en droit de discerner si nous ne sommes pas arrivés aujourd’hui au seuil de l’écroulement de la Babylone dont les délires et les horreurs sont sans limites ? Et comment ne pas voir aussi un ensemble de signes eschatologiques inquiétants à travers les agitations de la nature, les dérives sociétales et les événements imprévus de toute sortes ? Ils sont d’ailleurs en résonance avec les visitations de la Vierge dont les avertissements sont de plus en plus alarmants ! Notre Mère pleure et crie[1] vers ses enfants car elle en voit trop sur le chemin de la perdition, aux portes de l’Enfer !… Certes, dans le mystère de l’Eglise, l’Amour nous appelle à prier, espérer et évangéliser en annonçant jusqu’au bout le salut et la paix en Jésus-Christ, seul Sauveur et Seigneur ! Mais à travers les « visitations » incessantes de sa tendre Mère, Dieu n’est-il pas en train aussi de nous « éloigner » de la Babylone qui va périr dans ses enfers ? Cette parole de l’Apocalypse n’a jamais été aussi actuelle : « Sortez, ô mon peuple, quittez-la, de peur que, solidaires de ses fautes, vous n’ayez à pâtir de ses plaies ! Car ses péchés se sont amoncelés jusqu’au ciel ! » (Ap 18,4-5).
Le Cœur Immaculé de Marie : Refuge ultime des derniers temps !
A l’image de Noé, nous avons de toute urgence à préparer notre « Arche de paix » (Gn 6,5-18 / 7,1-24) pour échapper à ce déluge toujours plus envahissant de notre civilisation transhumaine dont la décadence ne cesse d’augmenter… et c’est ici que prend tout son sens « l’éloignement » au désert dans les « Refuges marials » dont Ephèse est l’archétype, le modèle ecclésial « source » que Jean nous laisse deviner :
« La Femme reçut les deux ailes du grand aigle pour voler au désert jusqu’au refuge où, loin du Serpent, elle doit être nourrie un temps et des temps et la moitié d’un temps… » (Ap 12,14)
Historiquement, cette « Femme » poursuivie par le « Serpent » est d’abord la Vierge Marie fuyant les persécutions contre les Apôtres et les premiers chrétiens en Palestine. Remise à la garde filiale de Saint Jean par la parole mystérieuse du Christ en Croix, l’Apôtre bien-aimé va veiller sur Elle avec tendresse. Il va la conduire loin de Jérusalem à l’étranger et la protéger dans un lieu éloigné, sur les hauteurs d’Ephèse, au bord de la mer Egée. C’est là qu’une intimité contemplative grandira dans cette relation unique entre la Mère de Dieu et l’Apôtre bien-aimé de Jésus. Il va continuer à évangéliser dans toute la région mais en venant, on le devine, visiter souvent La Vierge. Et Jean va découvrir peu à peu que le Cœur silencieux de Marie est déjà celui de la Mère de l’Eglise… Cachée aux yeux de presque tous, la Mère de Dieu commence à porter en sa prière puissante l’Eglise et le monde !
Mais dans les derniers temps, cette Femme conduite au désert signifie aussi le mystère de l’Eglise qui, réduite et persécutée, partira au désert dans le silence des « Refuges ». La réalité spirituelle profonde de ces Refuges marials se fonde pour chacun sur la prière du Rosaire et l’état de grâce lié à la vie sacramentelle. Car en vérité, cette extrême « fin de temps » dévoile qu’un seul « Refuge » est accessible partout : le mystère du Cœur Immaculé de la Vierge offert à tous !… Alors, s’éloigner si possible des villes est une sage option en ces temps où la Babylone déploie là plus qu’ailleurs son pouvoir maléfique… mais où que l’on soit, l’important est d’entrer chaque jour toujours plus profondément dans le « Refuge ultime » : le Cœur Immaculé de Marie ! Et là, jour après jour et jusqu’à la fin : en Elle, avec Elle et par Elle, nous vaincrons le Dragon infernal !…
Le Cœur Immaculé est « comme une Mer de cristal » !
Ainsi, comme les élus au Ciel, il nous faut déjà chanter au quotidien le « Cantique de l’Agneau ! » (Ap 15,3). Et pour chanter ce cantique par toute notre vie, il nous faut être tout près de cette mystérieuse « mer de cristal ». Car selon la vision de Jean, il fut le premier élu à se tenir près de cette indicible beauté de Marie, toute transparente de Dieu :
« Et je vis comme une mer de cristal mêlée de feu, et se tenant debout près de cette mer de cristal… ceux qui ont triomphé de la Bête, de son image et du chiffre de son nom ! S’accompagnant sur les harpes de Dieu, ils chantaient le Cantique de Moïse et le Cantique de l’Agneau ! » (Ap 15,2-3)
Dans l’ascension d’une montagne, on parlera des premiers de cordée… Mais dans le mystère du salut, Marie est la « première d’humilité » ! Elle en témoigne en son Magnificat : « Il a posé son regard sur l’humilité de sa servante. Oui, désormais, toutes les générations me proclameront bienheureuse, car le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses, Saint est son Nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent… Il a élevé les humbles ! » (Lc 1,48-52).
Ainsi, toute sa beauté repose sur son humilité : « Marie a été très cachée dans sa vie : c’est pourquoi elle est appelée par le Saint-Esprit et l’Eglise « Alma Mater » : Mère cachée et secrète. Son humilité a été si profonde qu’elle n’a point eu sur la terre d’attrait plus puissant et plus continuel que de se cacher à elle-même et à toute créature, pour n’être connue que de Dieu seul !… Marie est le sanctuaire et le repos de la Sainte Trinité, où Dieu est plus magnifiquement et divinement qu’en aucun lieu de l’univers… Dieu le Père a fait un assemblage de toutes les eaux, qu’il nommé la mer ; il a fait un assemblage de toutes ses grâces, qu’il a appelé Marie[2] ! »
« Debout, près de cette mer de cristal ! » (Ap 15,2)
On peut donc deviner ici que derrière la beauté de la « mer de cristal » se cache la Mère transparente comme du cristal ! Car dès son Immaculée Conception, La Vierge Marie est déjà « toute belle » par l’Esprit de Dieu qui la traverse. La vision de Jean laisse deviner une puissante vérité théologique : « Je vis comme une mer de cristal mêlée de feu ! » Dans le langage secret des Ecritures dont le Saint-Esprit est le seul Auteur, ne peut-on entrevoir ici un des mystères phare de la Bible ? Cette « mer de cristal » ne renvoie-t-elle pas à la beauté cristalline de la Vierge ? Et si cette mer est « mêlée de feu », n’est-ce-pas parce que comme au jour de l’Annonciation l’ange Gabriel affirme : « L’Esprit-Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ! » (Lc 1,35) ? Car dans la conception de Jésus, tout s’opère par la puissance de l’Esprit à travers le « Fiat » de Marie. Et de même, nous aussi, dans notre grâce baptismale nous sommes engendrés à la vie de l’Esprit en Eglise par le « oui » secret de Marie… Nous touchons ici les fondements évangéliques les plus profonds qui légitiment la vie mariale : Marie est à la fois celle qui, dans l’Esprit, accueille le dessein de Dieu dans une plénitude unique et Celle qui, avec l’Esprit, donne la vie de Dieu aux enfants pécheurs pour que resplendisse en eux la beauté du Christ !
Pour le mieux saisir, il faut donc toujours revenir au mystère du « Verbe fait chair » (Jn 1,14) dans le sein de Marie : « Comme Il a aimé la Sainte Vierge ! Et, en retour, comme Il s’est livré à Elle dans une confiance sans mesure ! Faites de même ! Le premier acte de son Incarnation a été de se livrer à Marie… Ainsi, notre petitesse incline Marie vers nous. Mais que ce soit une petitesse vue, reconnue, acceptée, aimée, vécue car un enfant est d’autant plus à sa Mère qu’il est plus petit… Dans le Ciel, un jour, nous serons étonnés de voir et de savoir combien, au cours de notre humaine vie, Marie nous a été attentive, prévoyante, bienfaisante ! La miséricorde de Marie ne saurait s’épuiser[3]… »
On remarquera aussi que les élus sont « debout » et « près » de cette mer de cristal » (Ap 15,2) : « debout » comme la Vierge au pied de la Croix dont la foi la tient à la fois dressée et toute élancée vers son Fils souffrant… Elle seule savait au plus haut point que Dieu était crucifié : Elle contemplait son Fils et son Dieu en étant crucifiée avec lui en son Cœur indiciblement douloureux parce qu’Immaculé ! Plus l’amour est pur, plus la souffrance est extrême… et en regardant la douleur de la Femme, qui déjà nous échappe, on est au bord de l’abîme sans fond de la souffrance de l’Agneau immolé sur la Croix : vrai Dieu et vrai homme ! Et c’est pourquoi comme Jean et Marie-Madeleine, les élus sont « près » de cette « mer de cristal », tout « près » de la Femme des douleurs pour se tenir debout dans la foi. Et hier comme aujourd’hui, il n’y a pas d’autre choix et d’autre voie que se tenir tout « près d’Elle » (Jn 19,26) pour demeurer « debout » dans la foi et l’amour jusqu’au bout… Le Cœur Immaculé de Marie est notre « Refuge » et notre « Canal » vers la joie du Ciel !
Jean, l’Apôtre bien-aimé : « Tout près de Marie… »
L’Icône splendide de tendresse « écrite » par Marie-Jacinta se fonde sur cette première Icône inédite, mais aussi la renouvelle en beauté d’expression et de couleur, en élargissant aussi le champ de vision. En effet, la relation unique de Marie et Jean, où domine « le silence du regard », est située entre Ephèse et Patmos. Et cela donne un sens historique déterminant au mystère de leur « communion » en l’Eglise naissante… Certes, Jean l’Apôtre bien-aimé du Seigneur continue à évangéliser pour annoncer le salut du Sauveur, mais il le vit très différemment d’un Saint Paul : il est toujours celui qui est « tout contre Jésus » (Jn 13,23) et à qui Pierre demande d’intervenir auprès du Maître à l’annonce terrible de la trahison de Judas (Jn 13,25). En réalité, Jean « tout près de Marie » inaugure déjà l’Eglise contemplative qui va devenir le poumon secret et vivifiant de l’Eglise apostolique.
Et c’est ici qu’affleure une vérité fondamentale : « Marie est présente parmi les Apôtres comme l’âme de leur mission, à savoir le « oui » sans faille donné à l‘amour de Dieu qui sauve le monde… et cette Eglise des Apôtres est englobée dans une Eglise plus vaste, qui est le Peuple de Dieu, et spécialement dans cette « Eglise mariale », dans cette « Marie-Eglise », que symbolisent ces femmes réunies, avec Marie, au milieu des Apôtres (Ac 1,14). Ainsi dans l’Eglise, ce qui sera le plus décisif, ce ne sera pas d’exercer ou non tel ministère, de participer à tel ou tel rouage institutionnel. Le plus important sera toujours la sainteté, qui consiste à consentir au don de Dieu en glissant ton « oui » dans celui de la Vierge.
La présence de Marie parmi les Apôtres est donc riche de signification. Elle t’invite à penser que cette attitude mariale du « oui » donné sans réserve à Dieu est la mesure première de la fécondité de l’Eglise : presque personne ne sait qui était l’évêque de Thérèse de l’Enfant-Jésus… mais des millions de nos contemporains ont été touchés par la grâce de la Sainte de Lisieux ! La sainteté est plus décisive que le ministère épiscopal, même si celui-ci est indispensable. Il est plus important d’être saint que d’être laïc, consacré, diacre, prêtre, évêque ou pape. Marie est plus importante que Pierre, même s’il est un roc précieux pour ta foi[4]. »
[1] « Elle est enceinte et crie dans les douleurs et le travail de l’enfantement ! » (Ap 12,2). Voir les Apparitions de Marie à Akita au Japon (1973), reconnues par l’Eglise, et qui témoignent tant des « larmes de Marie » !
[2] Saint Louis-Marie de Montfort, Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, n° 2-5-23.
[3] Père Vayssière, o.p., Le Rosaire, Traditions Monastiques, 2018, p.18-19 et 23.
[4] Mgr Léonard, Le cœur de la foi chrétienne, Ed. de l’Emmanuel, 2003, p.70.