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L’appel des « apôtres des derniers temps »
Méditons d’abord le poignant appel de Marie qui termine presque le secret de Mélanie. Il s’adresse à tous ceux qui sont engagés par une triple relation d’appartenance : d’abord avec «Dieu, vivant et régnant dans les cieux», avec «le Christ fait homme, le seul Sauveur» , enfin avec Marie, chemin vers le Christ, dans l’esprit de sa vie. Ils ne seront des «apôtres des derniers temps» que si ils ont mûri cette relation dans le quotidien le plus ordinaire. La triple relation qui est requise est aussi l’entrée dans la vie trinitaire.
L’appel souligne spécialement leur «humilité», selon l’abaissement du Christ (Col 2,7) et les vertus de sa longue vie cachée, puis sa prédication et sa croix. Ce que reflètent les moments de l’Apparition :
« Les trois poses de la Sainte Vierge dans son apparition correspondent symboliquement aux trois degrés ou ascensions de l’âme vers la charité parfaite, indiqués par les docteurs qui ont traité de la théologie mystique. Ces trois degrés, [âges , ou voies,] appelés vie purgative, vie illuminative et vie unitive, correspondent eux-mêmes aux trois vertus théologales [foi , espérance, charité]. »
1. Au première âge, où il pleure avec Marie sur le péché, l’homme choisit de servir le seul vrai Dieu «vivant dans les Cieux» et non dans les erreurs de ce monde (Jn 17, 14). Il brûle les idoles, médite son mystère.
2. Le deuxième âge est celui de l’écoute et de l’imitation du Christ ; l’âge de la doctrine et des vertus.
3. Enfin le troisième, c’est la nouvelle Pentecôte de l’Esprit, inséparable de Marie à qui l’on se donne pour être porté à son Fils. De là jaillira la vie apostolique des apôtres des derniers temps et la nouvelle évangélisation.
La réponse au trois appels de Marie sera une triple confession de l’amour, à l’instar de la triple question de Jésus à Pierre au moment de lui confier ses brebis (Jn 21 , 15-17).
La Règle consignée par Mélanie explicite l’appel marial. Nombre de ses articles ont une structure ternaire. La Trinité est figurée assez nettement dans ses trois premiers. Le terme d’«apôtre des derniers temps» y parait plus loin, enchâssé dans un vie «ordinaire». La Règle illustre les vertus indiquées dans le secret et déjà énumérées par Vincent Ferrier : Ils seront pauvres, simples, doux, humbles, vils à leurs propres yeux ; ils s’aimeront entre eux d’une ardente charité. (Tractatus de vita spirituali, ch. 21 )
Découverte de la Règle
Dans la simplicité de l’Amour
Comme d’autres Règles de vie religieuse au cours des âges, c’est un retour aux sources de l’Evangile. Elle procède de l’amour : tout commence par là et s’y rattache pour la spiritualité comme pour les formes de la vie religieuse. Tout se ramène à la communauté primitive de Jérusalem si bien décrite dans les Actes des Apôtres : un seul cœur et une seul âme dans le partage communautaire des biens, (Ac 4, 32). Tout procède de l’intérieur : la vraie vie en Dieu, qui vient de Dieu seul. Le don total s’exprime notamment par l’adoration de l’Eucharistie, continue pendant 3 mois de l’année, assortie du jeûne, dans un don total fraternel et communautaire, qui inspire l’évangélisation urgente aux «apôtres des derniers temps».
Est-il une règle d’une si sublime simplicité ? Qui sait la lire est pénétré d’un religieux étonnement ; c’est la précision et la profondeur unies à la discrétion (Abbé Paul Gouin). La règle est constamment simple, évangélique, attentive à la dimension humaine. Si elle insiste sur la pénitence, c’est avec grande largeur d’esprit et grand souci du corps comme de l’âme, sans oublier l’alimentation suffisante de l’un et de l’autre. Elle n’a cessé d’inspirer la fondation de communautés anciennes et nouvelles. Elle reflète la vie de Vierge Marie, qui conservait, méditait, confrontait en son cœur les paroles et les actes du Christ. (Le 2, 19 et 51). Mélanie, comme Maximin, considérait les paroles de la Vierge, dans la limite des mots humains, comme une «musique pour l’âme», une nourriture à la fois amère et douce, un baume thérapeutique.
Progression
La Règle progresse en se préoccupant de l’âme et aussi du corps, de l’essentiel et aussi du concret :
1. La première partie est celle des grandes règles. C’est celle des principes évangéliques, formulés de façon lapidaire, qui peuvent animer les différents membres de la famille de la
Mère de Dieu selon leur état de vie. (Rappelons que Mélanie parle aussi de laïcs associés et de prêtres séculiers). Elle commence avec l’amour nouveau révélé par le Christ, qu’il s’agit de vivre dans le cadre ecclésial et communautaire, selon les trois règles universelles (Art 1-3) et les trois conseils évangéliques (4-7). Ils sont liés par une parfaite unité fraternelle, qui constitue moins un quatrième vœu que l’expression de l’amour du Christ partagé.
2. La deuxième partie (9-18) invite supérieurs et religieux au même amour attentif, inspirateur des vertus nécessaires à la vie commune et apostolique, toujours dans l’union à Dieu centrée sur l’Eucharistie.
3. La troisième partie (20-25) concerne la formation et la finalité apostolique dans la même perspective d’union communautaire.
4. Enfin les derniers articles (16-33) précisent l’essentiel au quotidien : vie communautaire (26), unité des cœurs dans la prière comme dans la nourriture prise en commun, souci des
malades (28). L’avant dernier article suggère de se conformer pour le reste aux usages liturgiques en vigueur : «Office quotidien comme les Sœurs de Corenc» (32). La Règle finit sur cette croix ornée d’instruments, rappel du jugement de Dieu entre le bien et le mal, l’amour et la haine, que Marie portait et apportait lors de l’apparition du 19 septembre 1846, et que porteront ses fils et filles, avec le Christ crucifiée et la Mère, crucifiée avec lui en esprit par et pour nos péché.
Texte de la Règle
Voici donc la Règle que Mélanie a reçue le 19 septembre 1846 et qu’elle communique, sûre que Notre Dame assistait sa mémoire comme pour le reste du message. Elle se sent tenue sur ce dernier point par l’ordre de Marie prononcé en deux moments distincts : « Vous le ferez passer à mon peuple ». Ce texte limpide est tissé d’allusions. La Règle de Marie récapitule en effet la spiritualité évangélique.
Règle de l’Ordre de la Mère de Dieu
« Mélanie, ce que j e vais vous dire à présent ne sera pas secret ; c’est la règle que vous ferez suivre exactement à mes filles qui seront ici lorsque la règle sera approuvée par les supérieurs. Mes missionnaires suivront la même règle.
1. Les membres de l’Ordre de la Mère de Dieu aimeront Dieu par dessus toutes choses et leur prochain comme eux-même pour le pur amour de Dieu.
2. L’esprit de cet Ordre n’est pas autre que l’esprit de Jésus-Christ en soi et l’esprit de Jésus-Christ dans les âmes.
3. Le membres de cet ordre s’appliqueront à étudier Jésus-Christ et l’imiter, et plus Jésus sera connu, plus ils s’humilieront à la vue de leur néant, de leur faiblesse, de leur incapacité à faire un bien réel dans les âmes sans la grâce divine.
4. Ils seront d’une obéissance parfaite en tout et partout.
5. Chacun d’eux se conservera dans une grande chasteté de corps et d’esprit afin que Jésus-Christ fasse sa demeure en eux.
6. Les membres de cet ordre n’auront qu’un cœur et qu’une âme en l’amour de Jésus-Christ.
7. Aucun n’aura rien en propre pour soi mais que tout soit en commun, sans ambitionner la moindre des choses passagères. Je veux que mes enfants soient nus, dépouillés de tout.
8. Ils auront en grande charité sans bornes. Ils souffriront tout de tout le monde, à l’exemple de leur divin maître, et ne feront souffrir personne.
9. Les membres de l’ordre obéiront à leurs supérieurs et leur rendront l’honneur et le respect qui leur sont dus avec
une grande simplicité de cœur.
10. La supérieure veillera avec douceur à l’observance de la Règle ; de temps en temps elle se consultera avec le Père missionnaire qui aura soin de vos âmes, afin d’être aidée dans le bon gouvernement de la maison ; elle sera la plus humble et sera plus sévère pour elle que pour les autres. Elle corrigera les fautes de ses filles avec une grande douceur et prudence. Elle élèvera toujours son âme à Dieu avant de faire une correction.
11. Il y aura dans le sanctuaire le Saint-Sacrement exposé le jour et la nuit, pendant les mois de septembre, de février et mai, où les membres de l’ordre se feront un bonheur de passer d’heureuses heures quand la charité ou le salut des âmes ne les retiendront pas.
12. Ils mèneront une vie intérieure, quoique laborieuse, unissant la vie contemplative à la vie active ; ils se sacrifieront et se feront tous victimes de Jésus et de Jésus crucifié.
13. Ils recevront tous les jours, avec une vraie piété, le pain de vie ; vous pourrez cependant retrancher la communion à quelques membres quand vous verrez qu’ils ne suivent pas les traces de Jésus crucifié.
14. Outre les jeûnes commandes par l’Eglise, ils jeûneront encore pendant les mois de septembre, février et mai, ils se serviront de quelques instruments de pénitence ; ceux qui seront trop faibles et ne pourront pas faire les œuvres d’expiation, offriront avec humilité et douceur leur infirmité à Jésus-Christ.
15. Ils jeûneront tous les vendredis et feront quelque pénitence. Toutes ces œuvres seront offertes pour les âmes du purgatoire, en faveur de la conversion des pécheurs et pour leur propre avancement dans l’amour de Dieu.
16. Les membres de l’ordre seront très humbles et très doux avec les séculiers et les recevront avec une grande bonté ; ceux qui seront les plus humbles auront la première place dans le cœur de Jésus ainsi que dans le mien.
17. Les membres n’auront qu’un cœur et qu’une âme : aucun ne tiendra à sa propre volonté.
18. Ils seront d’une pureté angélique, ils observeront une grande modestie en tout et partout.
19. Tous garderont un grand silence, évitant avec soin les conversations inutiles avec les étrangers.
20. Les sujets qui voudront être reçus seront dans la disposition bien sincère de se donner à Dieu entièrement et de se sacrifier pour son amour : ils s’attacheront bien à l’obéissance, qui les conduira au ciel.
21. Ils ne seront admis au nombres des postulants qu’après avoir fait une retraite de douze jours, pendant laquelle retraite ils feront une confession générale au Père missionnaire, confesseur de la communauté. S’ils sont disposés à travailler de toutes leurs forces à se sanctifier et à acquérir les vertus propres d’une victime qui veut s’immoler chaque jour pour le Dieu du ciel et de la terre, ils seront reçus au noviciat et seront trois mois avant de prendre le costume de l’ordre, et ils se rappelleront bien qu’ils n’ont été reçus dans la maison de la Mère de Dieu que pour travailler à leur sanctification par la prière, par la pénitence, et par toutes les œuvres qui regardent la gloire de Dieu et le salut des âmes.
22. Mes missionnaires seront les apôtres des derniers temps ; ils prêcheront l’Evangile de Jésus-Christ dans toute sa pureté par toute la terre.
23. Ils auront un zèle infatigable, ils prêcheront la réforme des cœurs, la pénitence et l’observation de la loi de Dieu, ils prêcheront sur la nécessite de la prière, sur le mépris des choses de la terre, sur la mort, le jugement, le paradis et l’enfer, sur la vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ. ils fortifieront les hommes dans la foi, afin que quand le démon viendra, un grand nombre ne soit pas trompé.
24. On formera bien les nouveaux sujets aux vertus chrétiennes et aux pratiques de l’humilité, de charité, de renoncement et de douceur.
25. Le noviciat sera de six ans ; ceux qui auront donné la preuve des solides vertus et qui voudront se ranger au nombre des combattants de Jésus-Christ dans cet ordre, demanderont cette grâce à genoux à la supérieure, et après que vous leur aurez fait connaître leurs obligations à la règle que je vous donne, s’ils vous promettent de l ‘observer fidèlement, vous les recevrez.
26. L’oraison se fera en commun dans le sanctuaire, à l’heure qui sera convenable et qui sera établie.
27. On mangera au réfectoire commun ce qui sera nécessaire pour soutenir la vie et pour travailler à la gloire de Dieu ; en même temps que l’on donnera au corps ce qui lui convient, l’âme se fortifiera par une sainte lecture qui se fera pendant le repas.
28. On aura le plus grand soin des membres infirmes et malades.
29. Si un membre offensait un autre membre par quelque parole ou autre acte, qu’il répare sa faute le plus tôt possible.
30. Tous les membres de cet ordre feront la génuflexion chaque fois qu’ils passeront devant le tabernacle où est Jésus-Christ.
31. Chaque fois que les sujets se rencontreront, l’un dira: «que Jésus soit aimé de tous les cœurs !», l’autre répondra : «ainsi soit-il».
32. Les religieuses diront l’office comme les religieuses de Corenc près de Grenoble ; les chapitres et autres pratiques se feront de même.
33. Tous les membres porteront une croix comme la mienne. »